Après le confinement et la crise du Covid-19 : quelle société pour demain ?
Dans "Grand Bien vous fasse", au micro d'Ali Rebeihi, l'historien Carlos Solas, les philosophes Claire Marin et Cynthia Fleury, la professeure de littérature Belinda Cannone et le sociologue Michel Wievorka énumèrent les grands enjeux que suscite la crise actuelle pour penser la société de demain.
Apprendre à mieux gérer les situations de crise
Les invités commencent par souligner l'idée que c'est parce que le cours de la vie de chacun a été si brutalement interrompu qu'il est nécéssaire de repenser la société en période exceptionnelle :
Claire Marin explique que "jamais on aurait pu imaginer il y a quelques mois à quel point on serait tous en train de vivre une rupture à une échelle planétaire et dans tous les domaines de notre existence, c'est un sentiment autant qu'un phénomène universellement partagé qui laissera des séquelles : il faudra apprendre à vivre avec ce sentiment d'une menace qui inquiète de manière vive et qui n'était plus familière depuis maintenant un demi-siècle. On est confronté à des situations psychologiques totalement inédites qu'il nous faut apprendre à maitriser avec discernement".
Toute grande expérience inédite vient ranimer une puissance résiliée qui doit nous pousser à nous transformer.
- Cynthia Fleury
Quand Michel Wievorka estime, lui, que "cette situation doit nous apprendre à savoir anticiper une catastrophe", pointant la capacité d'une société à anticiper et agir immédiatement face à de tels fléaux.
Repenser notre rapport à la solidarité collective
Carlos Sola rappelle qu'il y a entre 30 et 50 % de citoyens qui agissent et travaillent pour les autres, ce qui doit commencer, selon lui, à nous faire réfléchir à une société où chacun peut et doit intervenir :
La vie ne sera plus jamais la même, il faudra désormais beaucoup plus d'attention.
- La solidarité doit aller de soi
"Ces jours doivent nous faire réfléchir sur l'éthique indépendamment des décisions politiques, il faut parvenir à réfléchir indépendamment des consignes de notre démocratie. Il faut que la responsabilité de chacun aille de soi sans que ce soit l'Etat qui le demande.
Le premier acte de liberté est d'exercer la responsabilité civique : arrêter de penser en individu, mais de penser en termes de communauté.
La gratitude doit s'exercer à chaque moment, la réciproque s'impose naturellement".
- Sortir les plus exposés de l'invisibilisation sociale
D'après Cynthia Fleury, la situation nous invite à prendre conscience de façon très concrète, ce qu'est le soin et à dépasser ce qu'elle appelle "l'invibilisation sociale" de tous les acteurs mobilisés en première ligne : "pour une fois, soudainement, cette base constituante de la société est là, plus présente que jamais sous nos yeux : les métiers de la santé, tous ceux qui assument cette démocratie de proximité, permettent que l'activité, la solidarité, l'espoir continuent".
Repenser notre démocratie en période de crise
- La question de l'État de droit et de l'état d'urgence sanitaire
Cynthia Fleury en vient à interroger l'efficacité de l'État de droit dans la gestion pandémique considérant que "la crise sanitaire actuelle nous pousse à redécouvrir nécessairement son rapport à la faille systémique qu'elle met en question : elle nous montre la nécessité d'avoir une gestion démocratique, respectueuse malgré tout des libertés individuelles en ces temps extraordinaires ; c'est une drôle de complexité qui demande à concilier à la fois un état d'urgence sanitaire et l'Etat de droit".
- Repenser la solidarité nationale
Alors que les hôpitaux se trouvent actuellement dans une situation de surmenage inédite, d'où une mobilisation, un dévouement, un sacrifice qui rappellent quasiment ceux de la médecine de guerre, Belinda Cannone invite à "redéfinir la solidarité nationale que le virus met en question car celle-ci n'est pas qu'individuelle. C'est par exemple un système de santé qui devrait bien marcher et qui ne cesse de se démanteler complètement depuis 20 ans.
Aujourd'hui, les personnels soignants sont en première ligne et traduisent bien les manques de moyens de soigner autant qu'on le voudrait. On est en train d'apprendre qu'il faut réorienter les budgets vers l'école, vers la santé et non plus vers cette économie qui a construit une société consumériste folle.
Nous avons perdu le mode d'emploi de nos vies.
Aller plus loin
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