Ces socialistes, insoumis, communistes qui vont voter pour la primaire des Verts

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Ces socialistes, insoumis, communistes qui vont voter pour la primaire des Verts

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Plus de 120 000 personnes se sont inscrites à la primaire des Verts.
Plus de 120 000 personnes se sont inscrites à la primaire des Verts.
© Radio France - Victor Vasseur

Plus de 120 000 votants sont appelés à départager les cinq candidats de la primaire écologiste à partir de ce jeudi lors du premier tour. Un scrutin ouvert à tous. Dix militants de gauche nous expliquent pourquoi ils vont voter à la primaire des Verts.

Peut-on parler d’ingérence quand des militants communistes, insoumis ou socialistes participent à une primaire écolo ? Après tout, ils sont du même bord politique. Parmi les 122 000 inscrits, combien seront-ils ? Impossible de savoir s’ils seront nombreux. Les votes pour le premier tour de la primaire ouverte soutenue par Europe-Ecologie les Verts et Génération.s notamment ouvrent ce jeudi. Plusieurs militants de gauche nous ont livré leur témoignage, les raisons de leur démarche, leur choix. Entre incertitude, stratégie et conviction.

Pourquoi ils se sont inscrits 

"Je me sens écologiste" affirme d’emblée Hugo*, jeune socialiste parisien. Cette primaire l’intéresse car "l’offre politique est assez large" et surtout, "l’écologie ne se situe pas seulement chez EELV". Paul, socialiste normand, le rejoint sur ce point. Il se sent concerné par cette primaire : "On est deux partis liés, il y avait eu une alliance en 2017." Aller voter n’est pas vraiment un tabou chez les militants socialistes interrogés

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Des anciens cadres du PS ne nous ont pas clairement incité à participer, mais c’était tout comme, ils en ont parlé dans une réunion

Quant à Eva, militante communiste, c’est un secret de polichinelle. Aucun de ses camarades n’est au courant. Ce qui plaît, c’est également la diversité des candidats. "Entre Jadot et Rousseau, il y a plusieurs nuances de verts", analyse Damien, insoumis strasbourgeois. Pierre, étudiant à Science Po à Paris et proche de La France insoumis ajoute : "On peut se reconnaître dans certains candidats verts."

Il y en a aussi qui sont inscrits, mais qui hésitent encore, à l’image de Georges. Ce retraité, ancien directeur du Conservatoire national des arts et métiers en Vendée, est engagé à La France insoumise. "Si on va voter, cela va faire du nombre et EELV va croire que sa primaire est un grand succès". Le candidat qui le pousse à voter, c’est Yannick Jadot. George ne veut surtout pas qu’il arrive en tête avec une trop large majorité. "Jadot est PS compatible, voir Macron compatible. On lui conteste sa position sur la compatibilité de l'écologie avec le capitalisme." Alors, il s’imagine voter Sandrine Rousseau : "On se dit que plus Rousseau aura de voix, plus le positionnement de Jadot pourra évoluer."

Voter pour anticiper l’après-primaire 

Comme Georges, une partie des militants avec qui nous avons discuté l’avoue, il y a une part de stratégie dans leur vote. "Je ne veux pas que la gauche soit éclatée" martèle Damien, LFI alsacien. "Une gauche éclatée ce sera à coup sûr Macron ou Le Pen ou un autre candidat au second tour." Nombreux craignent l’éclatement des voix

Rachida, bien que militante socialiste, est catégorique : "Le rassemblement de la gauche ne se fera pas autour du PS, mais autour de l’aile gauche des écologistes" prédit-elle. 

Pour moi, le PS n’est pas le plus le parti qui a l’hégémonie à gauche, il est davantage centriste. Participer à cette primaire, c’est essayer de faire en sorte qu’il y ait un candidat vert qui soit assez de gauche pour qu’il puisse ensuite rassembler au-delà des partis.

