Certification de langue obligatoire pour les étudiants : la part belle au privé

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Certification de langue obligatoire pour les étudiants : la part belle au privé

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Les tests de type TOEIC ou TOEFL sont des certifications en langue anglaise, mais ils dépendent d'organismes privés
Les tests de type TOEIC ou TOEFL sont des certifications en langue anglaise, mais ils dépendent d'organismes privés
© Getty - Commercial Eye

Tous les étudiants en fin de licence, de DUT ou de licence professionnelle, quelle que soit la discipline – et pas seulement les étudiants en langues, doivent passer une certification en anglais pour valider leur diplôme. Problème : les universités sont souvent mal outillées pour.

L’an dernier le dispositif ne s’appliquait qu’à une partie des étudiants. Cette année, il est généralisé à environ 400.000 étudiants : en fin de licence, de DUT ou de licence professionnelle, peu importe la discipline, qui ont désormais besoin d'une certification en anglais. La plupart des universités sont donc obligées de faire appel à des organismes privés de certification, de type TOEFL ou TOEIC. Un coût exorbitant pour des tests contestés sur le plan pédagogique.

Les universités publiques mécontentes

"Depuis cette année, on nous oblige à faire passer une certification en anglais aux étudiants qui sont en troisième année de licence et qui vont valider leur diplôme", explique Lise, professeur d'espagnol dans une université des Hauts de France. Sans cela, les étudiants ne peuvent pas obtenir leur diplôme de licence. Mais ce passage obligé par des organismes privés fait grincer des dents dans les universités publiques. "Notre université a passé un accord avec un organisme étranger", précise Lise, "et cela va coûter 49 euros par étudiant. L'université va prendre en charge cette somme, ce ne sont pas les étudiants qui doivent payer. Mais cela représente un budget conséquent pour notre département de langues : environ 5.000 euros pour notre seul département. Le budget annuel du département tourne normalement autour de 2.000 euros."

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Il existe pourtant une certification proposée par les universités françaises, et appelée Cles, Certification en langues de l’enseignement supérieur, "avec des sujets préparés par des enseignants du supérieur qui sont formés pour cela, selon Lise, et qui est reconnu au niveau international". Mais il est impossible de faire passer les 400.000 étudiants de licence, de DUT et de licence professionnelle sur une même année avec ce seul dispositif. "Nous travaillons à améliorer et à déployer le Cles, explique François Germinet, président de la commission formation et insertion professionnelle à France Universités [instance qui représente les présidents d’universités]. Actuellement, nous pouvons déployer une offre par le Cles pour 30 000 étudiants."

Jusqu'à 230 euros le test

"Au départ, cette certification n’était pas une demande de notre part, reconnaît François Germinet de France universités. Pour les formations qui débouchent directement sur le monde professionnel, comme les DUT et les licences professionnelles, travailler les langues et avoir une certification, pour les jeunes, c’est un plus vis-à-vis des employeurs. Mais pour les étudiants en licence générale qui sont censés poursuivre en master, on peut se poser la question de l’intérêt de cette certification, d’autant qu’elle sera redemandée en master".

Pour cette prise en charge, les universités bénéficient d’une aide financière de l’État de 30 euros par certification passée, qui correspond au prix du Cles. "On espérait plutôt un montant de 40-50 euros. Certaines universités ont choisi des types de certifications plus onéreux, alors elles en seront de leur poche cette année et elles protestent face à ce surcoût", ajoute François Germinet. Certains tests peuvent coûter jusqu’à 100 euros, voire 200 euros pour les plus réputés comme le TOEIC à 132 euros ou le TOEFL à 230 euros.

Pas besoin de le réussir, passer le test suffit

Paradoxe, les étudiants ne sont pas tenus de réussir le test de langue. Ils doivent simplement attester qu'ils l'ont bien passé. Pour Léna Pallier, présidente de la Fnael, la Fédération nationale des associations étudiantes linguistes, qui représente les étudiants en licences de langues, "pédagogiquement, ce n’est pas très intéressant. Les étudiants passent une certification mais ne vont pas devenir meilleurs en anglais pour autant parce que le gouvernement ne nous propose pas de rajouter des cours. Les professeurs qui leur enseignent l'anglais pendant trois ans sont suffisamment compétents pour que leur niveau soit reconnu et il n’y a pas besoin de certification."

"C’est toute la subtilité", confirme François Germinet. On certifie seulement que l’étudiant a passé la certification. A la limite, s’il ne maîtrise pas l’anglais, cela n’a pas d’importance". "S'ils n'ont pas un bon niveau d'anglais, ce n'est pas grave", renchérit Lise, d’une université des Hauts de France. "On a l'impression que c'est vraiment pour pouvoir financer certains organismes de formation et nous ça nous pose d'autant plus problème que nous sommes enseignants de langue et que nous n'allons pas les former pour cela. Et nous n'avons rien à redire quant à la qualité de ces tests puisque ce n'est pas nous qui les mettons en place".

Un recours déposé au conseil d'Etat

"C’est quand même une incitation", relativise François Germinet, lui-même président de Cergy-Paris-Université. "Si l’employeur demande la certification, ce sera un très mauvais point pour le jeune s’il a échoué au test. Nous sommes de plus en plus nombreux à proposer dans nos universités des cours de préparation, en plus des cours de langue prévus. Nous mettons aussi à disposition les centres de langues pour que les étudiants viennent se tester et s’entraîner, mais certains ne viennent jamais !" Avec 14 autres associations, la Fnael a déposé un recours au conseil d'Etat pour demander l'annulation de cette mesure et dénoncer le "tout anglais".

"Ce qui nous pose problème, notamment pour moi en tant qu'enseignante d'espagnol, c'est la remise en cause du plurilinguisme", regrette également Lise. Une critique relayée par le SNESUP-FSU, syndicat des enseignants du supérieur, qui écrit dans un communiqué : "Cette obligation de passer un examen externe à la formation pour obtenir le diplôme remet en cause de manière inacceptable les politiques de langues de nombreuses universités où l’anglais n’est pas imposé et où le choix de la langue peut parfois être fait parmi plus de 20 langues".

Le syndicat s'interroge aussi sur la finalité : "Cette politique de certification est d’autant plus ridicule que seul le fait de passer la certification compte pour obtenir le diplôme, et non le niveau. L’objectif du gouvernement serait-il d’enrichir des sociétés privées avec des fonds publics ?"