Amende civile, visite de lieux de mémoires, testings : les mesures du nouveau plan contre les discriminations

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Amende civile, visite de lieux de mémoires, testings : les mesures du nouveau plan contre les discriminations

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La Première ministre Élisabeth Borne à Paris le 30 janvier, pour la présentation du plan de lutte contre le racisme
La Première ministre Élisabeth Borne à Paris le 30 janvier, pour la présentation du plan de lutte contre le racisme
© AFP - Emmanuel Dunand

Le gouvernement a présenté lundi son plan de lutte contre le racisme. Chaque année, 1,2 million de personnes subiraient une discrimination ou une atteinte à caractère raciste ou antisémite.

La Première ministre Élisabeth Borne a présenté lundi depuis l’Institut du monde arabe à Paris son plan de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations. En tout, celui-ci comporte plus de 80 mesures, parmi lesquelles l’obligation d’une visite historique ou de mémoire pour chaque élève, une journée de formation pour les enseignants, et le développement des testings sur les discriminations à l’emploi.

Les écoles iront visiter des lieux de mémoire

Quinze ministres sont mobilisés et ont participé aux concertations pour élaborer ce plan, avec trente-cinq associations et des représentants des lieux mémoriels. Car c’est l’une des mesures phares présentées par la Première ministre chaque élève, durant sa scolarité, devra participer à une visite d’histoire ou de mémoire liée au racisme ou à l’antisémitisme. Des classes se rendront par exemple au camp de Drancy, au Mémorial de la Shoah, à la colonie d’Izieu, ou encore à Auschwitz, en Pologne. Des expositions itinérantes iront de ville en ville pour les établissements éloignés de lieux de mémoires.

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Élisabeth Borne a également annoncé la création, sur le site de l'ancien camp de concentration de Montreuil-Bellay, dans le Maine-et-Loire, d'un musée à la mémoire des gens du voyage internés pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les enseignants formés

Ce plan prévoit également une journée de formation pour tous les enseignants et les personnels des établissements scolaires, les éducateurs sportifs mais aussi les agents de la fonction publique, comme les forces de sécurité et les agents d’accueil Pôle emploi. Ces formations débuteront dans les prochaines semaines. Six millions de Français seront concernés, assure au Parisien Isabelle Rome, ministre déléguée en charge de la Diversité et de l’Égalité des chances. 40 millions d’euros seront déboursés et 731.000 agents seront formés cette année.

Création d'une amende civile et d'un mandat d'arrêt

Pour lutter contre le racisme et les discriminations, le gouvernement souhaite également améliorer le recueil et le traitement des plaintes par les forces de l’ordre, pour faciliter les dépôts. Les agents disposeront "d’une grille d’évaluation pour mieux qualifier les faits lors de la prise de plainte". Pour lutter contre "le sentiment d’impunité", la possibilité d’émettre un mandat d’arrêt en cas d’infraction grave à caractère raciste ou antisémite sera inscrite dans la loi. "Parce qu'en réalité, les haineux en ligne se planquent dans la loi de 1881 qui régit le droit de la presse. Ça n'est plus possible", explique le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti. Le plan prévoit aussi des peines aggravées pour les policiers ou gendarmes auteurs d'infractions à caractère raciste.

Éric Dupond-Moretti a annoncé une autre mesure sur laquelle son ministère travaille. Il veut créer une "amende civile": "En cas d'infraction, l'offensé aura toujours la possibilité de solliciter des dommages et intérêts - comme la ou les associations qui viendraient à le soutenir - mais en plus de cela, nous souhaitons créer une amende civile qui viendra abonder un fonds destiné à directement aider les victimes", a-t-il expliqué.

En revanche, le contrôle au faciès n'est pas évoqué. Selon un rapport du Défenseur des Droits publiés en 2017, les jeunes d'origine africaine ou arabe ont vingt fois plus de probabilité de se faire contrôler que le reste de la population. Plusieurs organisations demandent toujours un récépissé des contrôles, mais le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, y voit une "défiance" envers les forces de scéurité.

Systématiser les testings sur les discriminations à l’emploi

La lutte contre les discriminations doit aussi se faire, selon le gouvernement, dans l’accès au logement. Selon un testing menée par l’association SOS-Racisme l’an passé, sur 136 agences immobilières, réparties en France, 49 % ont accepté de pratiquer une sélection discriminatoire.

Cette méthode du testing sera étendue, "systématisé", dans les entreprises. Il consiste à envoyer pour la même offre d’emploi deux CV identiques. L’unique différence est l’origine du candidat. Selon l’association La Cordée, avoir "un nom à consonance maghrébine" diminue de 20 % ses chances d’être embauché comme cadre dans la Fonction publique. "Il ne faut pas que l'État se contente de faire du ‘name and shame’", réagit le président de SOS-Racisme Dominique Sopo, c’est-à-dire révéler le nom des entreprises qui ne jouent pas le jeu, "mais que l'État développe une vraie politique de lutte contre les discriminations raciales."

Augmentation du nombre de délits à caractère raciste

Selon les données du ministère de la Justice, en 2021, près de 8.000 affaires à caractère raciste, antisémite ou xénophobe ont fait l'objet d'une suite judiciaire. 1.382 condamnations ont été prononcées pour des actes racistes, antisémites ou xénophobes. Le nombre de crimes ou délits à caractère raciste a augmenté de 13 % entre 2019 et 2021. Selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme, chaque année, 1,2 million de personnes subiraient une discrimination ou une atteinte à caractère raciste ou antisémite.

Pour l’instant, l’enveloppe globale reste inconnue. Les associations attendent avec méfiance ce nouveau plan. Le dernier présenté par Edouard Philippe en 2018 et déployé jusqu’en 2020 n’a pas eu l’effet escompté. Par exemple, il prévoyait déjà de renforcer la formation des personnels de l’Éducation nationale.