Comme la crise de 1929 avec Herbert Hoover, la crise actuelle peut-elle avoir raison de Donald Trump ?

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Comme la crise de 1929 avec Herbert Hoover, la crise actuelle peut-elle avoir raison de Donald Trump ?

Comme la crise de 1929 avec Herbert Hoover, la crise actuelle peut-elle avoir raison de Donald Trump ?
Comme la crise de 1929 avec Herbert Hoover, la crise actuelle peut-elle avoir raison de Donald Trump ?
© Getty - The Washington Post / Contributeur

Herbert Hoover reste encore dans les mémoires comme l'un des présidents les plus détestés de l'histoire des Etats-Unis. Doté au départ d'une très forte popularité, le krach de 1929 aura finalement raison de lui. Comme son prédécesseur, Donald Trump survivra-t-il à la crise sociétale actuelle ?

Quand la crise de 1929 vient à bout de Herbert Hoover

À ses débuts, Hoover, incarne un vrai modèle de réussite américain au point qu'il était déjà très populaire avant son élection, héroïsé même pour avoir aidé à rapatrier des boys pendant la Première Guerre mondiale. Avant d'être président, la façon d'utiliser son pouvoir, ses marges de manœuvre et ses schémas d'action politiques faisaient l'objet d'une grande admiration de la part du peuple américain. Il succède alors à Calvin Coolidge en tant que candidat républicain en 1929 et ce, jusqu'en 1933. Il aura été jusque-là l'homme providentiel dont tous les Américains rêvent de par sa politique économique interventionniste. 

Seulement voilà, l'économie montre bientôt ses premiers signes de ralentissement et après le krach de 1929, la crise boursière de New York, l'homme change radicalement d'attitude politique. Il se voile la face et affiche une sérénité détachée qui le fait rompre avec ses premières conceptions politiques. Il ne comprendra plus jamais le peuple américain de la même manière qu'au tout début. Comme si l'homme devenait subitement étranger à lui-même et au destin de son pays. 

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De plus, à l'origine internationaliste, le président Hoover préconise un repli manifeste des Etats-Unis et des Américains sur eux-mêmes comme pour tenter de mieux juguler la crise. Si le protectionnisme part d'une bonne intention, celui-ci devient fatal et conduit à généraliser la crise à l'intérieur puis à l'échelle du monde entier. 

Avant la crise de 1929, le peuple américain comme la presse vantaient ses moyens de mieux organiser l'économie des Etats-Unis. Avec la crise, il semble totalement dépourvu et déconnecté de la réalité. Herbert Hoover est l'un des seuls présidents américains à avoir accumulé autant de paradoxes autour de sa personne et de son mandat présidentiel. D'ultralibéral, le 30e président des Etats-Unis devient un hyperconservateur qui ne pense que par la rigueur budgétaire et les restrictions des dépenses publiques, devenant au passage l'ennemi juré de la célèbre politique du New Deal préconisée par son successeur Franklin Delano Roosevelt. On constate alors une véritable aversion pour l'intervention de l'État dans l'économie qui n'était pas forcément la sienne dans les années 1920.

Herbert Hoover, secrétaire du commerce entre 1921 et 1928
Herbert Hoover, secrétaire du commerce entre 1921 et 1928
© Getty - Bettmann / Contributeur

La crise sanitaire et sociétale actuelle changera-t-elle Donald Trump comme celle de 1929 a changé Herbert Hoover ? 

Entretien avec Corentin Sellin

Une comparaison à dresser avec la crise du sanitaire actuelle du Covid-19 que traverse Donald Trump

"C'est effectivement lors de ces situations où un président se retrouve face à une crise totalement inattendue, et d'une ampleur gigantesque, qui réclame des solutions hors des sentiers battus, que le président américain a souvent recours à de vieux réflexes, comme aujourd'hui avec Donald Trump. Mais, comme avec Hoover, les vieux réflexes, ça ne marche pas forcément…"

Chef d'entreprise, millionnaire, homme d'affaires… Pourtant, Hoover ne sait pas décider

"Hoover, c'est une figure de technocrate qui est très fort pour organiser des mécanos administratifs et bureaucratiques, mais qui, justement, au moment où il aurait dû coopérer avec le Congrès et trouver des moyens de fonctionner en pleine harmonie avec le Congrès des Etats-Unis, il ne sait pas faire, et en particulier parce qu'il n'a jamais été élu. Il lui manque aussi sans doute de bien connaître les mécanismes de fonctionnement politique, mais aussi le pays qu'il ne connaît pas tant que ça, parce qu'il a été très souvent à l'étranger".

