Les Allemands n’ont pas boudé le scrutin. 76,6% des électeurs ont désigné hier leurs députés fédéraux pour, de fait, esquisser le portrait de leur nouveau chancelier. Mais Armin Lachet (CDU/CSU), l’héritier de Merkel, sorti deuxième du scrutin, ne semble pas décidé à laisser la main au grand gagnant, Olaf Scholz (SPD).
1. Le SPD sort grand gagnant
Au lendemain des élections fédérales allemandes qui doivent mettre un terme à seize années de chancellerie Merkel, les chiffres sont clairs : après dépouillement complet, les sociaux-démocrates du SPD, conduits par Olaf Scholz, l’actuel ministre des Finances allemand, l’emportent de 1,6 point sur le parti d’Angela Merkel. Ce faisant, il progresse de plus de 5 points par rapport aux dernières législatives, en 2017. Une renaissance inattendue pour un parti donné moribond il y a encore quelques mois.
« Nous sommes un parti pragmatique qui sait gouverner, nous sommes un parti de la confiance qui veut travailler pour un avenir meilleur en Allemagne, a justifié Olaf Scholz dès les premiers résultats dimanche soir. Mais nous avons aussi montré que nous apportons ce qui est nécessaire quand on veut gouverner un pays : à savoir l'unité, que tout le monde réclame. »
Il est certain que beaucoup de citoyennes et de citoyens ont voté SPD car ils veulent un changement de gouvernement et aussi parce qu'ils veulent que le prochain chancelier de ce pays s'appelle Olaf Scholz !
Il n'est pourtant pas du tout certain, alors que les négociations du nécessaire accord de coalition qui permettra de constituer un gouvernement pour l’Allemagne, que le patron du SPD remporte la chancellerie. Grands perdants, les conservateurs sortants de la CDU/CSU ne semblent pas, en effet, décidés à passer la main.
2. La CDU joue l’ouverture pour durer
Le SPD et la CDU, les deux grands partis historiques, ont gouverné ensemble pendant trois des quatre mandats d’Angela Merkel. Ce sont eux qui dirigent traditionnellement l’Allemagne. Mais le camp des conservateurs, dont a été issu le chancelier sur 50 des 70 dernières années, n’entend pas se ranger aussi facilement à la loi de la majorité. Car aucune règle ne stipule que le parti arrivé en tête mène d’abord et seul des négociations.
Armin Laschet, dont le parti n’enregistre que 24,1% – près de 9 points de moins qu’en 2017 ! –, a confirmé ses intentions dès hier sans ambiguïté :
Nous ferons tout notre possible pour former un gouvernement fédéral sous la direction de notre Union (CDU/CSU) car l'Allemagne a besoin maintenant d'une future coalition qui modernise notre pays en tenant compte de la protection du climat et des finances dont nous sommes pour les générations futures, nos enfants et nos petits-enfants.
Un appel du pied aux Verts d’Annalena Baerbock, qui, en forte progression à 14,8% (+5,9 points !), s’est félicitée : « Nous installons pour la première fois dans la république fédérale comme une force de premier plan qui peut façonner ce pays. (…) Nous avons une mission pour l’avenir ! »
Si, avec les libéraux du FDP (11,5%), Die Grüne parvenaient à construire un socle commun, les partis faiseurs de chancelier pourraient se vendre au plus offrant. Quand bien même ce serait la CDU/CSU, pourtant désavouée par les électeurs. C’est le pari de Laschet.
3. Merkel est là pour un moment encore
En attendant la désignation d’un gouvernement, au terme de négociations qui s’annoncent donc complexes, il faut gérer les affaires courantes. Si bien que, après avoir égalé le nombre de mandats d’Helmut Kohl, Angela Merkel est bien partie pour battre un autre record, la longévité au pouvoir. Pour rester aux affaires plus de 5 870 jours et détrôner son mentor, elle devra gouverner jusqu’au 17 décembre. Une échéance tout à fait réaliste, les partis ayant promis de s’entendre avant Noël.
Mais pour elle, la sortie aura un goût amer. La CDU/CSU a enregistré hier le plus mauvais score de l’histoire de son parti. Certes, le responsable en est Armin Laschet, dont la carrière semble compromise en tout cas à la tête de la CDU. Mais Merkel en paie le prix symbolique : la circonscription électorale dont elle était députée depuis trente ans est passée aux mains du SPD. Sur les bords de la Baltique, c’est Anna Kassautzki, une jeune femme de 27 ans, qui l’a détrônée… Le vent dominant est donc celui de l’alternance.