"Apartheid" en Israël : Amnesty juge que les Palestiniens sont victimes de "discrimination systématique"

Publicité

"Apartheid" en Israël : Amnesty juge que les Palestiniens sont victimes de "discrimination systématique"

Par
Le ministre israélien des Affaires étrangères a réagi dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux au rapport d'Amnesty International
Le ministre israélien des Affaires étrangères a réagi dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux au rapport d'Amnesty International
- capture d'écran

Amnesty International publie mardi un rapport affirmant qu'Israël mène une politique "d'apartheid" envers les Palestiniens, qu'ils résident dans les Territoires occupés ou qu'ils soient citoyens israéliens. En retour, l'État hébreu dénonce une démarche "antisémite". L'organisation s'explique sur l'usage de ce terme.

Avant même la publication ce mardi du rapport d'Amnesty International intitulé "L'apartheid d'Israël contre les Palestiniens : un système cruel de domination et un crime contre l'Humanité", les autorités israéliennes ont réagi vivement en lançant une campagne de riposte sur les réseaux sociaux. 

Lors d'un point presse, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Lior Haiat, sans répondre aux questions de fond soulevées par le document, a estimé que "l'antisémitisme n'est pas une question du passé mais bien du présent. En réalité, ce rapport dit que la création d'Israël comme foyer de l'État juif, où les Juifs sont majoritaires, est un crime." 

Publicité

Quant au ministre lui-même, Yair Lapid, chef de file du centre-gauche, il a estimé que "Amnesty n'est pas une organisation des droits de l'Homme mais juste une organisation radicale supplémentaire, qui fait écho à de la propagande sans examen sérieux." Et de poursuivre : 

Au lieu de rechercher des faits, Amnesty cite les mensonges propagés par des organisations terroristes.

"Israël n'est pas parfait, mais c'est une démocratie attachée au droit international et ouverte à tout examen minutieux, avec une presse libre et une Cour suprême forte", a déclaré le ministre des Affaires étrangères. "Amnesty ne qualifie pas la Syrie d'État 'd'apartheid' ni l'Iran ou tout autre régime corrompu et meurtrier en Afrique ou en Amérique latine. Je déteste utiliser l'argument selon lequel, si Israël n'était pas un État juif, personne à Amnesty n'oserait s'y confronter. Mais dans ce cas, il n'y a pas d'autre possibilité".

Pas effrayé par la réplique israélienne, Amnesty International a diffusé son rapport ce mardi 1er février à 10 heures. Solomon Franck Sacco, juriste en chef d'Amnesty International, en a détaillé le contenu à France Inter.

FRANCE INTER : Pourquoi parlez-vous d'un rapport qui "fera date" pour Amnesty International ?

SOLOMON FRANCK SACCO : "Il s'agit du premier rapport d'Amnesty International sur la discrimination systématique en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Le rapport documente une oppression et une domination systématiques du peuple palestinien, partout où Israël exerce un contrôle effectif sur les Palestiniens et la jouissance, ou non, de leurs droits. 

Il  montre comment les Palestiniens sont traités comme des citoyens de seconde classe dans toutes les zones sous contrôle israélien, que ce soit à l'intérieur d'Israël, en Cisjordanie, à Jérusalem-Est ou à Gaza. Nous considérons la population palestinienne comme une seule population, peu importe où elle réside."

Vous considérez donc qu'à l'intérieur même de ses frontières, l'État israélien exerce un apartheid à l'encontre des Arabes israéliens, c'est à dire ces Palestiniens qui sont citoyens de l'Etat d'Israël ?

"Nous disons que les citoyens palestiniens d'Israël sont confrontés à une discrimination systématique. Nous avons vu la police israélienne traiter de façon discriminatoire des manifestations à l'intérieur du pays, où les manifestants étaient traités différemment selon leur ethnie. Les citoyens palestiniens ont été traités avec violence et arrêtés arbitrairement tandis que les citoyens juifs ont continué à inciter à la violence et à agir durement contre les Palestiniens. 

Autre très bon exemple de discrimination prolongée : le système juridique exclut les Palestiniens de l'accès aux terres appartenant à l'État. Les palestiniens citoyens d'Israël ne peuvent pas louer 80% des terres car elles appartiennent à l'Etat. Les personnes qui ont vu leurs bien saisis au cours des 70 dernières années ne sont pas autorisées par la loi à les récupérer. Contrairement aux Israéliens juifs que nous voyons même revendiquer des terrains à Jérusalem-Est."

Vous pointez aussi une différence de traitement par rapport à "la loi du retour" ? De quoi s'agit-il ?

"L'État d'Israël encourage les Juifs du monde entier à émigrer vers Israël et c'est parfaitement son droit. Mais Israël refuse aussi catégoriquement de permettre aux réfugiés palestiniens et à leurs familles, contraints de fuir en 1948 lors de la création de l'État, de revenir vivre sur place. 

Cela est aussi valable pour les personnes parties après la guerre des Six Jours en 1967 qui ne peuvent revenir dans les territoires occupés. Pourquoi cette discrimination en matière d'immigration et de retour ?"

L'intention effective est de maintenir une majorité juive israélienne en Israël et une hégémonie sur l'ensemble du territoire.

Le mot "apartheid" est très connoté et surtout, Israël aujourd'hui n'est pas l'Afrique du Sud de cette époque. Il y a par exemple des députés arabes à la Knesset dont certains - islamistes du parti Raam - sont même partie prenante de la coalition conduite par le Premier ministre nationaliste Naftali Bennett...

"L'apartheid est une violation grave de la Charte des Nations Unies, du droit international et de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Ce n'est pas nécessairement une référence à l'Afrique du Sud. C'est une référence à un système d'oppression et de domination d'un groupe racial sur un autre, cruel et discriminatoire. C'est ce sens du mot que nous avons utilisé. 

Nous ne comparons en aucune façon Israël ou les territoires occupés à l'Afrique du Sud. Certains actes inhumains, tels que des violations graves des droits de l'Homme constituent le crime contre l'humanité qu'est l'apartheid. On parle de torture, de meurtre, d'homicides illégaux à Jérusalem-Est, à Gaza, en Cisjordanie et, dans une moindre mesure, à l'intérieur d'Israël. 

Cependant, nous ne disons pas que les actes de violence commis en Israël constituent en eux-mêmes un crime contre l'humanité. On pense aussi au transfert forcé de la communauté bédouine du Negev, à l'intérieur d'Israël, dans le but d'assurer l'hégémonie des Israéliens juifs sur ce territoire. Voilà pourquoi nous recommandons au gouvernement d'Israël de démanteler le régime d'oppression et de domination partout où il exerce un contrôle sur les droits des Palestiniens. 

Notre objectif immédiat est de mettre fin aux démolitions discriminatoires de maisons et aux expulsions forcées de Palestiniens. Nous en appelons également aux États qui ont des relations particulières avec Israël comme les États-Unis ou la France. Nous appelons enfin la Cour Pénale Internationale à inclure cette notion de "crime contre l'humanité d'apartheid" dans son enquête en cours sur les crimes commis dans les territoires palestiniens occupés."