Ateliers de désobéissance civile à Poitiers : retour sur le bras de fer qui oppose la mairie EELV au préfet
Par Manon Vautier-Chollet
Depuis mi-septembre, un conflit oppose le préfet de la Vienne à la municipalité de Poitiers et sa communauté urbaine. Le représentant de l'État leur demande de retirer la subvention accordée à une association qui a organisé des ateliers de désobéissance civile. Les deux collectivités s'y refusent.
Un camp invoque la "liberté d'expression", l'autre le "contrat d'engagement républicain". Un bras de fer politique continue d'opposer d'un côté la mairie écologiste de Poitiers et la communauté urbaine, et de l'autre le préfet de la Vienne, Jean-Marie Girier. À l'origine de ce conflit : des ateliers de désobéissance civile, programmés dans le cadre du "Village des Alternatives", organisé mi-septembre par l'association environnementale Alternatiba. La préfecture exige le retrait des subventions allouées, les deux collectivités s'y opposent. Retour sur ce bras de fer en trois actes.
Acte 1 : le préfet découvre dans la gazette municipale la tenue d'ateliers de désobéissance civile
Au début du mois de septembre, le préfet de la Vienne Jean-Marie Girier manque de s'étrangler en découvrant dans "Poitiers Mag", le magazine d'information de la ville, que le "Village des alternatives" organisé à Poitiers les 17 et 18 septembre proposera notamment "des ateliers de désobéissance civile". Ceux-ci sont organisés par deux associations : Extinction Rebellion et Greenpeace Poitiers.
Que de l'argent public puisse financer une incitation à commettre des actions illégales, il n'en est pas question, pour Jean-Marie Girier. Il écrit à la maire EELV de Poitiers, Léonore Moncond'huy, la sommant de retirer la subvention allouée à l'association Alternatiba, organisatrice de l'événement. Ces ateliers sont, aux yeux du préfet, "incompatibles avec le contrat d'engagement républicain", qui s'applique depuis janvier 2022.
Instauré dans le cadre de la loi "séparatisme", celui-ci stipule que les associations sont tenues de ne pas "entreprendre ni inciter aucune action manifestement contraire à la loi, violente ou susceptible d’entraîner des troubles graves à l’ordre public" mais également à "ne pas provoquer à la haine ou la violence envers quiconque" .
Les subventions en question ont été attribuées à Alternatiba à la fin du mois de juin, par la communauté urbaine du Grand Poitiers puis la mairie, pour l'organisation du "Village des alternatives". La ville de Poitiers a versé 10.000 euros à l'association, la communauté urbaine 5.000 euros.

Acte 2 : les collectivités refusent au nom de "la liberté d'expression"
Pas question d'accepter la demande du préfet, répondent d'une voix commune la mairie de Poitiers et Grand Poitiers. Une position que la maire et la présidente de l'agglomération affirment dans deux courriers quasiment identiques, adressés au préfet le 22 septembre, assurant notamment que supprimer les subventions "contreviendrait aux libertés fondamentales d'association, de réunion et d'expression de l'association Alternatiba". S'adressant au préfet, elles assurent également ne pas partager son "interprétation des règles issues de cette loi et l'application qu'[il] en fait concernant I'organisation du 'Village des Alternatives'".
Le 16 septembre, à la veille de la tenue de l'événement, la maire de Poitiers Léonore Moncond'huy avait assuré dans un communiqué publié au nom de la ville, qu'en "remettant en cause le droit d’Alternatiba à s’interroger et à former les participants autour de l’idée de désobéissance civile, c’est une conception de la République qui s’effrite, et qui doit être défendue. Une République qui autorise et garantit la liberté d’expression plutôt qu’elle ne cherche à la réduire". Pour elle, la loi "séparatisme" invoquée par le préfet serait même "utilisée pour contester la légitimité de l’association Alternatiba à poser la question de la désobéissance civile dans l’espace public ".
Alternatiba, l'association mise en cause, défend de son côté un atelier qui n'est "pas une atteinte à l'ordre public, mais bien au contraire une manière non violente d'exprimer les raisons qui nous poussent à manifester".
Acte 3 : la question sera tranchée dans les jours prochains lors d'un vote à main levée
La maire de Poitiers Léonore Moncond'huy et la présidente de Grand Poitiers Florence Jardin se sont tout de même engagées à partager aux membres du Conseil municipal et du Conseil communautaire la demande du préfet. Ensuite, un vote à main levée sera réalisé pour décider, à la mairie comme au sein de la communauté urbaine du Grand Poitiers, du maintien (ou non) des deux subventions allouées à l'association Alternatiba pour l'organisation l'événement. Le vote aura lieu le 30 septembre pour Grand Poitiers, le 3 octobre pour Poitiers.
Si elle refuse le retrait des subventions, Léonore Moncond'huy émet toutefois un début de mea culpa. L'élue écologiste reconnaît que le texte de présentation de l'événement dans le magazine d'information de la ville et faisant état de ces ateliers de désobéissance civile était "inopportun au regard de l'objet même du bulletin d'informations municipales".