
Le CNRS publie les résultats d'une expérience de testing sur l'accès au logement qui couvre, pour la 1ère fois, toute la France métropolitaine. L'étude montre notamment, qu'il est plus difficile d'être un candidat maghrébin ou africain, en particulier à Perpignan, Avignon ou Limoges.
Il n'y avait jamais eu une telle expérience de testing scientifique en France sur l'accès au logement. Pourtant, dans d'autres pays, les États-Unis notamment, elles n'ont pas manqué de faire leurs preuves en révélant les pratiques discriminantes des professionnels et particuliers.
Le CNRS publie aujourd'hui une étude inédite dont France Inter vous révèle les résultats en avant-première. Grâce à un testing d'ampleur nationale sur les 50 plus grandes aires urbaines de France métropolitaine, il apparaît que les minorités sont bien victimes de discriminations, sur le marché de l'immobilier locatif, et de façons différentes selon les territoires.
Les maghrébins et africains pénalisés
D'un point de vue légal, il y a discrimination quand il y a une différence de traitement entre des personnes physiques sur des fondements divers, sexe, âge, racisation, opinion politique ou syndicale, état de santé, état de grossesse, etc.
D'après la dernière enquête du Défenseur des droits publiée hier, 45,8 % des personnes interrogées estiment que les discriminations sont fréquentes voire très fréquentes quand il s'agit de la recherche d'un logement à louer.

Mais il y a le ressenti et les faits. "A l'arrivée, c'est une base de données expérimentales de 25 000 observations que nous avons pu constituer couvrant l'ensemble de la France", précise la chercheuse Julie Le Gallo d'AgrosupDijon qui a participé à l'enquête du CNRS.
Pour la mise en situation, des réponses à des annonces de location ont été envoyées, à des agences immobilières ou des particuliers, par des faux profils à l'origine ou la consonance du prénom et du nom différents. Il s'agissait en particulier de regarder si les candidats d'origine maghrébine ou africaine, dès la première étape de l'accès au logement, ont les même chance d'y accéder que les autres.
Les chiffres sont saisissants : "clairement, les candidats qui signalent par leur nom et prénom leur origine maghrébine ou africaine sont pénalisés", confirme t-elle. Lorsqu'il répond à une annonce immobilière, un candidat d'origine maghrébine a 27% de chance en moins de recevoir une réponse d'une agence immobilière ou d'un propriétaire privé pour la location d'un T2. Une candidature au profil africain est encore plus pénalisée.
Une géographie des discriminations
Les résultats sont plus élevés quand les particuliers gèrent eux-mêmes leur bien : jusqu'à 45% de chances en moins. Pour autant, d'après l'étude dirigée par Yannick L'Horty du laboratoire Travail Emploi et Politiques Publiques du CNRS, la présence d'agents immobiliers ne permet pas de filtrer l'ensemble des préjugés. Les candidats d'origine maghrébine ont 17% de chance en moins d'avoir une réponse : "il semblerait que les professionnels de l'immobilier relayent, au moins en partie, des injonctions qui leur seraient faites ou bien anticipent les attentes de leurs clients."
Mais c'est surtout sur la géographie de la discrimination que l'étude du CNRS interpelle. Julie Le Gallo : "elles sont vraiment patentes dans un petit nombre d'aires urbaines, notamment, Perpignan, Avignon, Limoges et Nancy, en tête des classements. Bref, ce ne sont ni les villes les plus grandes, ni les plus petites, ni les capitales régionales et elles sont dispersées dans tout l'espace métropolitain." Pas de profil type de villes où les discriminations sont les plus importantes donc, en tout cas à ce stade de la recherche dans le domaine. Les aires urbaines où les discriminations sont les moins fortes sont : Paris, Bordeaux, Nîmes, Lorient ou encore Montpellier.