CARTE - Qui sont les champions et les mauvais élèves ? Voici où en est précisément la vaccination en France
Par Victor Vasseur
Si l'on regarde les données de l'Assurance Maladie et de Santé Publique France, les disparités de la campagne vaccinale sont frappantes. Le clivage Nord-Sud ressort nettement et il s'explique.
Qui sont les non-vaccinés ? Dans quelles régions vivent-ils ? Ces questions ont refait surface après les propos d’Emmanuel Macron dans une interview, où le Président affiche sa volonté "d’emmerder" les non-vaccinés. À ce jour, ils sont un peu moins de 4,5 millions de plus de 12 ans à ne pas avoir reçu la moindre dose de vaccin contre le Covid-19. Jeudi 20 janvier, Jean Castex a rappelé que depuis l’annonce de l’arrivée du pass vaccinal, "plus d’un million de Français, qui n’étaient pas encore vaccinés, ont franchi le pas."
Grâce aux données de l’Assurance Maladie et de Santé Publique France, France Inter dresse une carte détaillée de la vaccination en France. Les données les plus précises sont celles des EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale comme les communautés de communes et d'agglomération. Au fur et à mesure de l’avancée de la campagne de vaccination, démarrée il y a plus d’un an, des inégalités sont apparues. Et elles se sont renforcées, notamment entre le Sud-Est et le reste du pays. En Bretagne, par exemple, des communautés de communes affichent un taux de vaccination record.
Dans le Finistère et le Calvados, des champions de la vaccination
L’Ile de Noirmoutier est la championne de la vaccination. 83,5% de sa population a reçu au moins une injection. Le podium est complété par la communauté de communes Cœur de Nacre (83,4%) et Cœur Côte Fleurie (82,9%), toutes les deux dans le Calvados. La carte produite par France Inter montre que la moitié nord et l’ouest de la France sont bien plus en avance dans la campagne de vaccination. Plusieurs intercommunalités de la côte Atlantique dépassent les 80% de vaccinés, comme aux Sables-d’Olonne et autour de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.
En Ile-de-France et dans le Sud-Est, une population peu vaccinée
À l’inverse, les deux communautés de communes les moins vaccinées en métropole se situent à la frontière suisse. Dans la communauté de communes du Genevois, d’Annemasse les Voirons et du Pays de Gex, entre 59% et 61% de la population sont vaccinées. Mais il pourrait s’agir d’un biais. L’Assurance maladie récupère les données des patients vaccinés en France. Or, les frontaliers et notamment les salariés en Suisse ont pu se faire vacciner près de leur lieu de travail. C’est une hypothèse. Reste que le taux de vaccination est élevé, dans certaines communes, chez les retraités.
La communauté de communes de Creil, dans l’Oise, compte 60,7% de vaccinés. C’est tout autant que dans le Diois dans la Drôme (61,5%), mais aussi à Roissy (61,7%), près de Paris. Parmi les trente EPCI les moins vaccinés, le Sud-Est ressort : Marseille, Arles, Le Luc, Forcalquier ou encore Brignoles. L’Ile-de-France est aussi très concernée, par endroit, par un faible taux de vaccination. Dans la communauté de communes d’Évry-Courcouronnes, 63,1% de la population est vaccinée. Tout au sud de la Seine-et-Marne, à la frontière avec l’Yonne, le Pays de Montereau recense tout juste 65% de vaccinés.
Quand le pass vaccinal incite surtout les plus aisés à se faire vacciner
Plusieurs chercheurs se sont penchés sur les raisons du clivage nord-sud. Début janvier, une enquête a été publiée en préprint sur les disparités régionales de la couverture vaccinale. 180 critères socio-économiques et géographiques y sont passés au peigne fin. Cette enquête montre que les non-vaccinés ne sont pas seulement des "antivax" retranchés dans leur conviction. Il y a des raisons économiques.
"Nos résultats basés sur des ensembles de données nationaux exhaustifs indiquent que les zones les plus défavorisées ont plus de dix fois plus de chances de figurer parmi les territoires ayant les taux de vaccination les plus faibles”, écrivent les auteurs l’article. En clair, le pass sanitaire n’a pas résolu les inégalités vaccinales. Au contraire, elles ont persisté. Elles sont bien visibles sur ces cartes de la spécialiste en biologie évolutive Florence Débarre.
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La géographe spécialisée en santé publique, Lucie Guimier, a participé à cette étude. Elle constate que le pass sanitaire "a peu incité les réfractaires à aller se faire vacciner. Il a surtout motivé les personnes qui en avait besoin pour sortir, aller au restaurant, au cinéma, pour voyager et prendre le train". "Le pass sanitaire est une contrainte pour des activités et des loisirs payants." À l'inverse, ceux qui ont moins de revenus, peu de ressources, peuvent se sentir moins concernés par l'intérêt du pass vaccinal.
Lucie Guimier prend pour exemple "cette axe côtier à l’ouest très bien vacciné" et observe qu'il se calque très bien "avec la carte du revenu fiscal de référence". "On peut dire que ce sont des zones avec des populations plus favorisées économiquement."
Un ancrage historique contre la vaccination
Le clivage entre le nord et le sud est très marqué. Cette carte de la vaccination contre le Covid-19 se superpose à une autre : celle de la résistance face aux vaccins contre la rougeole. Lucie Guimier a également écrit une thèse à ce sujet : "Approche géopolitique de la résistance aux vaccinations en France : le cas de l’épidémie de rougeole de 2008-2011."
Elle constate une similitude des cartes, où dans les deux cas le Sud est un territoire sous vacciné. Son terrain d’étude a notamment été le sud de l’Ardèche. Aujourd’hui, 35% de la population n’est pas vaccinée dans la communauté de communes de Bourg-Saint-Andéol, et dans le massif du Coiron. Plus de 32% aux Vans, là où des premières manifestations contre le port du masque avaient lieu à la fin de l'hiver 2021. "Le sud de l’Ardèche et la Drôme sont des territoires où le bassin d’emploi n’est pas très attractif. De nombreux néo-ruraux s’installent et ils viennent choisir une vie en dehors du système, de la ville, un mode de vie alternatif." Il y a aussi une réticence à la vaccination, parfois historique, très ancrée dans les mœurs.
À Marseille, "c’est différent", poursuit Lucie Guimier. "Dans la région autour de la métropole marseillaise, les discours du professeur Raoult ont eu de l’influence. Celui-ci a été perçu par les résistants à la vaccination comme une idole, un médecin qui va contre l’avis de la doxa. Ça a renforcé les opinions des antivaccins dans le Sud-Est". La chercheuse rappelle également la présence d’un électorat en faveur du Rassemblement national, issu de professions libérales et qui peut-être très sceptique face à la vaccination.