
A l’occasion de la sortie du nouvel album des Gaulois « Astérix et la Transitalique », petit tour d’horizon des décalages historiques dans les aventures d'Astérix et Obélix.
Deux ans après Le Papyrus de César, Jean-Yves Ferri au scénario et Didier Conrad au dessin récidivent pour la 37e aventure des Gaulois les plus célèbres du monde (370 000 millions d’albums des aventures d’Astérix vendus). L’occasion de faire un point sur la vérité historique avec deux archéologues. Longtemps présentée comme réaliste, et bien documentée, la série imaginée par René Goscinny, et dessinée par Albert Uderzo dans les pages de Pilote à partir de 1959 est aujourd’hui gentiment remise en question.
Les Gaulois, des frustres vivant entourés de forêts ?
Les Gaulois n’étaient pas ce peuple mal dégrossi vivant, dans la forêt, de la cueillette des fruits et de la chasse. Dès les années 1970, les photos aériennes du chercheur René Agache ont montré la présence d’établissements agricoles, datés de l'époque gauloise, espacés de 500 mètres seulement ! René Agache en a recensé plusieurs milliers. Là, où on imaginait un paysage de forêts aussi impénétrables que la jungle, le pays était exploité intégralement sous la forme de cultures et de pâturages. Et exit, donc, la case récurrente de la chasse aux sangliers dans la forêt qui entoure le village d'Astérix !
Un peuple … efficace !
Yves le Bechennec, qui a notamment travaillé sur le sanctuaire de Thezy-Glimont en Picardie, s’émerveille : « On a affaire à des gens qui ont des épées en fer, avec des lames de haute technologie qui associent des fers de capacités différentes de façon à avoir des lames tranchantes d'un mètre vingt et plus. On a longtemps pensé qu’elles étaient exceptionnelles. On sait dorénavant qu'elles étaient produites en séries extrêmement standardisées ».
Plus incroyable encore, note le chercheur : « A génération équivalente, on a, à quelques millimètres près, la même taille d'épée au Nord de la France, qu’au milieu de la Hongrie ! ». On est loin des albums d’Astérix où les Gaulois frappent des armes avec leurs poings !
Des Gaulois plus nombreux qu’on ne le pensait
Les peuples gaulois étaient aussi plus nombreux qu’on le pensait. Pendant longtemps, leur nombre était évalué entre 6 et 12 millions. La fourchette haute semblait improbable. A la lumière d’images de l’occupation du territoire, et des fouilles entamées un peu partout en France, on sait maintenant que l’hypothèse des 12 millions est la plus réaliste.
Des Gaulois aussi plus évolués économiquement…
Les dernières découvertes montrent l’existence de relations commerciales entre régions gauloises de production de viande et des régions de consommations, entre des régions qui s’échangent des types de céramiques différents… Idem pour le confit de canard qui s’achète le long des fleuves.
Ces échanges nombreux ont métamorphosé l’image des Gaulois. Jusque dans les années 1950, on n’était pas loin de croire que les quelques monnaies retrouvées étaient exceptionnelles et inutilisables tellement elles contenaient d'or. Aujourd'hui, on se rend compte que la Gaule disposait d’un système monétaire diversifiée avec des métaux différents, dès le IIIe siècle avant JC. Soit plus de 200 ans avant la conquête romaine !
Et la religion ?
Panoramix, serpe d’or à la main en train de couper du gui pour sa potion magique : une image réaliste ? En 1975, un instituteur, Jean-Louis Bruneaux, devenu depuis chercheur et directeur au CNRS, exhume avec ses élèves un sanctuaire et un lieu de culte gaulois à Gournay-sous-Aronde, dans l’Oise.
On avait toujours pensé que les Gaulois exerçaient leur culte dans la forêt, à proximité des sources - des lieux naturels sacrés. Or le sanctuaire de Gournay ressemble beaucoup à ceux des Grecs et des Romains : un grand enclos qui entoure une sorte de cour avec, au centre, un temple.
Les ossements trouvés sur place prouvent que le sanctuaire était le théâtre de sacrifices. Non pas humains, comme on l'imaginait il y a encore quelques décennies, mais d’animaux : des grands bœufs, parfois des chevaux, mais aussi des porcs, des chèvres et, plus rarement, de la volaille. Cette découverte a changé notre vision de la religion gauloise. Elle a rapproché encore plus ces peuples de ce qu'on connaissait du monde méditerranéen.
La ville gauloise était dotée d’un théâtre et d’un lieu d’assemblée politique

Pendant longtemps, les historiens ont également eu une vision assez sommaire et primitive de la ville gauloise. Ils pensaient qu’elle servait plus ou moins de refuge militaire, avec un rempart enserrant les habitations. Une sorte de village d'Astérix, non pas entouré de palissades au bord de la mer, mais bâti sur un nid d'aigle.
Les recherches menées à Corent par Matthieu Poux depuis dix-sept ans, permettent de mieux comprendre comment ces cités étaient organisées. En bordure d’une grande place, on retrouve tous les éléments constitutifs d'un centre-ville méditerranéen - grec ou romain : un grand sanctuaire, un espace communautaire dédié à la religion et aux assemblées politiques.
A coté, on trouve une place de marché partiellement couverte qui accueille des artisans : orfèvres, bouchers, tabletiers, marchands de vins. Ces marchands produisent des biens manufacturés, transforment des aliments, et les vendent sur place.
Mais le plus important à Corent, c'est la découverte d'une sorte de théâtre ! Un lieu que l’on imaginait réservé à la civilisation classique grecque et romaine… Le théâtre de Corent n’est pas très spectaculaire : il est en bois, et plutôt petit. Mais les fouilles nous apprennent qu’il était également le lieu d'assemblées politiques. Si les Gaulois disposaient de tels lieux pour se réunir, on peut imaginer que leur vie institutionnelle et politique était beaucoup plus complexe qu'on ne le supposait.
Quand on relit La guerre des Gaules, César parle effectivement d'institutions gauloises qu'il trouve tout à fait comparables aux comices (assemblées populaires) ou au Sénat de Rome. César évoque aussi un forum... C'est donc une vision complètement renouvelée de la ville gauloise qui commence à sortir du sol.
Rappelons aussi, que les Gaulois auraient été très étonnés de se voir appelé du nom d'un seul peuple tellement ils étaient différents des uns des autres. Astérix et Obelix étaient, par exemple, des Coriosolites.
Avec
- Yves Le Bechennec, 55 ans, archéologue, chef de projet sur les fouilles du sanctuaire de Thezy-Glimont,
- et Matthieu Poux, 47 ans, professeur d’histoire à Lyon II, qui coordonne les fouilles de l’oppidum de Corent.
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