"C'est une petite folie" : malgré la Covid-19, ces chefs se lancent dans un nouveau restaurant

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"C'est une petite folie" : malgré la Covid-19, ces chefs se lancent dans un nouveau restaurant

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L'ex-candidat de Top Chef, Mory Sako, ouvre un restaurant dans le XIVe arrondissement de Paris, MoSuke.
L'ex-candidat de Top Chef, Mory Sako, ouvre un restaurant dans le XIVe arrondissement de Paris, MoSuke.
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Alessandra Montagne, Alexandre Marchon, Julien Lemarié ou Mory Sacko : ces quatre cuisiniers ont un point commun. En cette rentrée, ils ouvrent une nouvelle adresse, un nouvel établissement, en pleine crise économique et sanitaire.

C'est un pari un peu fou, à l'heure du coronavirus. Si, par ces temps de crise sanitaire et économique, beaucoup de restaurants ont du changer de formule, se séparer d'une partie de leur personnel ou même mettre la clé sous la porte, de nouvelles adresses font leur apparition pour cette rentrée 2020, notamment dans la capitale. Mais "on n'est pas nombreux, c'est plutôt le contraire même... Et c'est une petite folie d'ouvrir", reconnait Alessandra Montagne. En février, alors que l'on entendait à peine parler de la Covid-19 en France, la dynamique cheffe parisienne venait de clore l'aventure de son restaurant Tempero (XIIIe) pour se permettre d'investir un nouveau lieu, plus grand, et y ouvrir une nouvelle table, Nosso ("fin septembre, si tout va bien"). Elle s'autorise à en rire... Rétrospectivement, "on ne pouvait pas savoir !" C'est vrai, ça, qu'on ne pouvait pas vraiment savoir. 

Alessandra Montagne n'est pas la seule à avoir vu son projet brusquement interrompu et ne tenant, le temps de longues semaines, qu'à un seul petit fil. Les restaurants qui ouvrent en cette rentrée sont d’ailleurs ceux qui ont pu bénéficier de solides appuis et/ou qui étaient portés par une inébranlable motivation. Car il a fallu traverser le confinement, puis le déconfinement, les travaux et chantiers reportés, les premières règles sanitaires, les nouvelles consignes, les protocoles (et tout cela changera certainement encore dans les prochaines semaines).  

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Une épée de Damoclès au-dessus de la tête

À quelques rues de la gare Montparnasse, le chef Mory Sacko ouvrira lui le 1er septembre son restaurant MoSuke. Il a conscience de faire figure d'exception en cette étrange période : "C'est sûr que je suis un des rares à pouvoir ouvrir." Sans doute est-ce aussi grâce à la notoriété dont il bénéficie depuis la dernière saison de Top Chef, à laquelle il a participé et proposé des prestations très remarquées. "J'ai conscience de ça, je ne m'en cache pas. C'est sûr que cette notoriété aide à être plus serein ; c'est un confort et même un luxe en ce moment." D'ailleurs, les pré-réservations sont ouvertes et "ça prend assez bien"

Mais "Il va falloir s'habituer à cet inconfort... il y a toujours cette épée de Damoclès au dessus de la tête", rappelle-t-il. Ce que constate aussi Alexandre Marchon, qui ouvre en cette fin août sa première affaire "à lui", un établissement qui porte son nom, dans le XIe arrondissement de Paris. "On commence à parler de mon ouverture, les clients sont au rendez-vous, le carnet de réservations se remplit... Si on était amenés à fermer, ça briserait l'effet d'ouverture et ce serait vraiment préjudiciable." 

