Au cœur de l'orgue de Notre-Dame de Paris, dont les 8 000 tuyaux viennent d'être retirés pour nettoyage

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Au cœur de l'orgue de Notre-Dame de Paris, dont les 8 000 tuyaux viennent d'être retirés pour nettoyage

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L'orgue qui compte 8000 tuyaux a dû être quasi intégralement déposé
L'orgue qui compte 8000 tuyaux a dû être quasi intégralement déposé
- © Patrick Zachmann / Magnum Photos

Le plus grand orgue de France par le nombre de ses jeux, celui de Notre-Dame de Paris, a été déposé. L'opération a duré quatre mois et vient de s'achever. 8 000 tuyaux devront être nettoyés des poussières de plomb qui s'y sont déposées durant l'incendie de la cathédrale. Reportage "à l'intérieur" de l'instrument.

Dans la cathédrale, encore éventrée et soumise aux intempéries, les étapes cruciales pour l'avancée du chantier se succèdent depuis quelques semaines. Après la dépose totale de l’échafaudage, en partie fondu lors de l'incendie du 15 avril 2019 et qui menaçait encore la structure de Notre-Dame de Paris, l’établissement public chargé de la restauration de la cathédrale a annoncé ce mercredi la dépose du grand orgue. L'instrument, le plus grand de France par le nombre de jeux, a été totalement déposé après quatre mois de travaux.

Pour prendre la mesure de l'ampleur de ce chantier, il faut monter sous la rosace de la façade ouest de la cathédrale, à l'intérieur de l'édifice. "Il faut imaginer que là où vous vous trouvez, il y avait des forêts de tuyaux, et qu'il était impossible de marcher ici" détaille Christian Lutz, organologue, technicien-conseil auprès des monuments historiques, qui a supervisé cette dépose et avec qui on découvre cette façade intérieure de Notre-Dame dégagée temporairement de l'imposant instrument de 8000 tuyaux. Seuls quelques tuyaux situés sur la façade de l'orgue, et d'autres, en bois, restent en place et seront nettoyés dans la cathédrale, car trop fragiles.

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Un instrument épargné par l'incendie, mais pollué par le plomb

"L'instrument était quasiment intact et n'avait souffert ni de la chaleur ni de l'eau mais il était recouvert d'une sorte de poussière jaune ou verte, de l'oxyde de plomb, nocif pour l'homme" ajoute-t-il, précisant la nécessité de cette dépose, pour nettoyer chaque tuyau et éviter toute contamination. L'opération a débuté le 3 août et vient de s'achever avec deux mois d'avance.

Dépose de l'orgue de Notre-Dame de Paris
Dépose de l'orgue de Notre-Dame de Paris
- © Christian Lutz / Etablissement public chargé de la restauration de Notre-Dame

Pour cela, il fallu ériger un échafaudage, pour descendre les éléments en toute sécurité, déposés dans quatre conteneurs étanches et stockés dans un entrepôt, dans un endroit tenu secret. "La décontamination ne se fera pas ici, les tuyaux démontés vont être transportés dans les différents ateliers de facteurs d'orgue", précise Christian Lutz. Les entreprises qui auront à charge ce nettoyage devront aussi restaurer et remonter l'orgue et seront choisi à l'issue d'un appel d'offres au premier semestre 2021.

Deux mois d'avance sur le calendrier prévu

Trois entreprises ont en tout cas travaillé à cette dépose, dans le cadre d'une procédure d'urgence : l’atelier Quoirin, mandataire, de Saint-Didier (Vaucluse), l’atelier Cattiaux Olivier Chevron successeur, de Liourdres (Corrèze) et la Manufacture languedocienne de grandes orgues, de Lodève (Hérault), qui ont mobilisé 11 facteurs d'orgue. "Toutes les provinces de France concourent à la renaissance de notre cathédrale", se réjouit le général Jean-Louis Georgelin, président de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame de Paris. 

Les représentants des entreprises de facteurs d'orgue autour du général Georgelin, mercredi 9 décembre
Les représentants des entreprises de facteurs d'orgue autour du général Georgelin, mercredi 9 décembre
- © David Bordes / Etablissement public chargé de la restauration de Notre-Dame

"On a déjà travaillé dans des très grands instruments, mais qui sont la moitié de celui-là", détaille Mario Damico, chef de ce chantier de dépose. "C'est un instrument énorme et la difficulté de travailler dans un instrument est toujours exponentielle par rapport à sa taille : il fait 12 mètres de largeur pour 12 mètres de hauteur et c'est un instrument très comprimé, tout ce qui est à l'intérieur est énorme, c'était un défi. On a emballé 8000 tuyaux, presque comme des sculptures du musée du Louvre et rempli quatre containers et un camion" afin d'entreposer les tuyaux déposés dans un endroit tenu secret. 

Ravi d'avoir fini cette dépose avec deux mois d'avance, grâce à une programmation minutieuse des étapes du chantier et une organisation en deux équipes, Mario Damico pense déjà à la suite : "Depuis le jour de l'incendie, j'attends de pouvoir réécouter l'orgue".

Une journée particulière
53 min

Un remontage fin 2023 avant la fin du chantier prévue en avril 2024

Au sommet de l'échafaudage admirant de près la rose visible à l'extérieur depuis le parvis de Notre-Dame, Jean-Louis Georgelin le rejoint : "Il fallait que l'orgue puisse refonctionner en avril 2024 et M. Lutz a fait une programmation extrêmement millimétrée", car l'objectif est de "rendre la cathédrale au culte le 16 avril 2024".

Jean-Louis Georgelin, au sommet de l'échafaudage installé pour déposer l'orgue de Notre-Dame
Jean-Louis Georgelin, au sommet de l'échafaudage installé pour déposer l'orgue de Notre-Dame
© Radio France - Rémi Brancato

Pour cela, en octobre 2023 débutera le remontage de l'orgue, qui devrait durer six mois, une opération complexe et délicate. "Il va falloir vérifier que l'harmonie de chaque tuyau, leur timbre, leur couleur sonore, sera bien celle d'avant, vérifier qu'il n'y en a pas un qui sonne moins fort ou plus fort", détaille Christian Lutz.

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"Cette opération très minutieuse et subtile demande une oreille très exercée du facteur d'orgue, de l'harmoniste et il a besoin de calme, il ne peut pas travailler dans un brouhaha, il va devoir travailler de nuit, car il faut un silence absolu", précise-t-il. "En avril 2024, il faut que l'orgue puisse retentir dans cette cathédrale, faire vibrer toutes ses pierres et toucher le cœur et l'âme des gens qui l'entendront à nouveau", conclut Jean-Louis Georgelin.