Anne Teresa De Keersmaeker
1er programme : Elena’s Aria 2ème programme : Drumming Live
Premier programme - OSTINATO
Elena’s Aria, pièce charnière. En 1984, Anne Teresa De Keersmaeker met en crise les « recettes » qui ont valu le succès international de ses deux premières pièces, Fase et Rosas danst Rosas. Plus de musique répétitive, mais quelques arias au bord du silence. Plus d’énergie cyclique portée par la mécanique capricieuse des corps, mais la suspension du doute, au bord d’un certain désoeuvrement. Pour la première fois, la chorégraphe de Rosas s’autorise des projections d’images filmées, et des fragments de textes (principalement Tolstoï et Che Guevara). Ce « bouleversement stylistique » ne passe pas comme une lettre à la poste. À la création, au Théâtre royal flamand de Bruxelles, les représentations sont huées, et des élèves d’une école militaire se répandent en insultes. Au Théâtre de la Ville, en 1987, le spectacle n’est guère mieux accueilli. Ostinato, obstinément, Anne Teresa De Keersmaeker poursuivra cependant un tracé de véhémence dont Elena’s Aria est en quelque sorte l’acte de naissance. Sa reprise, vingt-sept ans plus tard, dans une nouvelle version, vient confirmer que les chefsd’oeuvre sont souvent en avance sur leur temps.Jean-Marc Adolphe
2ème programme - Drumming Live - L’INFINI POSSIBLE DES RYTHMES
Ce que l’oeil écoute. À l’établi des corps conducteurs, la ligne de coeur musicale que fraie Anne Teresa De Keersmaeker tout au long de son oeuvre, n’a de cesse d’élaborer des logiques rigoureuses de composition de formes afin que s’y écoule le ruissellement électrique de la vie, dans l’infini possible des rythmes. Steve Reich, compagnon des premiers pas de Fase en 1982, était encore au menu de Just before, quinze ans plus tard, puis revient avec Drumming Live en 1998. Se superposant au caractère percussif de la musique de Reich, Anne Teresa De Keersmaeker crée là un contre-espace où la multiplicité de trajets fait vivre un ensemble moléculaire, dans un glissement permanent des parcours individuels, et leur reprise incessante par le groupe. Perméabilité du tout et du singulier. Il y a quelque chose de frais et de quotidien dans ces trajets qui se fondent et se dispersent. Dans ce fourmillement de vie, toute la chorégraphie semble cependant parcourue par une vitalité apaisée. Une extraordinaire symbiose de structure et de liberté, qu’amplifie la version live aujourd’hui interprétée par les musiciens de l’ensemble Ictus.Jean-Marc Adolphe
UN TOURBILLON D’ÉNERGIE DE VIE Drumming (1998) est l’un des spectacles les plus fascinants d’Anne Teresa De Keersmaeker, un coup d’éclat chorégraphiqueà partir de la puissante partition pour percussions de Steve Reich. La musique du minimaliste new-yorkais était déjà le fil conducteur de son premier spectacle Fase (1982).Reich a écrit Drumming en 1970-1971, peu de temps après un voyage d’étude ethnomusicologique au Ghana. L’oeuvre est destinée à neuf percussionnistes et quelques voix. La partition manipule un seul motif rythmique obsédant, qui se multiplie et se déploie en une riche variété de textures, à travers quatre mouvements contrastés où interviennent les peaux, les bois, les métaux et de subtiles ombres chantées. Reich y pousse à bout les techniques de « processus graduels » déjà explorées dans Piano Phase (la musique de Fase) : les musiciens décalent leurs unissons par d’insensibles accélérations, produisant de la sorte une infinité de canons miroitants. Ictus donne vie à cette partition ensorcelante avec une précision stupéfiante.Dans sa chorégraphie, Anne Teresa De Keersmaeker surenchérit sur la partition en respectant son esprit : toute la chorégraphie de Drumming procède d’une unique phrase dansée dont les répétitions, inversions, transformations, changements de vitesse et d’échelle se combinent en un complexe mouvement perpétuel, une étourdissante apologie de la spirale. Sur le sol, les danseurs ont dessiné un tracé géométrique complexe sur lequel ils évoluent avec une puissance et une vitesse d’une intensité toujours croissante.Ce n’est qu’après que les percussions se sont tues et que les corps se sont immobilisés que le spectateur réalise ce qu’il vient de vivre : un voyage étourdissant, une vague de sons et de danse à l’état pur, un tourbillon d’énergie de vie.
En bonus
- Exposition du 14 au 26 mai , Anne-Teresa de Keersmaeker, photos de Herman Sorgeloos.- Installation vidéo à l'Espace librairie du 14 au 26 mai . Le public pourra feuilleter le livre Les Carnets d’une chorégraphe: Fase, Rosas danst Rosas, Elena’s Aria, Bartók et visionner les DVDs, démonstrations dansées d’Anne Teresa De Keersmaeker, ainsi que des extraits des spectacles.__
Visuel en haut à gauche : Drumming Live 2012 ® Herman Sorgeloos