Cœur artificiel : les défis à relever

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Cœur artificiel : les défis à relever

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Par Antoine Bonvoisin, pour La tête au carré.

La première implantation d'un cœur artificiel suscite beaucoup d'émoi et soulève aussi de nombreuses questions. Développement technologique, accessibilité du produit, le cœur artificiel de Carmat est appelé à évoluer .

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Le coeur artificel Carmat
Le coeur artificel Carmat
© Radio France

L'annonce de la première implantation du cœur artificiel Carmat réalisée par une équipe de l’Hôpital européen Georges Pompidou a eu l'effet d'une bombe médiatique. Annoncée officiellement vendredi dernier, le 18 décembre, la nouvelle était attendue depuis longtemps, notamment par la Fédération Française des Associations de Greffés du Cœur et des Poumons (FFAGCP). Pour Claire Macabiau, sa présidente, «C'est une excellente nouvelle, même si Carmat en a fait l'annonce trop tôt. Il aurait fallu attendre au moins un mois avant d'en informer le public ». En effet, l'entreprise a été contrainte de dévoiler prématurément cette première réalisation, visiblement en raison de fuites.

La prouesse technique récompense les travaux du professeur Carpentier qui avait déposé le premier brevet de cœur artificiel il y a 25 ans. De sa collaboration avec l'entreprise EADS, spécialisée dans les domaines de l'aéronautique et du spatial, est née cinq ans plus tôt Carmat, jeune entreprise qui regroupe aujourd’hui un peu moins de quarante employés.

Si la nouvelle de l'implantation a été largement rapportée , il n'en reste pas mois que la route sera longue avant de voir se développer un usage généralisé des cœurs artificiels. Le cœur de Carmat doit être implanté dans les prochaines semaines chez trois autres patients, et il faudra attendre plusieurs semaines avant d'évaluer les bénéfices médicaux et les limites du dispositif. Pour Jean-Noël Fabiani, chef du service de chirurgie cardiovasculaire à Georges-Pompidou, un an de recul sera même nécessaire.

Le cœur adapté pour 70% des hommes et 25% des femmes

Selon les articles parus cette semaine dans la presse , le cœur serait adapté au thorax de 70% des hommes et seulement 25% des femmes, en raison de sa taille relativement volumineuse. Selon Marcello Conviti, directeur général de Carmat, la compatibilité anatomique, évaluée grâce aux scanners de 115 patients par modélisation 3D, pourrait en fait atteindre 86% pour les hommes. Il précise que «Les patients de cette étude d’imagerie souffraient de pathologies diverses, cardio-thoraciques ou pulmonaires, qui nécessitaient un scanner, mais ils ou elles n’étaient pas nécessairement en insuffisance cardiaque. En phase avancée de cette pathologie, le cœur se dilate ainsi que toutes les structures anatomiques voisines ». La modélisation aurait ainsi tendance à sous estimer la compatibilité anatomique.

La maladie est encore essentiellement masculine. L’insuffisance cardiaque liée à l’âge débute beaucoup plus tard chez les femmes, au-delà de 70 ans.

Le développement de modèles de cœurs plus réduits n'a rien d'impossible, les technologies permettant d'utiliser des composants plus petits. Les concepteurs ont choisi de se concentrer sur ce premier prototype pour des raisons stratégiques. «La maladie est encore essentiellement masculine. L’insuffisance cardiaque liée à l’âge débute beaucoup plus tard chez les femmes, au-delà de 70 ans. Le rapport risque-bénéfice n’est pas toujours favorable si le stade avancé est atteint au-delà de 80 ans » précise Marcello Conviti

Concernant l'âge, Carmat évoque les moins de 70 ans comme patients éligibles à l'implantation d'un cœur artificiel. Mais la prothèse présente encore certaines contraintes, notamment l'alimentation énergétique, avec un système de batteries externes, qui ne permet pas une pleine mobilité du porteur. Claire Macabiau estime que «Pour le moment ce système est adapté aux personnes âgées, avec une faible mobilité et qui n'ont pas d'exigences professionnelles, donc potentiellement aux plus de 70 ans ». Carmat évoque que la première génération de batteries devrait être remplacée par un système avec piles à combustible qui permettra de disposer d’une autonomie supérieure à 12 heures pour un poids de moins de 3 kg.

Sur une grande échelle de patients il faut trouver les financements.

Sur le coût du produit, Marcello Conviti explique que le prix est pour l’instant établi entre 140.000 et 180.000 euros. Un montant décrit comme proche du coût des greffes de cœurs. Cependant, compte tenu de l'importante disponibilité des cœurs artificiels envisagée (estimée à 120.000 patients pour l'Europe et les Etats-Unis), rien n'indique qu'en France la sécurité sociale sera en mesure de prendre en charge les coûts. Claire Macabiau pense que «Dans le futur le cœur artificiel coûtera peut-être moins cher, mais sur une grande échelle de patients il faut trouver les financements ».

Les besoins en reins sont plus importants que pour le coeur

Le cœur n'est pas le seul organe recherché et concerné par les greffes. Marie-Claire Paulet, présidente nationale de la fédération des Associations pour le Don d'Organes et de Tissus humains (FRANCE ADOT), explique que le rein est incontestablement l'organe le plus demandé, et les besoins sont plus importants que pour le cœur.

Marie-Claire Paulet, présidente nationale de France ADOT :

Marie-Claire Paulet, présidente nationale de France ADOT

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Selon Marcello Conviti , il serait tout à fait possible de développer d'autres organes artificiels, des reins notamment. Si Carmat ne s'est pas encore penché sur la question, c'est «d’une part, parce que M. Carpentier, le père du cœur, est chirurgien cardiaque, et d’autre part parce que nous [Carmat, ndr]sommes encore jeunes, avec cinq ans d’existence et moins de quarante personnes. Nous ne pouvons pas nous disperser. Mais de nombreuses technologies sont transposables aux autres organes » explique le directeur général de Carmat.

Avant d'envisager toutes les questions futures auxquelles Carmat devra répondre, il faut souligner l'accueil très positif qu'a reçu le cœur artificiel auprès des associations FFAGCP et FRANCE ADOT. Le rêve de Marie-Claire Paulet serait «que FRANCE ADOT n'existe plus, et qu'on ait plus besoin d'organes. Cela qui signifierait que le cœur de Carmat fonctionne bien, ou qu'il y a assez de donneurs, mais on en est loin. La nouvelle est quand même quelque chose de fabuleux ».