Ce que contient (vraiment) l'accord franco-allemand, signé ce mardi à Aix-la-Chapelle
Par Julien Baldacchino
Ce mardi, Emmanuel Macron et Angela Merkel ont signé un nouveau traité franco-allemand, à Aix-la-Chapelle, "complétant" le traité de l'Elysée du 22 janvier 1963. Ciblé par de nombreuses "fake news", il pose les bases d'une association plus étroite entre les deux pays.
Accueillis par des huées venant de quelques dizaines de personnes (dont certaines vêtues de gilets jaunes), Emmanuel Macron et Angela Merkel se sont retrouvés ce mardi matin à Aix-la-Chapelle pour signer un traité franco-allemand, dont l'objectif est d'élever la relation entre les deux pays "à un niveau supérieur".
Ce traité bilatéral a pour vocation de compléter celui signé il y a 56 ans jour pour jour, le 22 janvier 1963, par Konrad Adenauer et Charles de Gaulle. "C'est un moment important pour montrer que le couple franco-allemand est un socle qui peut se relancer (...) au service du renforcement du projet européen", selon l'Élysée.
Ces derniers jours, la signature du traité a été la cible de nombreuses critiques venant notamment du Rassemblement national et de Debout la France. Mardi matin sur France Inter par exemple, la tête de liste RN aux européennes Jordan Bardella a dénoncé un traité qui selon lui "transfère des pans de notre souveraineté".
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Lors de la cérémonie de signature, Emmanuel Macron a dénoncé les "mensonges" sur ce traité. Mais que contient-il vraiment ?
Diplomatie : pas de partage du siège au Conseil de sécurité de l'ONU
Contrairement à ce qui est affirmé par les opposants à ce traité, il n'est à aucun moment prévu par le traité que la France et l'Allemagne partagent le siège français au Conseil de sécurité de l'ONU, ni même, comme l'affirmait Jordan Bardella ce mardi matin, que "la France pourrait échanger des représentants à l'ONU ou à l'OTAN avec l'Allemagne".
Les deux pays s'engagent, certes, à "coordonner" leurs positions au sein de l'ONU et à s'engager en faveur de positions coordonnées des pays de l'Union européenne, mais à aucun moment il n'est question d'échange de siège, ni même de transformer le siège de la France au Conseil de Sécurité en siège de l'Union européen - hypothèse qui a toutefois été réellement évoquée par le vice-chancelier allemand il y a plusieurs semaines.
L'article 5 du traité affirme effectivement que les deux pays "procéderont à des échanges de personnels de haut rang (...) au sein de leurs représentations permanentes auprès des Nations Unies à New York". Mais à aucun moment il n'est précisé, dans cet article, que ces échanges se feront au niveau du siège français au Conseil de sécurité.

Par ailleurs, l'article 8 du traité affirme que l'entrée de l'Allemagne au Conseil de sécurité "est une priorité de la diplomatie franco-allemande". Mais il n'est pas question que cette entrée, ni celle de l'Union européenne, se fasse aux dépens de la France.

Régions frontalières : l'Allemand ne sera pas la nouvelle langue administrative
Là encore, de nombreuses "fake news" ont circulé à ce sujet, allant jusqu'à dire que la France allait "vendre l'Alsace-Lorraine" à l'Allemagne. C'est faux. L'article 13 (alinéa 2) du traité affirme que "les deux États dotent les collectivités territoriales (...) de compétences appropriées, de ressources dédiées et de procédures accélérées permettant de surmonter les obstacles à la réalisation de projets transfrontaliers, en particulier dans les domaine économique, social, environnemental, sanitaire, énergétique et des transports". Mais cela se fait "dans le respect des règles constitutionnelles respectives des deux États".

Pas plus que cette coopération transfrontalière n'a de dimension politique, donc, il n'est pas question que l'Allemand devienne la langue administrative de la zone frontalière. L'article 15 du document affirme simplement que "les deux États sont attachés à l'objectif du bilinguisme dans les territoires frontaliers".

Il est par ailleurs convenu que soit mis en place un "comité de coopération transfrontalière" entre les États et les collectivités, et que les deux pays s'engagent à la "préservation de normes strictes dans les domaines du droit du travail, de la protection sociale, de la santé et de la sécurité, ainsi que de la protection de l'environnement".
Sécurité : vers une armée commune ?
La question de la sécurité commune est aussi l'une des plus longuement abordées dans le traité entre les deux pays, qui se sont livrés trois guerres entre 1870 et 1945. France et Allemagne promettent de "se prêter aide et assistance par tous les moyens dont ils disposent, y compris la force armée, en cas d'agression contre leur territoire". Une coopération déjà prévue au sein de l'Otan ; mais les deux pays, avec ce traité, s'engagent à "renforcer encore la coopération entre leurs forces armées et opérer des déploiements conjoints".
Mardi lors de la signature du traité, Angela Merkel a déclaré que cette partie du traité était selon elle "une contribution à la création d'une armée européenne", passant par le développement "d'une culture militaire et d'une industrie de l'armement communes", et ce "sur la base de leur confiance mutuelle".
Économie et climat : des organismes de coopération
Sur l'économie, outre les projets transfrontaliers qui seront favorisés, France et Allemagne lancent, avec ce traité, la création d'un "conseil franco-allemand d'experts économiques". Dix membres indépendants, venus des deux pays, seront chargés de faire "des recommandations sur l'action économique" des deux pays. En outre, les deux pays s'engagent à mener "des projets conjoints" pour une meilleure "efficacité énergétique".