Artem, réfugié de Boutcha : "Les soldats russes installaient des mines devant les portails des habitations"
Par Julien Baldacchino, Thibault LefèvreCe week-end, le monde a découvert avec indignation l'ampleur des scènes macabres dans les villes dévastées par les combats après le départ des forces russes. Artem a fui Boutcha le 12 mars dernier. Il raconte l'horreur subie par les civils dans cette ville qui témoigne des atrocités commises.
L'indignation est générale : après le départ des forces russes de la région de Kiev, le monde découvre les exactions massives commises contre des civils. Une ville en particulier témoigne de ces atrocités : Boutcha, au nord-ouest de Kiev, dont les rues sont jonchées de cadavres – à tel point que trois fosses communes ont été creusées près des églises pour les enterrer.
Les yeux cernés, rougis par le manque de sommeil, Artem, 38 ans, témoigne de ces violences. "Je me sens vide et j'ai la rage", dit-il, la voix grave, caverneuse, par moments hésitante, laissant transparaître une colère contenue.
Ville jonchée de cadavres
Artem égrène, lentement, les atrocités commises par les soldats russes : "Il y a eu des jets de grenades dans des caves, et des mines qui étaient installés devant les portails des habitations. Et en sortant de chez eux, des civils ont sauté sur ces mines". Après 17 jours sous occupation russe, Artem, qui vivait à Boutcha depuis 2001, est parti à pied avec sa soeur, sa mère et une voisine.
Ensemble, ils ont traversé Boutcha, qui était déjà jonchée de cadavres. Pour le Kremlin, ces scènes d'horreurs sont une mise en scène, mais selon Artem, ce sont les soldats russes qui ont commis ces crimes : des hommes, parfois très jeunes, qui pendant presque deux mois, ont terrorisé une population réfugiée dans les sous-sols, les caves ou les abris de fortune.
Des soldats "souvent saouls"
"Souvent, quand je voyais des soldats russes, ils étaient saouls", raconte-t-il. "Ils nous ordonnaient de creuser des trous, de nous cacher dedans parce que notre quartier allait être bombardé. Et si on ne se cachait pas, ils nous disait que ces trous seraient nos tombes. Ils cherchaient des femmes, et je pense que c'était pour assouvir leurs désirs".
"C'est ce qu'il s'est passé, et désormais le monde entier est au courant", conclut Artem. Il a perdu deux amis à Boutcha, et n'a aujourd'hui aucune nouvelle d'une trentaine de connaissances de son quartier.