"Avec deux ou trois jours de télétravail normalisé, je suis prêt à parier que l'absentéisme diminuera"

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"Avec deux ou trois jours de télétravail normalisé, je suis prêt à parier que l'absentéisme diminuera"

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Selon l'Apec, les 3/4 des cadres souhaitent pouvoir travailler à distance au moins un jour par semaine
Selon l'Apec, les 3/4 des cadres souhaitent pouvoir travailler à distance au moins un jour par semaine
© Getty - .

Le télétravail s'est insinué dans leur vie de manière durable dans la vie des salariés. Malgré ses défauts, il peut aussi résoudre quelques problème, à condition de savoir s'en servir. Entretien avec Gaël Chatelain-Berry, chantre d'un management bienveillant, en présentiel ou à distance.

Le gouvernement a annoncé la levée, courant février, de la plupart des restrictions prises pour freiner l'épidémie, notamment la fin du télétravail obligatoire à partir du 2 février, qui restera recommandé. 

Le télétravail a bénéficié d'un accord en juillet 2021 pour la fonction publique et les accords dans les entreprises vont se généraliser, une fois passée les périodes de télétravail obligatoire pour contrer l'épidémie de coronavirus . 

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Rien ne sera plus comme avant. Pour exemple, d'après les derniers chiffres de la SNCF, plus d'un tiers des professionnels ne prennent plus le train de longue distance pour les déplacements, le télétravail forcé dans un premier temps, a déjà installé de nouvelles habitudes. 

Gaël Chatelain-Berry, auteur du livre Le manager bienveillant 2.0, bien accompagner son équipe à l'heure du télétravail et du numérique (First éditions), recense les travers que l'on a pu constater ces deux dernières années. Au pays du télétravail, tout n'est pas rose, loin de là, néanmoins, l'inventeur du concept de management bienveillant est très optimiste pour l'avenir des salariés. 

Gaël Chatelain-Berry est un expert du management de bon sens, et comme tout le monde, il a observé les excès du télétravail. Mais il en connait aussi tous les avantages, et décrit les bonnes pratiques qui permettent d'en faire un système gagnant-gagnant. 

"Le télétravail n'est pas le 'corona travail'"

D'abord il exclut du télétravail cette période du premier confinement, qui était une organisation non choisie, pas plus par les employeurs que par les salariés. Ce "corona travail" comme il dit, a provoqué éloignement et perte de liens dans les équipes, ainsi que des pratiques de gestion d'équipes parfois étranges. Par exemple, explique Gaël Chatelain-Berry, "j'ai connu le cas d'un responsable qui a  jugé bon de demander à son équipe de rester en visio toute la journée, pour faire comme si tous étaient ensemble au bureau. C'est une nouvelle version de Big Brother"

Une fois mises hors jeu ce type d'excès, reste maintenant à nous habituer à jouer la partie d'un télétravail normalisé. Les entreprises mettent en place des marches à suivre, des accords  et l'on commence à avoir des cadres plus précis. Il faut passer au stade individuel, réinventer les comportements en équipe et à distance.  Pour Gaël Chatelain-Berry, "on a globalement gagné dix ans avec la crise sanitaire, car en France nous étions terriblement en retard. Désormais dans les entretiens de recrutement, les candidats demandent systématiquement à connaitre l'accord de télétravail, même s'il n'ont pas forcément l'intention d'exercer ce droit". 

Selon une récente étude de l'Apec/Pôle Emploi (Agence pour l'emploi des cadres), les 3/4 des cadres souhaitent pouvoir travailler à distance au moins un jour par semaine, soit 3 points de plus qu’un an auparavant. Près de la moitié des cadres en font d’ailleurs une condition sine qua non dans la perspective d’un changement d’entreprise.

12% burn out : le télétravail nous en sauvera-t-il ? 

Selon une étude menée par Opinion Way, le nombre de cas de burn out sévère continue d'exploser, touchant deux managers sur 10. Sur le nombre de salariés le taux atteint 12%. Le taux de burn out constaté après 2020, corrobore les constatations d'avant la crise.  "On est le numéro deux mondial du burn out" souligne Gaël Chatelain-Berry, "il n'y a que le Japon qui fait mieux que nous sur ce terrain là". De surcroit il s'appuie sur une étude de Gallup pour constater que 94% des salariés, avant la pandémie, se disaient peu motivés par leur travail.

Le télétravail est il un remède au burn out alors que le malaise est général ? "Oui, avec deux ou trois jours par semaine, je suis optimiste pour l'avenir" affirme l'expert. 

Dans son livre, il rappelle que la première cause d’absentéisme est le stress généré par le travail. Son coût a été estimé en 2019 à 108 milliards d’euros par an pour l’économie française. "Je suis prêt à parier que, dans les années à venir, ce niveau d’absentéisme en régulière augmentation, commencera à reculer dans les entreprises qui auront une politique intégrant deux ou trois jours de télétravail par semaine". Il se dit très optimiste car le télétravail choisi va permettre à chacun de mieux organiser sa vie, de gagner du temps de transports, et mille autres choses.

En finir avec notre rapport infantilisant au temps

Reste aux responsables des équipes à s'adapter.  Certains redécouvrent même la fonction téléphone de leur smartphone. "Il faut réapprendre à se parler, les émotions ont toute leur place,  un manager doit être en mesure de poser cette simple question : "est-ce que ça va" et s'enquérir du bien-être de ses équipiers. la parole est un super pouvoir, il faut réapprendre à s'en servir, en direct"

Les préconisations de Gaël Chatelain-Berry consistent à instaurer la confiance entre collaborateurs et managers. 

"Les managers qui ne croient pas au  télétravail ne font généralement pas confiance à leur équipe, et ce  problème peut se régler avec de l’organisation" dit-il. Aux salariés, il conseille de supprimer toutes les alertes, pop up, et autres notifications . Aux responsables, il suggère de faire confiance, et de ne pas déranger un salarié quand il travaille sur un dossier et de faire des points d'étape prévus avec lui au préalable, de chercher des solutions avec lui plutôt que de sanctionner. Mettre fin aux apéros zoom du vendredi soir, qui sont perçus comme des réunions de travail, et plutôt ouvrir son bureau ou sa visio à des moments précis, pour que ceux qui le souhaitent, sans obligation, puissent venir s'exprimer. Et surtout, il préconise, à eux comme aux autres, d'en finir avec notre rapport infantilisant au temps. "Quand le travail est fini, on peut partir, quelle que soit l'heure".