Rachida conclut : "C’est pour ça que cette primaire est incontournable." En toile de fond, ces militants pensent déjà à de possibles alliances. Agathe est dans ce cas. Militants LFI à Strasbourg, elle se veut lucide : "Je crois à la possibilité d’un rassemblement de la gauche. Je ne suis pas naïve, je sais que l’on aura pas Mélenchon comme président en 2022." "Ce sera mission impossible si tous les candidats de gauche se maintiennent durant la campagne présidentielle" explique Sébastien*, socialiste lyonnais. Quand il en discute avec d’autres militants, deux stratégies se détachent : "Il y en a qui mise sur des candidats qui seront plus enclins à former une union, que ce soit derrière la candidature PS surtout mais aussi les Insoumis, car il faut moins de candidats mathématiquement". Et: 

Il y a aussi également ceux qui misent sur un candidat "fantaisiste", qui est moins capable de rassembler, et qui fera perdre des points aux Verts au profit de la candidature socialiste.

L’aile gauche des Verts plaît 

C’est le nom qui est le plus ressorti chez les militants interrogés, celui de Sandrine Rousseau. "Elle apporte un discours en rupture avec ce que l’on entend habituellement à ce niveau" précise Paul, socialiste normand. Ce qui séduit : "Sa parole anticapitaliste et écoféministe." La candidate fait aussi des émules chez les militants de La France Insoumise. "C’est un vote pour, et pas contre" souligne David, militant LFI dans l’Hérault, il a mené plusieurs campagnes électorales. "C’est une femme économiste, qui a un passé militant, universitaire, intellectuel, ça fait du bien dans le paysage politique. Elle a un CV qui parle pour elle. Et elle fait la synthèse de toutes les luttes marginalisées en France." 

Simon, socialiste breton, hésite encore. Déçu par les prestations de Sandrine Rousseau et d'Éric Piolle lors des débats, il est dans le flou. "Le maire de Grenoble cherche à rassembler plus largement que les militants écologistes. Concernant Rousseau, ça ressemble plus à une candidature d’estrade". Il admet que Yannick Jadot est celui qui "incarne le mieux le rôle de président de République. Mais je ne me vois pas voter pour lui, pour des raisons idéologiques. C’est vraiment très social-libéral, très centriste, cela ne me convient pas." 

Yannick Jadot fait surtout union contre lui chez les militants rencontrés. "Un green Macron" lance Agathe, le candidat est jugé trop centriste voir même "de droite" comme le dit Eva, jeune communiste. Son vote se portera vers Sandrine Rousseau : "Elle a été victime de harcèlement sexuel, je trouve que c’est une image forte de la voir candidate." Chez certains socialistes, la candidature de Yannick Jadot est jugée comme la plus sérieuse. 

Il est plutôt PS compatible. On était allié à lui en 2017. On se rejoint sur certains points, la laïcité par exemple

relate Sébastien, membre du PS dans le Rhône. "Des militants m’ont dit que les français n’étaient pas prêts à entendre certains discours comme celui de Sandrine Rousseau, notamment quand elle parle d’écoféminisme." 

Eva évoque un autre nom, celui de Delphine Batho. "Elle aussi a mis en avant le mot décroissance." Hugo, étudiant membre du PS, votera pour l'ancienne ministre, davantage rassuré et convaincu par son discours car "elle donne des gages pour une écologie républicaine" explique le jeune militant, à l'inverse de Sandrine Rousseau. 

Si des militants de gauche comptent voter, il est tout aussi probable que des électeurs LREM ou de droite s’immiscent dans cette primaire. Le député RN Sébastien Chenu et l’identitaire Damien Rieu ont été débusqués et désinscrits. Ils appelaient à voter pour Sandrine Rousseau. "Il y avait une insincérité vis-à-vis de la charte des valeurs qu’ils ont signée et auxquelles ils n’adhèrent pas" estime sur LCI Eva Sas, porte-parole d’EELV.

* Les prénoms ont été modifiés