Quand la crise révèle la vraie nature d'un président américain  

"Même si c'est un cas assez rare dans l'histoire de la présidence des Etats-Unis, là, on a effectivement un homme qui arrive, paré d'une gloire très importante, car on a du mal à s'imaginer à quel point Hoover était populaire en 1928. Et voilà que la crise en fait un autre homme qui reste dans l'histoire comme un raté". 

Sur une échelle de 1 à 10, la ressemblance de Donald Trump avec Herbert Hoover ? 

"Je lui mettrais un 6/10, mais qui pourrait rapidement, à la fin de la présidence Trump, monter vers les sommets puisque la présidence de Hoover reste aujourd'hui l'une des plus ternies, l'une des plus ratées dans l'histoire des Etats-Unis, parce que Hoover a été confronté à une crise qu'il n'a pas su gérer. 

C'est une crise similaire à celle que Donald Trump vit aujourd'hui en 2020, avec la crise sanitaire du Covid-19.

Il y avait quand même aussi avant cela des ressemblances assez fortes. Évidemment, ce sont deux républicains. Mais au-delà de cela, Hoover était un millionnaire extrêmement riche qui, comme Donald Trump, a refusé d'être payé comme président, et qui vivait avec sa propre fortune. Hoover, c'est un homme qui n'avait jamais été élu. 

Mais Hoover était vraiment un self-made man, un homme qui s'est fait tout seul, tandis que Trump est un héritier".

Donald Trump craint-il d'être étiqueté comme le président qui a échoué ? 

"Oui et Hoover est là aussi un contre-modèle. Parce que il faut déjà rappeler que Hoover est, à l'époque, le président qui survit le plus longtemps à sa présidence (31 ans), ce qui est énorme. Et pendant ces trente et un ans, il doit se confronter en permanence à son échec politique de gestion de sortie de crise. C'est un premier point.

Deuxième point. Au lieu de reconnaître ses erreurs, ses fautes, au contraire, il se lance dans une véritable croisade contre son successeur, Roosevelt, et donc contre le New Deal qui l'accuse même d'être une forme de fachisme. 

On connaît cet entêtement aujourd'hui chez Donald Trump, lancé dans ses idées, dans ses dogmes. C'est cet entêtement qui aura fait de Hoover un après-président qui n'a pas bien réussi sa vie post-politique".

Hoover et Trump, deux présidents à la charnière d'un changement politique profond au sein de la société américaine ?

"On va dire que Hoover est décidément bien malheureux car, son destin dépendait de la conjecture politique américaine alors changeante. Avant sa présidence, c'était plutôt un républicain de gauche mais dans une société et dans une politique américaine qui était plutôt à droite où les gouvernements respectaient la liberté absolue des marchés, etc. Et il y a un véritable changement séculaire de la société politique avec le New Deal, où on a un basculement à gauche avec le passage à l'intervention de l'Etat, la régulation de l'économie par l'Etat. Et Hoover, après sa présidence, a totalement basculé vers la droite. 

Il soutiendra sans arrêt les candidats les plus conservateurs à l'intérieur du Parti républicain et il apparaît déconnecté avec l'évolution des Etats-Unis après sa présidence. 

On voit bien que c'est un danger qui peut guetter Donald Trump quand on voit, par exemple, sa difficulté à appréhender des mouvements sociaux et des changements sociétaux aussi importants que ceux à l'œuvre après la mort de George Floyd".

Pour Hoover, comme pour Trump, une idéologie pas très claire

"Finalement, à l'un comme à l'autre, on pourrait quand même dresser une différence parce que disons que, chez Hoover, c'est plutôt une maladie de l'inadaptation. Tout ce à quoi il croyait, tout ce à quoi il avait fondé sa vie, était inefficace par rapport à une nouvelle donne politique et sociale. 

Dans le cas de Donald Trump, c'est la volonté d'imposer, à toute force, une doctrine nationaliste qui est nativiste par rapport à une réalité qui ne correspond pas forcément à cet esprit-là. 

Alors entre les deux personnages, ce ne sont pas les mêmes idées, ce n'est peut-être pas exactement la même posture, mais en tout cas, ce qui est certain, c'est que, pour Donald Trump, qui est encore loin d'avoir perdu, le 30e président des Etats-Unis peut vite devenir un spectre à qui il va ressembler. Ce serait pour Trump un cauchemar".

Aller plus loin

🎧 RÉÉCOUTER - Présidents par Fabienne Sintes : Episode 5 : Herbert Hoover, de l'espoir à l'échec d'une présidence