Ces médias qui n'utiliseront plus de photos de baignade ou de plage pour illustrer les vagues de chaleur

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Ces médias qui n'utiliseront plus de photos de baignade ou de plage pour illustrer les vagues de chaleur

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Certains médias décident de ne plus publier de photos de baigneurs ou de plage pour illustrer les effets du changement climatique.
Certains médias décident de ne plus publier de photos de baigneurs ou de plage pour illustrer les effets du changement climatique.

Le journal "Le Monde" a décidé de ne plus illustrer ses articles sur les vagues de chaleur avec des images de baignade, de plage ou des glaces. Le rédacteur en chef du média en ligne "Vert" milite pour que ce changement soit global, et pour ne plus biaiser la réalité du réchauffement climatique.

Des enfants sur la plage ou des habitants qui se rafraichissent dans une fontaine. Quand une vague de chaleur ou une canicule est constatée en France, ces images sont régulièrement utilisées, y compris par France Inter, pour illustrer les articles qui relatent ces conséquences du réchauffement climatique. Sauf qu'elles donnent une représentation erronée de la réalité. Pour y remédier, des journalistes et médias, à l'instar du site d'actualité "Vert", militent pour un changement de pratiques. D'autres, comme le quotidien "Le Monde", ont décidé de faire changer les choses au sein de leur rédaction.

Si en France, la démarche commence à faire le tour des médias (et des réseaux sociaux), elle est dans certains pays bien plus ancienne. En Angleterre, par exemple, Le Guardian a été l'un des premiers journaux à faire évoluer le choix de ses illustrations, pour qu'elle correspondent à l'article sans induire en erreur le lecteur.

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Au Monde, on "repense l'illustration des sujets"

Arrêter d'illustrer les articles sur les vagues de chaleur avec des glaces ou des baigneurs, voilà la réflexion que le journal "Le Monde" a lancée il y a quelques années. "On a commencé à en parler après avoir lu un édito du Guardian sur le sujet" explique Pauline Eiferman, rédactrice en chef adjointe au service photo du Monde, composé d'une quinzaine de personnes. Ce sont elles qui choisissent quelles photos vont illustrer les sujets des journalistes, et qui envoient quand c'est nécessaire les photographes sur le terrain. "L'édito nous a fait réaliser beaucoup de choses. On a en parlé tous ensemble. Ensuite ça a été assez long, il a fallu revoir la façon dont on illustrait les sujets, à la rédaction comme au service planète", poursuit-elle.

Depuis, pas de consigne officielle "mais une vraie démarche" au sein du quotidien, qui "se pose la question à chaque fois" qu'il faut illustrer un article sur ce sujet. Et ça demande quelques adaptations. "Par exemple, si on ne trouve pas d'illustration qui nous convient, on va parfois envoyer un photographe ou faire appel à une agence spécialisée" détaille Pauline Eiferman. Ce qui demande aussi un certain budget. Mais en mettant en place ces changements, "les photos sont beaucoup plus impactantes, avec des vraies légendes qui servent l'article." Maintenant, au "Monde", "illustrer un article sur une vague de chaleur avec une fontaine c'est interdit" sourit Pauline.

Il faut "que les mots et les images correspondent"

Une initiative qui parle forcément à Loup Espargilière, rédacteur en chef du média indépendant "Vert", qui parle au quotidien de l'écologie. Mardi 14 juin, il a publié sur Twitter une série de Tweets dénonçant les "images de vacanciers ravis d'être à la plage" pour parler de cette nouvelle vague de chaleur "qui va mettre à rude épreuve nos organismes, notre agriculture et l'ensemble de la biodiversité" ajoute le journaliste. "Il faut parler des effets de l'organisme humain, des récoles agricoles qui souffrent" explique-t-il. Pour le fondateur de "Vert", il faut même aller plus loin : "Les images qui parlent juste de la chaleur sont encore trop imprécises, il faut que ça illustre précisément le sujet. C'est tout un imaginaire à réinventer" quand on parle de la crise climatique.

