Balladur, Royal, Lagarde... Ces ministres qui ont déjà eu affaire à la CJR avant Dupond-Moretti
Par Marie Roussel
Soupçonné de prise illégale d'intérêts, Eric Dupond-Moretti est convoqué le 16 juillet devant la Cour de justice de la République, seule juridiction compétente pour juger des membres du gouvernement. Avant le garde des Sceaux, d'autres ministres ont été jugés par la CJR, avec des issues diverses.
Créée en 1993, la Cour de justice de la République (CJR) est une juridiction française d'exception, la seule habilitée à juger les crimes ou délits commis par des membres du gouvernement. En janvier 2021, elle a ouvert une enquête visant le ministre de la justice, Éric Dupond-Moretti, portant sur des soupçons de prise illégale d'intérêts. Elle fait suite aux dépôts de plainte de trois syndicats de magistrats et de l'association Anticor. Après la perquisition menée au ministère de la Justice, place Vendôme à Paris le 1er juillet, Éric Dupond-Moretti est convoqué le 16 juillet devant la CJR. D'autres ministres ont été jugés avant lui. Passage en revue.
Édouard Balladur et François Léotard : l'affaire Karachi
L'ancien Premier ministre était soupçonné d'avoir participé à un système de rétro-commissions illégales, versées en marge d'importants contrats d'armement pour alimenter son compte de campagne en 1995. Il a été relaxé en mars 2021 par la Cour de justice de la République, contrairement à son ex-ministre de la Défense. François Léotard a été condamné pour complicité d'abus de biens sociaux à deux ans de prison avec sursis et 100 000 euros d'amende.
Jean-Jacques Urvoas, condamné pour "violation du secret"
Un mois de prison avec sursis et 5.000 euros d'amende, c'est la peine prononcée par la Cour de justice de la République à l'encontre de Jean-Jacques Urvoas en septembre 2019. L’ancien ministre socialiste était poursuivi pour "violation du secret", soupçonné d'avoir transmis au député LR Thierry Solère des informations sur une enquête le visant pendant l'entre-deux-tours de la présidentielle en 2017.
Christine Lagarde, reconnue coupable de "négligence"
En 2016, l'ancienne ministre de l'Économie et patronne du Fonds monétaire international Christine Lagarde est reconnue coupable dans l'affaire de l'arbitrage Tapie. La cour a considéré qu’elle avait agi avec négligence en autorisant en 2007 une procédure arbitrale avec l'homme d'affaires pour solder son litige avec l’ancienne banque publique Crédit lyonnais. Cet arbitrage avait attribué 400 millions d’euros à Bernard Tapie. Ce jugement ne donne pas lieu à une peine.
Charles Pasqua, une condamnation et deux relaxes
Il est allé jusqu'à la Cour de cassation pour faire appel des décisions. En 2010, la plus haute juridiction confirme l'arrêt de la Cour de justice de la République, qui condamne l'ancien ministre à un an de prison avec sursis pour complicité d'abus de biens sociaux et complicité de recel dans l'affaire des contrats de la Sofremi, la société de matériel de police liée au ministère de l'intérieur. Charles Pasqua est relaxé dans deux autres affaires de malversations présumées. La première portait sur un agrément d'exploitation, qui aurait été accordé au casino d'Annemasse en échange d'un financement d'activités politiques. Dans le second dossier, l'ancien locataire de la place Beauvau était soupçonné de complicité et recel d'abus de biens sociaux dans l'affaire du siège de GEC-Alsthom Transport en 1994.
Ségolène Royal et Laurent Fabius, déclarés non-coupables
Ségolène Royal, alors ministre déléguée à la famille, est finalement relaxée en 2000 par la CJR dans une affaire de diffamation qui l'opposait à des enseignants. Un an plus tôt, en 1999, Laurent Fabius est aussi dispensé de peine dans l'affaire du sang contaminé. Mais dans ce même dossier, l'ancien secrétaire d'État Edmond Hervé est condamné pour avoir "commis une faute d'imprudence ou de négligence et un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence qui lui était imposée par le code de santé publique". C'est la première fois qu'un ministre est condamné dans l'histoire de la République.
Une juridiction sur la sellette ?
Depuis juillet 2020, la Cour instruit une enquête visant l'ancien Premier ministre Edouard Philippe, l'ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn et son successeur Olivier Véran, liée à la gestion du Covid-19, après le dépôt de centaines de plaintes. Cette juridiction est critiquée pour la lenteur de ses procédures et la clémence de ses arrêts. Emmanuel Macron, et François Hollande avant lui, avait promis pendant sa campagne de supprimer la CJR.