
À Folkestone, petite ville côtière du Kent située juste en face des côtes françaises, la page européenne est déjà tournée. Passé les soubresauts du Brexit, les habitants imaginent un avenir plus serein, un destin protégé du continent, le retour à une forme d'autosuffisance alimentaire.
Il voit les côtes françaises depuis le bout de sa rue et sort tout juste du meilleur "fish and chips" de la ville. Pour Ken, rien n'a changé depuis le 1er janvier et l'entrée en application du Brexit. "Je n'ai noté aucune différence, à part les politiciens qui en parlent moins, ce qui est très bien d'ailleurs."
Comme six habitants sur dix, Ken a voté pour la sortie de l'Union européenne il y a quatre ans et demi.
C'est une bonne chose. On peut être ami avec ses voisins sans coucher avec eux.

Sur les quais du petit port de pêche, les promeneurs sont nombreux à braver le confinement et un froid polaire. Cornets de glace et laisse du chien à la main, Keith et Carlie disent leur tristesse de "couper les liens avec l'Europe". "Mais vous savez, les gens en ont vraiment ras le bol. Surtout que maintenant, on a le Covid. C'est un soulagement que le Brexit soit derrière nous."
J'ai toujours été anglais comme vous, vous êtes français. On retrouve son identité quand on quitte le groupe.

Tony, qui vend des fruits de mer depuis cinquante ans, trouve que le retour des contrôles à Douvres est une bonne nouvelle. "Regardez en Europe, personne n'arrête aucun camion entre la France et de Turquie, alors qu'il peut y avoir n'importe quoi dedans !"
Sur l'une des cales qui descend vers la rade, Dan bricole ce qui doit devenir son bateau de pêche.
On ne peut pas rivaliser avec les bateaux-usines qui arrivent des Pays-Bas ou d'ailleurs. Ils passent deux mois en mer ! J'ai travaillé sur ces bateaux, je sais le mal qu'ils font.
"Parfois, j'y retourne parce que ça me fait un salaire. Mais je préférerais travailler ici, être un pêcheur comme mon père l'était."

L'accord conclu à Noël avec l'Union européenne n'est pas bon pour les pêcheurs britanniques. Dan le reconnaît, mais pas question de douter des bienfaits du Brexit. "Je suis optimiste", assure-t-il.
Nous avons nos fermes, nous pêchons notre poisson. Les gens vont revenir vers les produits locaux.
Un rêve d'autosuffisance contredit par la froide réalité des chiffres. Le Royaume-Uni produit moins de la moitié des denrées alimentaires qu'il consomme.