Carte blanche - Pénélope Bagieu : "Quelqu'un a forcément envie de lire ton histoire en bande dessinée"
L'autrice était l'invitée de "Boomerang" d'Augustin Trapenard, à l'occasion de la sortie de son livre "Les Strates". Pour sa carte blanche, elle a choisi de répondre aux questions fréquentes posées sur le métier d'auteur de BD et de délivrer quelques conseils encourageants à celles et ceux qui voudraient se lancer.
Pénélope Bagieu :
"C'est un texte qui est une sorte de synthèse des questions que se posent souvent les jeunes filles, et les très jeunes femmes, qui ont envie de devenir auteures de bande dessinée. J'ai fait un petit pot-pourri.
Faire de la BD, ça s'apprend ?
"Vrai et faux. Je peux citer de tête au moins cinq auteurs autodidactes. Et la meilleure façon d'apprendre à faire des bandes dessinées, c'est d'en faire et d'en lire plein. Prendre des cours permet de se rassurer, de se sentir plus armé. Mais ça ne donne pas de diplôme d'auteur. Et d'ailleurs, il n'y a pas de certificat, ou de plaque, qui atteste qu'enfin, on est auteur. En fait, on écrit quelque chose. Et si c'est lu par une personne : félicitations, on est auteur !"
Auteur de BD, un métier solitaire ?
"Vrai. Mais mon intuition me dit que si c'est une voie qui attire les gens, c'est que globalement, ils aiment bien être chez eux à travailler, en pyjama, et à parler à leur chat".
Auteur de BD, c'est mal payé ?
"Ca, c'est vrai. Et en plus, comme ça demande beaucoup de temps, c'est très dur de faire un autre métier en même temps".
Arrive-t-il que parfois, on n'a pas d'inspiration ?
"Vrai. Et quand ça arrive surtout, il ne faut pas se forcer. Il faut travailler à autre chose. Et puis voilà, l'idée peut venir Moi aussi, j'ai été bercée à la mythologie de l'auteur qui se lève à cinq heures du matin, qu'il vente ou qu'il neige, et qui écrit deux heures tous les jours, car l'inspiration est un muscle.
Mais c'est faux, archi archi faux.
En tout cas, pas pour tout le monde. Et il vaut mieux attendre la bonne idée, celle qui picote, celle qui fait se relever à minuit pour vite vite noter un dernier petit truc avant d'oublier".
Est-ce dur de trouver un bon sujet de BD ?
"Vrai. Mais on s'en fiche un peu du sujet. Un petit garçon qui parle à son tigre en peluche, par exemple, ce n'est pas un scénario révolutionnaire. Et pourtant, Calvin et Hobbes est une des meilleures séries BD du monde. Quel que soit le sujet, ce qui est unique, c'est ta façon de le raconter.
Parce que personne ne peut raconter une histoire exactement comme toi, que ce soit Autant en emporte le vent, une blague de Toto ou "Comment tu as raté le bus ce matin", c'est ta manière de le raconter et tes intonations et ta patte.
Et c'est sûr qu'il y a quelque part quelqu'un, possiblement même plusieurs personnes, qui va accrocher avec cette manière de raconter. Il va aimer comme tu installes le suspense, comme tu décris les décors, comme tu fais la voix du père de Toto qui lui demande d'aller acheter de la bière... La difficulté est d'accéder à ces personnes qui vont avoir envie de t'entendre, de te lire. Mais ça viendra forcément".
Est-ce dur de créer un bon personnage ?
"Faux. Il faut juste que tu l'aimes très fort, même si c'est l'infâme salopard, menteur et voleur. Il faut que toi, tu le trouves marrant, un peu cool, que tu aies envie de le connaître en vrai.
Et il faut vraiment l'aimer d'ailleurs, parce que vous allez passer beaucoup de temps ensemble, avec ton personnage.
Si on se dit que tu vas le dessiner en moyenne entre cinq et huit fois par page pendant une grosse centaine de pages, si tu ne peux plus blairer au bout de trois jours, ça va être compliqué de passer un an et demi avec !"
Il n'y a pas de place pour tout le monde
"C'est vrai. Et je n'ai pas la réponse. C'est vrai qu'il y a déjà des livres sur à peu près tout. Et tu peux penser que tout a déjà été dit par d'autres. Mais ton histoire à toi, elle vaut celle des autres.
Elle est pas moins intéressante que celle des autres. On te dit qu'il n'y a pas de place pour toi, mais cette place, tu vas la prendre, tu vas la créer de force parce que des tas de gens ont envie d'entendre ta voix.
Et c'est peut être la seule chose que je peux te conseiller de te répéter quand tu es dans une phase de doute existentiel, et que tu te dis, comme nous toutes, à un moment ou un autre, que tout ce que tu fais est complètement nul : peu importe, parce qu'il y a quelqu'un qui a envie de te lire !
Je me suis posée toutes ces questions, plus jeune, et même encore aujourd'hui. Et aujourd'hui, ce sont les autres autrices qui me répondent. C'est ça la force d'être autrice de bande dessinée : on est nombreuses, on est fédérées et on apprend beaucoup des jeunes auteurs. Et que c'est vraiment une boucle infinie d'apprentissage. On passe par les mêmes coups de mou, les mêmes doutes, les mêmes questions, les mêmes joies, les mêmes colères... Mais notamment grâce aux réseaux sociaux, on peut se parler. Et ça, ça a changé ma vie."
Ecouter la carte blanche de Pénélope Bagieu :
Carte blanche de Pénélope Bagieu
3 min
ECOUTER | Pénélope Bagieu invitée de l'émission Boomerang
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