Mais même avec de la bonne volonté, il est parfois compliqué de trouver comment illustrer son article. "En tant qu'éditeur, je suis a abonné à une agence photo et je galère à trouver des photos qui ne sont pas clichés" raconte Loup. Il ne faut pas interdire les photos d'enfants à la plage, mais le faire quand c'est bien un article sur des enfants à la plage. Il faut que les mots et les images correspondent vraiment". Le journaliste pointe un autre problème : "Dans les médias, les vagues de chaleur sont devenues un marronnier. C'est un vrai souci, parce que les gens finissent par croire que c'est normal."

"On sent quand même que les pratiques sont en train de changer" tempère-t-il. D'ailleurs, en cherchant des exemples d'illustrations erronées dans les médias, il a constaté que les choses avançaient dans le bon sens. "Aussi parce qu'on se fait le porte voix des citoyens et scientifiques excédés par cette situation."

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Dans un article publié le 14 juin par Anne-Sophie Novel  sur la couverture journalistique des vagues de chaleur, "Vert" partage une étude  (qui doit encore être validée) en anglais, menée par huit scientifiques. Elle analyse la couverture médiatique de la vague de chaleur de 2019 dans plusieurs  pays européens (France, Allemagne, Pays-Bas et Royaume-Uni). La conclusion : "De nombreuses illustrations donnent une image positive (contrairement aux articles) des vagues de chaleur, qui pourraient être qualifiées de 'fun sous le soleil'". Ils précisent également que ces photos "marginalisent les expériences des personnes vulnérables aux vagues de chaleur" et que "cela exclut les opportunités d'imaginer un avenir plus résilient".

L'écologie "n'est plus une rubrique"

Le même problème du traitement de ces informations se poste à la télévision. Après avoir travaillé à Cash Investigation et Envoyé spécial, la journaliste Sophie Roland fait aujourd'hui de la formation dans les écoles de journalisme et les rédactions, pour apprendre à mieux traiter les sujets liés au climat. "J'ai couvert ces enjeux notamment pour Envoyé spécial et Thalassa. J'ai pris conscience moi-même que je manquais de connaissances. Et là je me suis dit waouh, il y a du boulot !" explique la journaliste d'investigation. "Le problème, c'est que de nombreux médias vont filmer les gens en maillot de bain ou les ours polaires pour parler de l'enjeu climatique" ajoute-t-elle. Insuffisant selon de nombreux journalistes. Mais ça évolue. Par exemple, "lundi 13 juin, dans le 20h de France 2, Anne-Sophie Lapix a évoqué le réchauffement climatique dès le lancement de son reportage", note Sophie.

Selon elle, et c'est ce qu'elle explique notamment en formation, "il faut que les liens soient fait entre les événements. Il faut aussi montrer qu'une vague de chaleur, c'est de la souffrance pour les personnes âgées ou ceux qui travaillent en extérieur". "Et puis, il faut également parler des solutions. Et maintenant, on fait quoi ? Comment adapter nos villes face à la situation ?". "C'est encore lent, mais les lignes bougent. L'écologie n'est plus une rubrique. Il y a une prise de conscience" assure-t-elle. Elle constate "une vraie demande" des rédactions, composées de journalistes "qui réalisent qu'ils ont un manque de connaissances de ces enjeux et qui attendent des clés". Avec, par exemple, cette formation sur le traitement des sujets sur le climat prévue à la rentrée à France Télévisions, et ouverte aux journalistes du service public.

Une charte pour un journalisme écologique en écriture

Sophie Roland, avec une trentaine de journalistes et de médias, dont "Vert", sont en train de rédiger une charte "de bonne pratiques" à ce sujet. "L'idée est de sensibiliser les journalistes aux questions d'écologie et de biodiversité" relate Sophie Roland. La charte comportera 13 points, comme faire preuve de pédagogie, de transparence, ou encore... s'interroger sur les images utilisées. Elle sortira dans les prochaines de semaines.

Si la prise de consience est lente, elle semble bien en marche. À l'image du journaliste et présentateur météo de BFMTV, Marc Hay, qui a pris position à l'antenne en assurant qu'il "faut qu'on change notre manière de parler de ça". Ajoutant : "La France va cramer cette semaine !" Un message largement partagé sur les réseaux sociaux.

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