Cambridge Analytica, ou pourquoi vous ne devriez pas cliquer sur n'importe quoi sur Facebook
Par Olivier BénisLe réseau social est à nouveau montré du doigt après la découverte de l'utilisation de données personnelles de plusieurs millions d'utilisateurs, par une entreprise d'analyse liée à la campagne présidentielle de Donald Trump. Facebook dénonce une utilisation frauduleuse de données, qu'il a pourtant lui-même collectées.
Sale temps pour Mark Zuckerberg. L'affaire des données récoltées par Cambridge Analytica a fait plonger son entreprise en Bourse, avec une chute de près de 6 % suite aux révélations du New York Times et du Guardian. Il faut dire que les explications du géant des réseaux sociaux sont encore assez peu convaincantes. Et pour cause : la source du problème est sans doute dans la nature même du fonctionnement du réseau social.
L'affaire Cambridge Analytica tourne autour d'une application, nommée "thisisyourdigitallife" (littéralement "cestvotrevienumérique") et accessible via le réseau social, jusqu'à sa suppression en 2015. Elle ressemblait aux dizaines d'autres que vous voyez régulièrement passer sur votre flux d'actualité si vous avez un compte sur Facebook : ici, on vous proposait de remplir des tests de personnalité.
Une "machine à collecter des données" bien rodée
Derrière cette façade, présentée comme "une application de recherche utilisée par les psychologues", un système bien plus complexe. Non seulement les 270 000 personnes ayant utilisé l'application ont fourni des informations volontairement sur eux-mêmes, mais ils en ont aussi fourni d'autres de manière bien moins consciente (l'application avait accès aux contenus qu'ils avaient "aimé" sur le réseau social ou à leur ville actuelle).
Pire, ils ont aussi permis à l'application d'accéder aux données des contacts de ces personnes sur Facebook. Un effet boule de neige qui rend difficile d'évaluer l'ampleur de cette collecte : entre 30 millions (pour le New York Times) et 50 millions (selon le Guardian) de personnes. Des données récupérées par une première société (SCL) puis une seconde (Cambridge Analytica).
Cette dernière s'est spécialisée dans la recherche d'électeurs potentiels, et la création de solutions de propagande pour influencer leur vote. Elle affirme n'avoir utilisé aucune de ces données lors de la campagne de Donald Trump (pour laquelle elle a travaillé) et même les avoir effacées après avoir appris leur origine douteuse. Tout en expliquant que, quelle que soit leur origine, l'utilisation de ce type de données fait désormais partie des pratiques de communication politique.
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La publicité n'a rien de coercitif, les gens sont plus intelligents que ça.
"La campagne d'Obama en 2008 était elle aussi basée sur des données, elle a été en pointe de la communication ciblée en 2012, en parlant aux gens spécifiquement en fonction des problèmes qui les concernaient", affirme la société sur Twitter.
Et si la faille, c'était Facebook ?
Et d'un certain point de vue, ils n'ont pas totalement tort. C'est là que la défense de Facebook présente sa principale faille : en dénonçant l'utilisation détournée des données auxquelles le réseau social donne accès à des entreprises extérieures, elle avoue que l'accès à ces données est loin d'être difficile. Des données que Facebook collecte depuis des années, avec la participation plus ou moins consciente de ses utilisateurs.
Facebook avoue lui-même une certaine naïveté sur l'utilisation des données de ses utilisateurs par des organismes tiers. Son chef de la sécurité reconnaît que les géants d'internet ont été "collectivement trop optimistes sur ce que nous avons construit et sur notre impact sur le monde. Croyez-le ou non, beaucoup de gens dans ces compagnies, des stagiaires aux PDG, en sont conscients".
Le problème pour Facebook, c'est que la question n'est désormais plus le monopole des spécialistes d'internet ou des militants contre les réseaux sociaux. "Nous pensons que cet épisode est _un nouveau signe des problèmes systémiques de Facebook__"_, explique ainsi Brian Wieser, analyste financier qui recommande de "vendre" le titre. Si même la Bourse en fait une question éthique...