Ce que disent les études parues en France sur les contrôles au faciès et les "violences policières"

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Ce que disent les études parues en France sur les contrôles au faciès et les "violences policières"

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Un contrôle d'identité à Lyon
Un contrôle d'identité à Lyon
© Maxppp - Philippe Juste

Peu d'enquêtes permettent de documenter, chiffres à l'appui, la réalité des contrôles policiers. Les rares à avoir été menées ces dernières années mettent néanmoins en lumière les discriminations subies par les personnes perçues comme noires ou arabes.

La mort de George Floyd a réveillé à travers le monde une puissante colère, en particulier en France, où les manifestations contre les violences policières se succèdent. Leur ampleur est inédite, en dépit du contexte sanitaire. La révélation dans la presse des messages racistes échangés par des policiers dans des groupes Facebook et WhatsApp n'a fait que jeter encore un peu d'huile sur le feu, après des années jalonnées par les affaires mettant en cause les forces de l'ordre (Adama Traoré, Théo Luhaka, Zyed et Bouna...).

Certains voient dans ces affaires le signe d'un racisme qui ne relèverait pas seulement de dérapages individuels, un racisme plus ancré dont les ressorts seraient systémiques. Que disent les études menées à ce sujet ? Si les associations dénoncent régulièrement des contrôles menés de façon discriminatoire, force est de constater que les données sont rares, éparses, comme le déplorait en 2016 l'ACAT, une ONG qui lutte contre la torture et la peine de mort, et à l'origine de plusieurs rapports sur la question des forces de l'ordre. Voici néanmoins ce que disent les principales données publiées ces dernières années. 

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Vingt fois plus de chances d'être contrôlé quand on est un jeune homme noir ou arabe

De quelle étude on parle : de l'enquête publiée en 2017 par le Défenseur des Droits Jacques Toubon. Menée auprès d'un échantillon représentatif de 5 000 personnes, cette enquête s'intéresse à la relation entre la police et la population, et plus spécifiquement aux contrôles d'identité.

Ce que dit l'étude : Première observation, 85% des personnes interrogées déclarent ne jamais avoir été contrôlées au cours des cinq dernières années. Mais les chiffres changent significativement chez les jeunes : les 18-25 ans déclarent 7 fois plus de contrôles que la population. "Et les hommes perçus comme noirs ou arabes apparaissent cinq fois plus concernés par des contrôles fréquents (c'est-à-dire plus de cinq fois les cinq dernières années)", peut-on lire. 

Ces deux critères combinés, il ressort que 80% de ceux qui correspondent au profil de "jeune homme perçu comme noir ou arabe" ont été contrôlés ces cinq dernières années, contre 16% pour le reste des personnes interrogées. "Par rapport à l’ensemble de la population, et toutes choses égales par ailleurs, ces profils ont ainsi une probabilité 20 fois plus élevée que les autres d’être contrôlés", souligne le Défenseur des Droits. 

L'enquête montre aussi que ces contrôles plus fréquents s'inscrivent dans une relation dégradée avec les forces de l'ordre : 40% des personnes affirment avoir été tutoyées (contre 16% pour la population générale), 21% insultées (contre 7%). 20% disent aussi avoir été brutalisées lors du dernier contrôle. 

Des contrôles essentiellement fondés "sur l'apparence raciale et le style de vêtement"

De quelle étude on parle : d'une étude menée par des chercheurs du CNRS publiée en 2009. Pour cette étude intitulée "Police et minorités visibles, les contrôles d'identité à Paris", les chercheurs ont observé quelque 500 contrôles policiers. Ceux-ci avaient lieu sur cinq sites de la capitale, situés entre Châtelet-les-Halles, la Gare du Nord et leurs abords. 

Ce que dit l'étude : Les données recueillies montrent que les personnes perçues comme "noires" (d'origine subsaharienne ou antillaise) et celles perçues comme "arabes" (originaires du Maghreb ou du Moyen-Orient) ont été contrôlées de manière disproportionnée par rapport aux personnes perçues comme "blanches". 

Une personne noire avait ainsi entre 3 et 11 fois plus de risques d'être contrôlée ; une personne perçue comme Arabe avait sept fois plus de risques. Conclusion : "le comportement de la police française dans ces cinq emplacements peut être assimilé à du profilage racial".

L'enquête montre aussi à quel point le style vestimentaire joue un rôle déterminant. 47% des personnes contrôlées portaient des vêtements "associés à la culture jeune", alors qu'elles ne représentaient que 10% de la population présente. "Il est probable que les policiers considèrent le fait d’appartenir à une minorité visible et de porter des vêtements typiquement jeunes comme étroitement liés à une propension à commettre des infractions ou des crimes, appelant ainsi un contrôle d’identité", écrivent les auteurs de l'étude.

1 460 enquêtes judiciaires confiées à l'IGPN en 2019

De quelle étude on parle : Il ne s'agit pas à proprement parler d'une étude. Pendant longtemps, il n'y a pas eu en France de statistiques officielles sur les violences commises de façon illégitime par les forces de l'ordre. Cela n'est que depuis 2018 que l'IGPN, la police des polices, communique le nombre d'affaires pour lesquelles elle a été saisie. Hasard du calendrier, son décompte annuel a été publié ce lundi

Ce que disent ces chiffres: Pour 2019 ils atteignent un niveau inédit, sur fond de mouvement des "gilets jaunes" : 1 460 enquêtes judiciaires lui ont été confiées, dont 868 portent sur des violences volontaires (+41% par rapport à 2018). Il s'agit à la fois d'intervention ou d'interpellations dans le cadre de manifestations (38%), de contrôles d'identité ou routiers (12%), et d'allégations de violences sur des personnes retenues (14%). Sur 339 dossiers "gilets jaunes", 274 ont été transmis à la justice. Une douzaine de policiers seraient ainsi susceptibles de faire l'objet de poursuites, selon la directrice de l'IGPN.

Du côté de la gendarmerie, l'IGGN a été saisie l'an dernier de 100 affaires, dont près d'un tiers concernaient des violences avec ou sans armes.

Toutefois, aucune statistique officielle ne vient documenter le nombre de bavures avérées, sanctionnées et condamnées commises par les forces de l'ordre, au risque de donner du grain à moudre à tous ceux qui dénoncent l'opacité de l'État sur cette question.