Ce que l'on sait sur les circonstances du naufrage qui a tué au moins 27 réfugiés au large de Calais

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Ce que l'on sait sur les circonstances du naufrage qui a tué au moins 27 réfugiés au large de Calais

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Des restes d'embarcations pneumatiques à l'abandon sur le littoral près de Boulogne-sur-Mer.
Des restes d'embarcations pneumatiques à l'abandon sur le littoral près de Boulogne-sur-Mer.
© AFP - FRANCOIS LO PRESTI

27 personnes qui tentaient une traversée de la Manche en direction du Royaume-Uni ont été retrouvées mortes suite au naufrage de leur embarcation. Deux seulement ont survécu. Quel est leur profil et que s'est-il passé ? On fait le point.

C'est le drame migratoire le plus meurtrier dans la Manche à ce jour : 27 réfugiés sont morts hier dans le naufrage de leur embarcation au large de Calais. Deux survivants seulement ont été retrouvés, les recherches ont été arrêtées hier soir mais le bilan pourrait encore évoluer dans les jours à venir si d'autres corps sont découverts. Une enquête est ouverte et confiée à la Juridiction interrégionale spécialisée de Lille, pour "aide à l'entrée et au séjour irréguliers en bande organisée", "homicide et blessures involontaires" et "association de malfaiteurs". Les enquêteurs doivent déterminer les circonstances de la catastrophe. Cinq personnes ont été arrêtées, mais sans lien avec la tragédie.

Une tentative de sauvetage massive et rapide

On ne connaît pas encore précisément l'heure du naufrage. C'est un pêcheur qui a découvert des corps flottant dans l'eau en début d'après-midi mercredi, près de Calais. La zone entre la France et le Royaume-Uni souffre au quotidien d'une très forte circulation de navires dans les deux sens de navigation et c'est là également que des milliers de réfugiés risquent leur vie pour traverser la Manche. Les secours prévenus, des sauveteurs en mer de toute la région sont mobilisés dès 15h. Des heures durant, ils ramassent des cadavres. Les recherches sont suspendues à la tombée de la nuit. La préfecture maritime a décidé de ne pas reprendre les recherches ce jeudi.

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Un bilan définitif des victimes incertain

On compte 27 victimes au total, même si le nombre de 31 victimes a été donné dans un premier temps. En toute fin de journée, deux survivants sont retrouvés : deux hommes, de nationalité irakienne et somalienne, qui souffrent d'hypothermie. Leur état s'améliore ce jeudi selon les autorités. Parmi les personnes décédées, originaires du Moyen-Orient et du continent africain, on compte 17 hommes, sept femmes et trois enfants. On ne sait pas combien de réfugiés ont pris la mer et sont donc portés disparus. La préfecture maritime s'attend à ce que d'autres victimes soient probablement retrouvées lors de prochaines opérations de sauvetage.

Tous les corps ont été apportés à Calais le soir du drame, avant de partir pour autopsie à Lille
Tous les corps ont été apportés à Calais le soir du drame, avant de partir pour autopsie à Lille
© AFP - Marie Magnin

L'embarcation "carrément dégonflée"

Selon les sauveteurs, les réfugiés se trouvaient à bord de ce qu'on appelle un "long boat", un bateau gonflable long et étroit, assez fragile, conçu pour les loisirs nautiques, mais certainement pas pour une traversée. "Nous sommes passés à côté de l'embarcation pneumatique. Elle était carrément dégonflée. Le peu d'air qui restait l'aider à flotter", raconte Charles Devos, le patron de la vedette de sauvetage de Calais, à nos confrères de France Bleu Nord. Il a l'habitude de voir des bateaux de plus en plus surchargés : "Des Zodiac ou autres bateaux pneumatiques, qui font 10m de long, et ils sont cinquante à bord."

L'hypothèse de l'accident...

Que s'est-il passé ? L'enquête et l'interrogatoire des deux survivants le précisera mais plusieurs hypothèses sont envisageables à cette heure. Tout d'abord l'intervention extérieure, comme le précisait ce jeudi Bernard Barron, président de la Société nationale de sauvetage en mer, à nos confrères de France Info : "La Manche est une autoroute où passent quotidiennement dans chaque sens 300 bateaux. Et parmi ces bateaux, il y a des bateaux géants, il y a des porte-conteneurs géants, il y a des superpétroliers. Les bateaux utilisés par les migrants qui sont mis à disposition par les passeurs sont des 'long-boat', des bateaux pneumatiques qui ne sont pas du tout adaptés, qui sont surchargés. Et quand ces bateaux traversent le sillage d'un porte-conteneur qui provoque des vagues de deux mètres de haut, vous imaginez bien que ces pauvres gars qui sont au ras de l'eau sont victimes d'un tsunami." Il est aussi possible qu'un de ces cargos soit entré en collision avec l'embarcation pneumatique.

Ou du matériel défectueux

Les conditions météorologiques peuvent également entrer en jeu, avec une mer agitée. Il est enfin possible que le bateau ait souffert d'un problème. Les passeurs n'hésitent pas à fournir des moyens de transports vieillissants, sous-équipés ou abimés. Défauts d'étanchéité, panne moteur… Ces problèmes sont depuis des années constatés et la cause de nombreux naufrages, dont les plus meurtriers ont été constatés en Méditerranée. Les circonstances exactes et les causes restent un mystère à cette heure. Quatre ont été interpellés ce mercredi, un cinquième la nuit dernière, soupçonnés d'être liés directement à la tragédie selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, mais ce jeudi le Parquet de Lille assure qu'il n'y a pas de lien objectivé entre ces passeurs arrêtés et l'affaire dont s'est saisi la Juridiction interrégionale spécialisée de Lille. Les cinq interpellations relèvent d'ailleurs d’enquêtes de la compétence du parquet de Dunkerque.