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Budget serré ou effet d'aubaine 

Dans ce contexte, certains ont eu plus de chances que d'autres. Alessandra Montagne avait conclu bien avant le confinement son "deal" pour le nouveau restaurant Nosso, près de la bibliothèque François-Mitterrand à Paris. Elle a du négocier avec son bailleur qui a accepté de reporter le loyer jusqu'à l'ouverture. Pour le crédit bancaire, en revanche, elle "n'a rien pu faire". "J'étais à un moment charnière, je n'avais pas encore de salarié, pas encore de charges à part le loyer et les travaux... je n'entrais pas dans les critères du Prêt garanti par l'État", explique-t-elle. Alexandre Marchon a eu plus de chance sur ce point et a pu contracter "facilement" l'un de ces fameux "PGE" qui lui permet d'aborder "plus sereinement" l'ouverture, même si "cela reste de la dette supplémentaire". Le loyer a continué à courir le temps du confinement, Alexandre doit encore négocier. Manque de bol et mauvais timing, là aussi, les travaux avaient commencé en janvier.  

Coup de chance, du côté de Mory Sacko : tout n'était pas encore signé. Et le jeune cuisinier, ancien du Royal Monceau et du Mandarin Oriental, a pu renégocier son contrat de cession pour tout décaler et surtout éviter de payer les loyers. "Ce n'est pas négligeable !" Il se satisfait même de pouvoir, grâce au dispositif d'aide à l'apprentissage, embaucher, en plus de ses sept employés, au moins un.e jeune cuistot à former sans rien dépenser. Là encore, un coup de pouce "pas négligeable" dans une période qui permet, selon lui, les "coups de poker"

En Bretagne, enfin, le chef étoilé Julien Lemarié lorgnait depuis longtemps sur le local d'à côté. Effet d'aubaine, il a pu le racheter facilement. "Tout s'est fait très vite en sortie de confinement. Mon voisin m'a annoncé qu'il était temps pour lui d'arrêter, il partait à la retraite et on a fait affaire en sortie de confinement. Il a revu ses tarifs, j'ai revu mes offres et ça s'est fait comme ça", raconte-t-il. Tout près de la maison initiale, IMA, il est donc entrain de donner naissance à IMAYOKO (yoko voulant dire "à côté" en japonais). 

"Covid compatible" 

Le midi, on y mangera des "donburi", une spécialité venue du Japon. Mais le soir, Julien Lemarié a du adapter sa carte et mettre de côté les assiettes à partager. "On a changé la formule, chacun aura son bol, du coup..." 

S'il faut y voir un avantage, c'est ce que ces nouveaux restaurants sont directement "Covid compatibles", s'amuse Alessandra Montagne. Au téléphone, alors qu'elle se balade dans la ferme urbaine de Saint-Denis et imagine sa future carte, toujours dans un style bistronomique, elle nous explique comment sa salle va s'organiser. "Comme je n'avais pas de tables, de chaises, on a tout acheté en fonction de la distanciation. Par exemple, on a utilisé les alcôves d'abord prévues pour la décoration." Mais, encore plus depuis la Covid-19, la brésilienne veut faire de son restaurant "un lieu de vie où l'on se sent bien". Avec "de la générosité, des gens contents de travailler, parce que ça se reflète dans l'assiette"

Chez MoSuke, restaurant aux influences françaises, japonaises et africaines, la déco aux touches de wax se retrouvera sans doute jusque sur les masques des serveurs. C'est la mode de 2020. 

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"Il faut vraiment beaucoup aimer ce métier" 

Nos chefs ont-ils été un jour découragés ? Sans doute. Mais jamais au point d'abandonner. Ce qui est sûr, c'est "qu'il faut vraiment beaucoup aimer ce métier", concède la persévérante cheffe de Nosso. "Il faut avancer, pas le choix, on ne peut pas rester à regarder ce qu'il se passe... Il faut des restaurants, on n'imagine pas un monde sans", témoigne Alessandra Montagne. "Si c'était à refaire, je referais pareil." 

Chez Marchon, la question d'abandonner "ne s'est jamais posée". Quoi qu'il se passe, le chef se dit "prêt à tout pour continuer à faire vivre" son restaurant, qui mettra les légumes à l'honneur. "On fait tout pour que ça se passe bien. Il y a un toujours un risque... mais il faut avancer", conclut Julien Lemarié. 

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