Beau livre BD : le dessinateur Yves chaland en 5 images
Par Anne Douhaire-KerdoncuffAlors que paraît une exceptionnelle monographie en 250 originaux du dessinateur disparu en 1990 à 33 ans, redécouverte d’un auteur majeur du 9e art et retour sur quelques aspects de sa carrière avec Isabelle Beaumenay-Joannet, son épouse.
Yves Chaland dessinateur depuis vraiment tout petit, et admirateur de la BD franco-belge
Isabelle Beaumenay-Joannet et Yves Chaland se sont rencontrés aux Beaux-Arts à Saint-Etienne. Brillant élève scientifique, le natif de Lyon grandi à Nérac (Lot-et-Garonne) avait choisi l’école stéphanoise, pour un motif peu artistique : il n'y avait pas besoin d'y pratiquer l’anglais.
Lorsqu’il démarre ses études, Yves Chaland est déjà un dessinateur « expérimenté ». Il a décidé très jeune de devenir auteur de BD. Son parrain, qui possédait une énorme collection de bandes dessinées, l’avait initié au 9e art. Abonné à Spirou, il prend des cours de dessin par correspondance.
Vers 10 ans, il dessine toute la journée et commence à concevoir des BD. Dans sa famille, on disait qu’on ne le voyait jamais, qu’il passait son temps à sa table à dessin pour s'adonner à sa passion : raconter des histoires en images, avec de réels découpages, des planches, et des décors soignés.
Parmi ses influences, il revendiquait une fascination pour les BD de Franquin (La mauvaise Tête), de Will Eisner, Jacobs, Jijé ou Tilleux…. Mais, et son style ligne claire s’en ressentira, il a également beaucoup lu Hergé. Il collectionnait Les Petits vingtième qu’il avait observés de très près. C’est avec l’auteur de Tintin qu’il va comprendre comment raconter des histoires, construire des pages, et manier les ellipses.
Il rentre en 1978 à Métal Hurlant grâce à l’envoi, par un de ses amis des Beaux-Arts, d’un fanzine d’école (L’unité de valeurs) à Jean-Pierre Dionnet. Publié, il va vite arrêter l’école sans regret : il maîtrisait déjà parfaitement le dessin, l’art de la perspective et de la construction.
Yves Chaland : un dessin dont beaucoup d'auteurs se réclament
Dessinateur surdoué, Yves Chaland laisse une œuvre ligne claire (Bob Fish, Freddy Lombard, Le Jeune Albert ou Captivant) presque classique mais pleine d’ironie. Ce qui prime dans son dessin, c’est l’élégance du trait, et l’art incroyable de la composition. Un exceptionnel travail de construction qu’on ne voit pas à l’image, parce que très bien fait. A cela s'ajoute un art du mouvement servi par des personnages souples et mobiles.
Ses histoires sont marquées par une esthétique des années 1950. Son attrait pour la période passait par une passion pour le design et l’architecture. Comme il déplorait que les récits étaient complètement édulcorés dans les années 1950**, il racontait ce que les dessinateurs auraient pu dire à l'époque si la parole avait été libre.** Avec son dessin un peu rétro, il va donc évoquer les préoccupations des années 1970/1980 : la guerre, les trios amoureux…
Yves Chaland se documentait en abondance. Pour restituer le décor des années 1950, il collectionnait des meubles chinés, mais aussi beaucoup de magazine avec des mises en scène d’époque : La Maison, L’Officiel du design ou Le Jardin des modes.
Pour sa documentation photo, Yves Chaland se rendait sur les lieux de ses histoires pour prendre des clichés avec les angles qui l’intéressait. Il est allé par exemple à Cassis en repérages un jour de tempête, ce qui a influencé l'intrigue de sa BD Freddy Lombard, La comète de Carthage parue en 1986. La qualité et la précision du dessin font qu’aujourd’hui encore, de nombreux auteurs, de Charles Berberian à Zep, inscrivent son œuvre parmi leurs influences.
Le Jeune Albert : un gamin infernal, des histoires pleines d’humour
Au départ, le jeune Albert est juste un gamin, faire-valoir teigneux du héros détective Bob Fisch. Un jour l’éditeur Jean-Pierre Dionnet lui a proposé de faire une demi-page. Yves Chaland décide de développer ce personnage sous forme de gag. Habillé comme Tintin, le jeune Albert qui a vécu Bruxelles, fait penser à Quick et Flupke. Avec ses bêtises, il est un vrai cauchemar pour son entourage.
Yves Chaland :
Le jeune Albert me ressemble un peu, mais tel que je suis aujourd’hui. Dans certaines histoires, je me suis impliqué avec tellement d’enthousiasme que lorsque je les aie relues deux mois plus tard à leur parution dans Métal Hurlant, j’étais très perplexe. […] Suivant mon humeur, au fil des mois, le jeune Albert finira par ressembler à chacun de mes braves et généreux lecteurs.
Le jeune Albert est un album culte plusieurs fois réédité. Son épouse, Isabelle Beaumenay-Joannet, n'a jamais voulu que quelqu’un reprenne ce personnage après lui, «car c’était un personnage très personnel».
Yves Chaland, illustrateur hors pair
Quand Yves Chaland est arrivé à Métal Hurlant, Jean-Pierre Dionnet lui a présenté un agent d’illustrateur. Il lui rapidement fait faire un petit book et Yves Chaland a alors travaillé dans la communication, pour des campagnes de publicité.
Le dessinateur avait apprécié enfant les sérigraphies éducatives, ces grandes images qui ornaient les salles de classe avec des thématiques : la cour d’école, la ferme… Il va utiliser le principe de ces grandes illustrations. Comme son trait était extrêmement graphique et son choix de couleurs, pertinent, il rencontre assez vite beaucoup de succès.
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La pochette de l’album Chic Planète (1987) de L'affaire Louis Trio, lui a été commandée parce qu’Hubert Mounier (alias Cleet Boris), le chanteur du groupe était également dessinateur de BD - il avait croisé Yves Chaland à Métal Hurlant. Le dessinateur a été inspiré par une phrase de la chanson Chic planète : « Dansons tout nus ». Il a donc croqué des personnes qui dansent en tenue d'Adam et Eve autour de la Terre…
Aller + loin
🎥 Regarder le commentaire de l’exposition à la Médiathèque Yves Chaland à Nérac (Jusqu’au 3 novembre) par Jean-Christophe Ogier (journaliste et chroniqueur BD à France Info) aux Rencontres Chaland de Nérac :
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📖 LIRE : Yves Chaland, une vie en dessins, texte par Jean-Christophe Ogier paru chez Champaka Brussels - Dupuis