Benoît Sokal, "raconteur d'histoires" de la BD au jeu vidéo
Par Olivier BénisL'auteur des "Enquêtes de l'inspecteur Canardo" aime naviguer entre différents médias. Il vient d'achever "Syberia 3", suite de deux jeux cultes sortis au début des années 2000.
Ça fera peut-être grincer quelques dents, mais sachez qu'on peut être Chevalier des Arts et Lettres en France, Officier de l'Ordre de Léopold II en Belgique, en faisant carrière dans la bande dessinée et le jeu vidéo. Deux médias dans lesquels Benoît Sokal a développé son art, celui de "raconteur d'histoires" comme il le dit lui-même. Car pour l'auteur belge de 62 ans, peu importe qu'il porte la casquette de scénariste, de dessinateur ou de concepteur de jeux : tout ce qui compte, c'est l'histoire qu'on veut transmettre.
C'est normal qu'on passe du crayon à la tablette, à la 3D, aux univers virtuels, dans le but d'immerger encore mieux leur lecteur, qui est devenu joueur, dans l'univers qu'on lui propose. Flaubert ne faisait rien d'autre ! Ses lectrices se pâmaient en lisant "Madame Bovary", là c'est la même chose : on essaie de provoquer de l'émotion en racontant une histoire, et on a besoin des armes de son temps et de la force d'expression que nous donnent les nouvelles technologies. Ça m'a paru tout à fait naturel.
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Benoît Sokal : "On essaie de provoquer de l'émotion en racontant une histoire, avec les armes de son temps"
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Un point de vue qui n'est pas partagé par tout le monde. Le jeu vidéo pâtit encore trop souvent d'une mauvaise image, et il est en tout cas loin d'être considéré comme un produit culturel à part entière. Un peu comme la bande dessinée en son temps, selon Benoît Sokal : lorsqu'il est passé de la BD au jeu, en 1999 avec L'Amerzone puis avec Syberia et sa suite en 2002 et 2004, il s'est à nouveau retrouvé face à un certain mépris."J'ai connu une espère d'ostracisme comme ça dans la bande dessinée, qui était considérée comme un divertissement assez vulgaire... Il a fallu du temps avant qu'on s'intéresse aux grands auteurs de bande dessinée, je voudrais pas qu'on prenne le même retard pour s'intéresser aux auteurs de jeux vidéo."
"Syberia 3", un retour inattendu
Sixième jeu de l'auteur, Syberia a connu les affres du "development hell" comme on dit dans le jargon, ces limbes où peut parfois atterrir un projet de jeu quand il est trop complexe à réaliser. Annoncé pour la première fois en 2009 et plusieurs fois repoussé, il est finalement sorti le 20 avril dernier sur PC et consoles.
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C'est donc en toute logique que le jeu accuse son "âge" ou, selon le point de vue, assume son classicisme : jeu d'aventure tout ce qu'il y a de plus traditionnel, très simple à jouer, entre dialogues (joliment écrits, d'ailleurs), énigmes et mécanismes plus ou moins tarabiscotés. Mais c'est ce qui fait sa force : ce classicisme, Syberia 3 le sublime magistralement. L'aventure est belle, les décors fourmillent de détails insolites, les personnages sont attachants et le tout immerge le joueur dans un univers à la fois familier et insolite, teinté d'une sourde mélancolie. Comme les plus grandes œuvres de la BD franco-belge.