Bygmalion, Bismuth, Khadafi, sondages : où en est Nicolas Sarkozy avec la justice ?
Par Victor Vasseur
L’ancien président de la République a été condamné à un an de prison ferme pour le financement illégal de sa campagne présidentielle en 2012. C’est la seconde fois que Nicolas Sarkozy est condamné par la justice.
C’est un épisode de plus dans les démêlés judiciaires de Nicolas Sarkozy. Ce jeudi 30 septembre, le tribunal de Paris a condamné l’ancien président de la République à un an de prison ferme pour financement illégal de sa campagne présidentielle en 2012. Son avocat a immédiatement annoncé son intention de faire appel. L’hiver dernier, Nicolas Sarkozy avait déjà écopé d’une peine similaire pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire dite des "écoutes". Au total, le nom de l’ancien chef d’État apparaît dans quatre affaires en cours et a été mis hors de cause dans trois autres.
L’affaire des écoutes : condamné en première instance
Le tribunal correctionnel de Paris le 1er mars 2021 a condamné Nicolas Sarkozy dans l’affaire dite "des écoutes" à trois ans de prison, dont un ferme. Il y est reconnu coupable de corruption et de trafic d’influence. Selon la justice, l’ancien président a tenté avec son avocat Thierry Herzog, d'obtenir d'un magistrat à la Cour de cassation, Gilbert Azibert, des informations couvertes par le secret dans une procédure judiciaire, celle de l’affaire Bettencourt.
Il promettait en échange un soutien pour un prestigieux poste à Monaco. Ces sont des écoutes téléphoniques qui ont permis de révéler les faits. Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog communiquaient avec des téléphones prépayés achetés sous le nom de "Paul Bismuth". Thierry Herzog et Gilbert Azibert ont été condamnés à un an de prison ferme et cinq ans d'interdiction d’exercer pour l’avocat de Nicolas Sarkozy. Ils ont tous les trois fait appel de la décision.
Affaire Bygmalion : un an de prison ferme, il fait appel
Le délibéré est tombé ce jeudi 30 septembre. Nicolas Sarkozy a été condamné à un an de prison ferme pour financement illégal de sa campagne de 2012 par le tribunal correctionnel de Paris dans l'affaire Bygmalion. L'ancien président a annoncé, par la voix de son avocat, faire appel de sa condamnation. Les 13 autres prévenus été condamnés à des peines allant jusqu'à deux ans de prison ferme.
Il était reproché à Nicolas Sarkozy et son équipe des dépenses excessives lors de la campagne présidentielle en 2012, grâce à un système de fausses factures. "Nicolas Sarkozy connaissait le montant légal du plafond" des dépenses, a expliqué la juge Caroline Viguier ce jeudi. "Ce n’était pas sa première campagne et il a connaissance du droit. De plus, il a été averti par écrit du risque de dépassement par deux notes."
Dans l’enquête sur le financement libyen en 2007 : mis en examen
Une autre campagne présidentielle est scrutée par des juges. Depuis 2013, une enquête est menée sur des soupçons de financement libyen de sa campagne victorieuse en 2007 et l’aide de l’ancien dictateur Mouammar Khadafi. Tout a commencé par des révélations de Mediapart lors de l’entre-deux-tours.
Un nom revient avec insistance dans cette affaire, celui de Ziad Takieddine, un intermédiaire franco-libanais, soupçonné d’avoir joué un rôle important dans l’affaire. Il a retiré ses accusations en novembre 2020 contre l’ancien chef d’Etat avant de faire volte-face quelques mois plus tard. L’été dernier, une figure de la presse people, "Mimi" Marchand, a été mise en examen notamment pour "subornation de témoin". Elle est soupçonnée d'être impliquée dans sa rétractation initiale.
Dans cette affaire, l'ex-chef de l'Etat a donc été mis en examen le 21 mars 2018 pour corruption passive, financement illégal de campagne électorale et recel de fonds publics libyens, puis le 12 octobre 2020 pour association de malfaiteurs.
