Comment la dématérialisation augmente les discriminations dans l'accès aux droits
Par Adrien ToffoletLe Défenseur des droits, Jacques Toubon, vient de rendre public son rapport annuel d'activité pour l'année 2017. Un document qui pointe notamment une hausse des démarches en ligne au détriment de l'accueil physique dans les services publics et des conséquences néfastes pour les usagers.
"L’accès aux droits est conditionné par la connaissance qu’ont les usager·e·s de leurs droits et des dispositifs pour y accéder." Voila ce qui pose les bases de l'étude 2017 du Défenseur des droits sur les relations entre les usagers et les services publics.
La dématérialisation des procédures administratives avait pour objectif de réduire les coûts de fonctionnement des services publics tout en facilitant l’accès aux informations pour les citoyens. Mais dans les faits, elle est aussi un obstacle –parfois insurmontable, pour une partie d'entre eux.
Situations ubuesques
D'après l'étude du Défenseur des droits, 1 personne sur 5 aurait des difficultés à accomplir ses démarches administratives courantes. Face à des situations qualifiées de "parfois ubuesques", comme des "erreurs dans l’établissement des droits, éloignement des administrations, difficultés à constituer des dossiers, non compréhension des textes et courriers rédigés par l’administration", environ 1 sur 10 se découragerait et abandonnerait la procédure d'accès à leurs droits.
Par exemple, 13 % de la population – soit 7 millions de français, se sentirait en incapacité de déclarer ses revenus en ligne ou d’obtenir des informations sur Internet. Dans plus d'1/3 des cas, les usagers ont des difficultés à contacter quelqu'un, à la CAF, à la préfecture, à la caisse de retraite.
Conserver des lieux d'accueil physique
On entend souvent dire que les premières victimes de la dématérialisation sont les personnes les plus âgées, mais le Défenseur des droits pointe avant tout la situation de ceux qui en auraient le plus besoin : 25% des précaires seraient confrontés à ces difficultés. En particulier ceux qui ne bénéficient pas d'une connexion à Internet (27%) ou ceux qui ne maîtrisent pas ou peu les outils informatiques (33%).
Face à cela, pour le Défenseur des droits, il est donc nécessaire "de conserver des lieux d'accueil physique sur l'ensemble du territoire et de veiller, à chaque fois qu'une procédure est dématérialisée, à ce qu'une voie alternative -papier, téléphonique ou humaine- soit toujours proposée en parallèle". Et de proposer que ce maintien soit financé, justement, par les économies générées par la dématérialisation.
Reportage dans le quartier de la Goutte d'Or dans le XVIIIe arrondissement de Paris. L'espace "Goutte d'ordinateur" accueille et accompagne ces personnes déconnectées, précaires, personnes âgées ou nouveaux arrivants sur le territoire, et qui ne maîtrisent ni l'informatique ni tout à fait le français.
Reportage : l'aide aux démarches à l'espace "Goutte d'ordinateur" à Paris.
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