"Aurore" : un film où rien n’est juste ? Ou un honnête feel-good movie ?
Par Jérôme Garcin"Aurore", le dernier film de Blandine Lenoir avec Agnès Jaoui, Pascale Arbillot Thibault de Montalembert évoque la femme de 50 ans. Un film qui fait débat au sein des critiques.
Aurore, un film sur la femme de 50 ans, un sujet assez peu abordé au cinéma. Les critiques de l'émission Le Masque et la plume, Sophie Avon (Sud-Ouest), Pierre Murat (Télérama), Jean-Marc Lalanne (Inrockuptibles) et Xavier Leherpeur (7ème Obsession) et Jérôme Garcin (L’Obs et France Inter) sont divisés.
On dirait un débat de société : pour ou contre la ménopause ?
Jérôme Garcin (L’Obs, France Inter) résume le film Aurore :
Je n’ai rien compris à ce film de Blandine Lenoir avec Agnès Jaoui, Thibault de Montalembert, et Pascale Arbillot. Aurore, jouée par Agnès Jaoui, campe une femme divorcée qui vient de perdre son emploi, et qui va être grand-mère, ce qui fait peut-être beaucoup. Mais elle retrouve par hasard son amour de jeunesse, et elle tient plutôt la forme par rapport à ses copines, même si elle a des problèmes de santé liés à la ménopause : elle a des bouffées de chaleur. On nous le répète vingt fois. Je ne comprends pas bien, on dirait un débat de société : pour ou contre la ménopause ? Il y a un côté émission du Téléphone sonne sur la ménopause. Tu as presque envie de prendre un appel d’auditeur. Expliquez-moi !
Tout est mauvais parce que Blandine Lenoir a voulu faire un film comme une recette
Sophie Avon (Sud-Ouest) n'aime pas Aurore :
Sur la ménopause, tu peux essayer de montrer que les femmes de plus de 50 ans se sentent un peu mises sur la touche par la société et le regard des autres. C’est un sujet assez peu représenté au cinéma. Mais là, je ne sais pas si les femmes de plus de 50 ans peuvent lui être reconnaissantes d’avoir fait ce film, parce qu’elle en parle tellement mal que ce n’est pas un service qu’elle leur rend.
Le scénario est mauvais, mais tout est mauvais : c’est mal joué. Les femmes sont toutes mauvaises, mais Philippe Rebbot qui a une toute petite scène est formidable, comme toujours. Samir Guesmi est très bien également. En fait, Blandine Lenoir a voulu faire un film comme une recette : on construit des fausses scènes avec lesquelles on montre que les femmes de 50 ans doivent être intrépides, elles s’adressent à quelqu’un dans la rue et c’est sensé faire rire ! Ensuite on met une femme qui danse toute seule pour mettre de la séquence "on se lâche". Tout est comme ça, tellement dirigé, mais de manière artificielle et extérieure, qu’il ne se passe rien dans le film. Parce que rien n’est naturel, rien n’est juste. Et je sais bien que la comédie, c’est sensé être stylisé, mais un peu de justesse quand même !
Agnès Jaoui s’en sort très très bien, c’est un personnage sympatoche
Pierre Murat (Télérama) donne son avis plutôt positif sur le film Aurore
Moi je ne déteste pas ça. Je ne suis pas une femme, je n’ai pas de bouffées de chaleur. Agnès Jaoui porte le film. Je ne crois pas que ce soit un film très grand qui veut être grand. Le film est comme tu l’as raconté : c’est l’histoire pour dire à 50 ans, on n’est pas foutue, qu'on peut retrouver son ami d’enfance. Je trouve que le job est fait … Le film Aurore est court. Il tient bien la route pendant 45 minutes, avec des personnages qui sont assez jolis. Après, ça dégouline un peu. Agnès Jaoui s’en sort très très bien. Elle fait exactement ce qu’on attend d’elle : c’est un personnage « sympatoche »
C’est un feel-good movie pas dévoré par l’ambition formelle
Jean-Marc Lalanne (Inrockuptibles) a bien aimé aussi :
On avait vu un film il y a un an sur un sujet assez proche, L’avenir de Mia Hansen Love. C’était l’absolu contraire, un film d’une dureté, et d’une cruauté qui ne faisaient aucun cadeau. Aurore, est tout le contraire. C’est un feel good movie. À quoi sert-il ? Il vise à une sorte de soulagement : il s’adresse clairement à la spectatrice concernée par la problématique du film en disant : tout va bien se passer, on peut tomber à nouveau amoureuse à plus de 50 ans : le feel good movie et dans ce cadre-là, je serai moins sévère que Sophie, je trouve le film pas si mal fichu. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas un film dévoré par son ambition formelle. La mise en scène, c’est du pilotage automatique, mais c’est assez habilement écrit, et assez finement joué. Je trouve que les filles sont super. J’adore Lou Roy Lecollinet que l’on n’avait pas vu depuis le dernier film d'Arnaud Desplechin il y a deux ans ( Trois souvenirs de ma jeunesse). Bref, un film pas désagréable ni antipathique.
Un film qui rétropédale tellement sur sa vision du monde, de la société et de la femme qu’à la fin, c’est putride
Xavier Leherpeur (7ème Obsession) très remonté contre Aurore :
Je me range complètement du côté de Sophie sans aucun intérêt, sans aucun scénario. Si il y a un sujet : elle est victime de la ménopause, or ça ne construit pas un personnage ! Pour Blandine Lenoir, c’est suffisant. Le scénario, s’échine à lui enlever toutes les branches sur lesquelles elle était assise : la famille puisque les filles s’en vont, le métier, puisque le restaurant dans lequel elle travaillait a été racheté par un odieux connard qui la rebaptise Samantha… Mais ça dure encore 20 minutes avant qu’elle lui envoie son tablier dans la figure en lui disant : va te faire f… Ce qui est tout à fait légitime ! Elle se retrouve donc seule, sans boulot, sans mec. Au Pôle emploi, comme le rappelle Sophie Avon, il y a une gradation : les bouffées de chaleur d’Agnès Jaoui sont belles, mais comme il en faut une un peu ridicule, on va confier ça à une pauvre fille de Pôle emploi qui ne demandait rien qui est prise, elle, d’une très très grosse bouffée de chaleur, alors elle met le ventilo !
- Pierre Murat : mais c’est une scène drôle !
- Jérôme Garcin : non, elle est gênante.
Xavier Leherpeur : Je n’ai jamais vu des personnages de mecs aussi cons. C’est un vrai problème, ça déséquilibre le propos. A chaque fois que les femmes sortant dans la rue, elle tombe sur un mec qui leur dit : « eh, t’as un beau c…, tu b ? C’est des trucs d’une autre époque cette rivalité, qui détruisent les enjeux du film sur le féminisme, sur l’égalité. C’est un film qui commence soit disant en 2017 qui termine en 1932 ? 1931 ? 1930 ? Il rétropédale tellement sur sa vision du monde, de la société et de la femme qu’à la fin, c’est putride.
Et c’est bête ! Et la photo ? Qui a fait la photo ? Reprenez-lui son chèque : ce n’est pas possible ! Je n’ai jamais vu un éclairage aussi moche ! Chez Mocky, c’est mieux. Heureusement qu’on ne va pas à Cannes… Ah si, et elle y est ? Je sens que je vais avoir des problèmes !
ECOUTER I l'extrait du Masque et la plume sur le film Aurore :
Aurore dans Le Masque et la plume
8 min
►►► Ecouter l'émission du Masque et la plume qui évoque Aurore
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