Chassez le Naturel
propos dansé par Jacques Bonnaffé et Jonas Chéreau sur des extraits de Le parti pris des animaux de Jean-Christophe Bailly
avec Jacques Bonnaffé et le danseur Jonas Chéreau textes de Jean-Christophe Bailly, Norge, Alain Proschiantz et Jean-Jacques Rousseaumusique de Louis Sclavis
Mon souci n’est pas qu’on reconnaisse aux bêtes un accès à la pensée, il est qu’on sorte de l’exclusivité humaine. Le Versant animal, Jean-Christophe Bailly, Editions Bayard
Chassez le Naturel prend pied à la Bastille. Le retour. Dans son mode d’évolution où l’écriture change en « Faisan Compagnie », notre équipe trouve ici un lieu de protection et une stimulation qui n’existe pas (ou plus) ailleurs. Qu’en soient remerciés et célébrés ces amis que sont Raoul, Géraldine, Irène, Patrice, Eve, Nathalie et l’équipage acharnée. Ainsi qu’avec une reconnaissance profonde, Jean-Marie Hordé, pour sa confiance et son exigence. Nous lui devons le bonheur goulu d’avoir réjoui des foules et notre panse inassouvissable.
Cafougnette et l’défilé, Comme des malades, 54x13, Jacques two Jacques, L’Oral & Hardi, Nature aime à se cacher sont les titres de ces passages à bon bord, auxquels vient s’ajouter cette fois Chassez le Naturel.
Chassez le Naturel (reprise)
Pourvu d’un avant-propos burlesque sur la vacuité du théâtre en pleine Nature, le duo-dansé proposé lors des Sujets à Vif du Festival d’Avignon 2011, devient Chassez le Naturel. Deux années de naturisme intense au sein de la compagnie, avec en 2012 notre tâche de Rousseau. L’animal a repris du poil.Nature aime à se cacher tissait une parenté aux danses tribales. De celles qui font tomber les pluies bienfaitrices, catégorie non répertoriée au catalogue du théâtre public. Cette danse, ou ces transes parlées, s’adressent aux esprits de la Forêt et plus particulièrement aux singes, pour des raisons d’agilité philosophique**. Petite conférence à propos du monde animal devenue un duo-dansé sur textes de Jean-Christophe Bailly, sa forme évolue avec cette fois un prologue lunaire sur le théâtre ou l’impossible retour à la Nature** (fortement inspiré par le départ précipité de Jean-Jacques au sortir de son année Rousseau). La danse et la glose se nourrissent aussi des performances et des ateliers pratiqués ces derniers mois. C’est un jazz pour sa liberté d’emprunt et d’impro, comme dans son aboutissement scénique opérant par thèmes musicaux.
Comme les précédents spectacles, l’écriture de celui-ci s’est faite par collages . Emprunt de textes, organisation d’un propos avec ses zones d’improvisation libre, partage lors d’ateliers et avant tout dans la relation publique, qui vient modifier la structure musicale, les rythmes et l’adresse aux spectateurs. Il y a une relation d’instinct à ces opérations, qui fait aussi que le travail n’est jamais arrêté. Il reste une part mobile ou improvisée dans mes spectacles qui établit une sorte de dialogue. Ainsi des auteurs s’invitent tels que Norge avec Le Trimardeur, un poème magnifique et cruel sur le brontosaure disparu. Le spectacle est une boite à surprises.
Comment mettre les pieds dans un texte, ne pas réfléchir, se dire qu’il y a urgence. J’aime à délier certaines splendeurs empaquetées dans l’écriture. À ce moment-là, parler est déjà une danse.Le visible est le caché est un petit livre utile et précieux, son sujet n’est pas l’auto-fiction, ni des souvenirs. On ne parle pas de moi, « Je » n’est pas le sujet. Le sujet c’est l’autre, radicalement. L’animal détaillé par Jean-Christophe Bailly est d’un autre monde. Celui qui apparaît où il se cache : dans le visible. Une connaissance lointaine, un savoir. Qui nous parvient étoffé de considérations magiques propices à l’expérience du théâtre, tels ces fragments d’Héraclite d’où sort l’aphorisme « Nature aime à se cacher » .Il y a de la philosophie dans ce propos, alors dansons dessus ! Acteur-danseur à deux liés pour dévider ce poème didactique, méditation sur le naturel et ses dédoublements. Le visible est le caché peut sembler somme toute burlesque à exposer sur scène. Drôle d’endroit pour ne pas se faire voir ! Sauf si vous y faites l’animal. Qui se cache où l’on voit ? Disparu du centre où il se trouve. C’est le sujet des toiles de Gilles Aillaud, animal ou vivant, acteur, demeuré ou bête de scène, encagé, diffracté.Jacques Bonnaffé
Animal
Aujourd’hui on constitue une humanité qui a de plus en plus de mal à toucher au réel de la nature des choses. Il y a comme un démantèlement du monde. L’époque est au subterfuge. Avec l’animal, il y a du penser cru ! C’est important de se mettre à côté d’eux, et de quitter un peu nos habitudes de chasseurs-reporters, d’écologistes-observateurs. On est juste là, on vit un peu dans leurs voyages. La question, c’est comment cesser de se les approprier, de les coloniser ; dire qu’ils ne sont pas des marionnettes de l’homme. On parle de présence. Ensuite, se cacher dans le visible... Pour nous qu’est-ce que ça veut dire ? Se montrer sur scène pour dire que je m’y cache, c’est bizarre, désespéré, et donc burlesque. Il y a une proximité avec Kafka dans cette histoire.Gilles Aillaud - Extraits des propos recueillis par Laure Dautzenberg, texte intégral www.theatre-bastille.com