Des proches de Nicolas Sarkozy sont aussi dans l’œil du cyclone. L'ex-secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant, l'ancien trésorier de la campagne Eric Woerth et l'ancien ministre Brice Hortefeux sont également mis en examen. Lors d’une audition en juin 2019, Nicolas Sarkozy avait dit être "totalement innocent dans cette affaire" et dénoncé un "complot". Il avait de nouveau été entendu pendant plusieurs jours en octobre 2020. Lors de ses 40 heures d’interrogatoire, il a continué de nier son implication et déclaré :
Il n'y a jamais eu ni de près ni de loin, ni en liquide, ni en virement, le moindre centime libyen pour financer ma campagne. Vous pourrez investiguer dans tous les pays du monde, dans toutes les banques, vous ne trouverez rien, parce qu'il n'y a rien.
Ses activités de conseil en Russie : enquête en cours
En janvier dernier, le parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire visant les activités de conseil en Russie de l'ex-chef d'État, après des révélations de Médiapart. Elle vise à déterminer s'il "se serait adonné à des activités de lobbying potentiellement délictuelles" pour le compte d'oligarques russes.
Le PNF enquête sur les rémunérations dont a bénéficié l'ancien président de la part d'une société d'assurances russe, Reso Garantia, contrôlée par deux milliardaires russes d'origine arménienne, Sergueï et Nikolaï Sarkissov. Des "adeptes des paradis fiscaux" écrit le site d’information. Le contrat conclu en 2019 porterait sur plusieurs années et un montant de trois millions d'euros. Un virement de 500.000 euros sur le compte de Nicolas Sarkozy à la banque Edmond de Rothschild questionne les enquêteurs.
Sondage de l’Elysée : protégé par l'immunité
Lors de la présidence de Nicolas Sarkozy, l’Elysée a dépensé plusieurs millions d’euros de fonds publics pour commander des sondages. Le but était de jauger l'opinion, par exemple, sur la grossesse de Rachida Dati, les possibles concurrents du chef de l’Etat en vue de la présidentielle de 2012 ou encore concernant le possible mariage avec Carla Bruni. Entre 2007 et 2009, la présidence de la République a commandé 264 études d’opinion pour un montant de 6,35 millions d’euros.
La justice a enquêté sur l’irrégularité des commandes de sondages et sur les marchés conclus, avec notamment des sociétés de deux anciens conseillers de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson (Publifact et Publi-Opinion) et Pierre Giacometti (Giacometti&Peron devenue No Com).
L’affaire s’est déroulé durant le mandat de l’ancien président, il bénéficie donc de l’immunité présidentielle. Il a donc pu refuser son audition par des juges. Le procès de l'ancien secrétaire général Claude Guéant, l'ex-conseiller Patrick Buisson et de quatre autres personnes aura lieu entre le 18 octobre au 12 novembre 2021.
Ses voyages en jet privé : non lieu
L’ancien président a bénéficié d’un non-lieu dans l’affaire des voyages en jet privé, l’une des plus méconnues. Il n’a jamais été judiciairement inquiété dans ce dossier. La justice a enquêté sur trois voyages en jet privé effectués en 2012 et 2013 par Nicolas Sarkozy et facturés à la société Lov Group, détenus par Stéphane Courbit, l’un de ses amis. La justice le soupçonnait d’avoir fait une faveur à l’ancien président. Les trois vols avaient été facturés 102.000 euros, le deuxième 95.000 et le dernier 104.000.
Affaire Bettancourt : hors de cause
D’abord mis en examen dans cette affaire pour "abus de faiblesse" en 2013, les magistrats du tribunal de Bordeaux estiment quelques mois plus tard que les charges retenues contre Nicolas Sarkozy sont trop faibles. Il est encore question du financement de sa campagne présidentielle.
Le trésorier, Eric Woerth est mis en examen pour trafic d’influence et recel de financement illicite de parti politique puis relaxé en 2015. "Il existe une forte suspicion de remise d’argent des fonds Bettencourt, sans que la démonstration de la remise soit totalement acquise" estime le tribunal.