Carburants : la justice a-t-elle retoqué une réquisition du gouvernement, comme l'affirme Philippe Martinez ?
Par La rédaction numérique de France Inter, AFP
Le secrétaire général de la CGT assure qu'un tribunal administratif a annulé une réquisition de personnels grévistes, sans préciser qu'il s'agit de personnels de laboratoires et non d'employés de raffinerie. Deux situations bien différentes.
À la veille d'une nouvelle journée de grève interprofessionnelle, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, était l'invité de la matinale de France Inter, ce lundi. L'interview a notamment porté sur les réquisitions de grévistes des raffineries françaises ordonnées par le gouvernement pour mettre fin à la pénurie de carburant. La CGT, estimant qu'il s'agissait d'une atteinte au droit de grève, a déposé deux recours devant la justice administrative, pour faire annuler les arrêtés concernant le dépôt de Gravenchon (Esso-ExxonMobil) et de Mardyck (Total). Les tribunaux de Rouen et de Lille ont rejeté ces requêtes vendredi. Philippe Martinez a été interrogé à ce sujet par Nicolas Demorand et Léa Salamé :
- Nicolas Demorand : "Élisabeth Borne a demandé aux salariés grévistes de TotalEnergie de respecter l'accord majoritaire qui a été signé, de ne pas bloquer le pays. Elle a ajouté que s'il y avait de nouveau des situations tendues, le gouvernement procéderait à de nouvelles réquisitions. Que répondez-vous ? "
- Philippe Martinez : "Vous connaissez notre position. Nous pensons que les réquisitions sont une entrave au droit de grève."
- Léa Salamé : "Ce n'est pas ce que pensent les tribunaux administratifs, que vous avez saisis en référé et qui vous ont donné tort dans les deux cas."
- Philippe Martinez : "Pas tous, puisqu'à Rennes, vendredi, un tribunal a considéré que le droit de réquisition, demandé par le préfet d'Ille-et-Vilaine, n'était pas valable. Tous les tribunaux ne sont pas d'accord. À Rennes, un tribunal a considéré que la réquisition n'était pas valable pour des salariés qui étaient en grève."
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"Une atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève"
Si le tribunal administratif de Rennes a bien donné raison, samedi, à une requête de la FNIC-CGT portant sur des réquisitions, le syndicaliste ne précise pas qu'il s'agit de personnels de laboratoire et non d'employés de raffinerie. En effet, le préfet avait exigé la réquisition de 55 membres du personnel de la société des Laboratoires de biologie réunis (LBR), dans l'agglomération rennaise, jusqu'à mardi. Le personnel se mobilisait pour des hausses de salaire depuis deux jours.
En prenant cet arrêté, le préfet d'Ille-et-Vilaine a porté "une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit de grève", a estimé le magistrat, saisi par deux syndicats. Dans son ordonnance, le juge des référés, motive sa décision. Il estime que l'ampleur de ce mouvement de grève n'a pas "un impact tel qu'il serait susceptible de compromettre immédiatement et gravement le fonctionnement du dispositif sanitaire au sein de l'agglomération".
Des réquisitions plus ciblées qu'à Rennes
Les conséquences des mobilisations de LBR et des raffineries sont bien différentes et les tribunaux l'ont pris en compte. À Lille, le tribunal administratif a jugé que, face à l'ampleur des problèmes de ravitaillement dans les Hauts-de-France, "seule la réquisition est, en l'espèce, suffisante, dans l'urgence, pour prévenir les risques de pénurie totale de carburant automobile". D'après le tribunal, les mesures policières "ne suffisent plus à apaiser les tensions constatées, ni le risque d'accident associé aux files d'attente et aux abandons de véhicules". Le dépôt de Mardyck, dans les Flandres, en grève depuis le 27 septembre, "alimente au moins la moitié de la région des Hauts-de-France, qui connait aujourd'hui des difficultés d'approvisionnement en carburant", avait souligné le préfet du Nord, George-François Leclerc, à l'audience.
Et dans ce cas, le préfet a demandé la réquisition de six personnes, et non de 55 comme c'était le cas dans le dossier de LBR. "En mettant en place un service visant à assurer, par un nombre restreint mais suffisant de salariés, la seule expédition de carburants, le préfet du Nord n'a pas porté au droit de grève une atteinte grave et manifestement illégale", a estimé le tribunal.
Le tribunal de Rouen avait lui aussi estimé que "le recours à des mesures de réquisitions individuelles d'agents qualifiés présente un caractère nécessaire pour prévenir les risques d'atteinte à l'ordre public, eu égard à la durée des défaillances d'approvisionnement causées par la grève. Mercredi dernier, le gouvernement avait ordonné la réquisition de quatre salariés grévistes sur le site d'ExxonMobil de Gravenchon.
Le gouvernement a réquisitionné ce lundi le dépôt de carburant de Feyzin (Rhône), après avoir reconduit la réquisition du dépôt de Mardyck (Flandres), près de Dunkerque, pour alimenter les stations-service des Hauts-de-France, d'Auvergne-Rhône-Alpes et de Bourgogne-Franche-Comté, a indiqué lundi le ministère de la Transition énergétique. Un recours a été déposé contre la réquisition de Feyzin et devrait être examiné ce lundi après-midi par le tribunal administratif de Lyon.