Comment Stéphane Courbit est passé de stagiaire chez Christophe Dechavanne à premier producteur télé au monde

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Comment Stéphane Courbit est passé de stagiaire chez Christophe Dechavanne à premier producteur télé au monde

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Stéphane Courbit, ici en 2015 à Bordeaux pendant le procès Bettencourt
Stéphane Courbit, ici en 2015 à Bordeaux pendant le procès Bettencourt
© AFP - MEHDI FEDOUACH

La société française Banijay a annoncé samedi qu'elle rachetait le géant mondial de la production télévisuelle Endemol Shine. À la tête de ce nouveau groupe mondial, l'homme d'affaires Stéphane Courbit, qui en trente ans a bâti un empire audiovisuel tout en restant discret.

Notez bien tous ces noms d'émissions : "Koh Lanta", "Fort Boyard", "The Voice", "Miss France", "N'oubliez pas les paroles", "Super Nanny", "Touche pas à mon poste" ou encore "28 minutes" et même "Black Mirror". Tous ces programmes appartiennent désormais au même groupe, dirigé par celui qui devient le plus grand producteur télé au monde : le Français Stéphane Courbit. 

Son entreprise, Banijay Group, a annoncé samedi le rachat de l'un de ses plus gros concurrents : la société néerlandaise Endemol Shine, connue pour avoir initié la télé-réalité avec "Big Brother" (arrivée en France sous le nom de "Loft Story"). Prix de l'acquisition : autour de deux milliards d'euros selon des sources proches du dossier. Un exploit pour Banijay, car Endemol Shine représente un chiffre d'affaires presque deux fois supérieur au sien

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Le mastodonte créé par cette fusion devrait générer un chiffre d'affaires annuel d'environ trois milliards d'euros, faisant de Banijay le premier producteur mondial, devant le Britannique itv, qui avait tenté de racheter Endemol l'an dernier, avant de renoncer. 

Celui qui a essayé de doubler Dechavanne

Avec cette nouvelle acquisition, Stéphane Courbit, 54 ans, confirme sa place de leader incontesté. Ce Drômois, dîplomé d'une école de commerce, a commencé sa carrière dans les médias en 1990 comme simple stagiaire. À l'époque, l'animateur vedette de la télévision française est Christophe Dechavanne, qui cartonne avec son talk-show "Ciel mon mardi". Stéphane Courbit décroche un stage dans sa société de production Coyote, avec pour mission de développer les services minitel liés aux émissions. Il propose à son mentor une idée d'émission consacrée à l'argent dans la vie quotidienne : ce projet deviendra Combien ça coûte, émission à succès des années 90 sur TF1 et première production de Stéphane Courbit chez Coyote. 

Il propose à Christophe Dechavanne de devenir son associé... mais de diriger lui-même la société qui en résulterait : celui-ci refuse, et les deux hommes se disputent. Ils ne travailleront plus jamais ensemble, et Courbit va trouver un autre animateur en vogue de l'époque : Arthur. Ensemble, ils fondent CASE Productions, qui produit "Les Enfants de la Télé" notamment. 

La porte d'entrée d'Endemol en France

L'une des meilleures opérations réalisées par Stéphane Courbit, c'est certainement la cession de 50% de CASE (devenu ASP) à un jeune groupe néerlandais désireux de se développer en France. Son nom : Endemol. Courbit et Arthur deviennent donc respectivement président et vice-président de la filiale française de cette entreprise qui se développe à vitesse exponentielle après avoir lancé successivement "Loft Story" sur M6 et "Star Academy" sur TF1. 

Fait étonnant : en parallèle, ils mènent une bataille juridique contre Endemol, pour obtenir une revalorisation du prix de vente de ASP à Endemol - selon les clauses du contrat de cession, plus Endemol France aurait de succès, plus le prix de vente final de ASP serait élevé. 

Ennuis financiers et judiciaires

Et en 2007, Stéphane Courbit repart à zéro : il quitte Endemol et fonde sa propre holding, LOV Group, qui va notamment se développer dans l'hôtellerie de luxe et dans les jeux d'argent en ligne - il rachète le site BetClic en 2007... trois ans avant la légalisation des paris en ligne, ce qui lui vaut quelques ennuis financiers au début des années 2010. 

Pour obtenir de nouveaux fonds, il se rapproche d'une investisseuse nommée... Liliane Bettencourt. Celle-ci injecte près de 150 millions d'euros dans la holding LOV. Impliqué dans l'affaire Bettencourt, il s'engage à restituer le montant de cet investissement, mais est tout de même condamné à une amende de 250 000 euros. 

La télé, sa poule aux oeufs d'or

Son salut vient encore de la télévision : il ne lâche pas la production télé, grâce à Banijay, qu'il a fondé en 2007. Cette holding s'est développée en rachetant rapidement d'autres maisons de production : entre autres, Air Productions, créée par Nagui ; ALJ fondée par Alexia Laroche Joubert, KM Production productrice du programme phrase de l'époque, "Le Grand Journal", et H2O Productions, la société de production de Cyril Hanouna. 

En 2016, Vivendi entre au capital de Banijay - et Canal Plus devient le premier client de l'entreprise, avec un contrat de programmes mirobolant, à hauteur de 70 millions d'euros. La même année, l'entreprise réussit un gros coup en rachetant un autre grand groupe, Zodiak Media, qui produit entre autres "Fort Boyard" et "Koh Lanta", mais aussi des séries comme "Sous le Soleil" ou "Versailles". Courbit est à nouveau dans la cour des grands. 

Discrétion de mise

Par ce jeu d'acquisitions successives, le groupe est devenu le premier producteur français, et le quatrième mondial. Mais malgré son succès entrepreneurial, ce touche-à-tout, qui est aussi actionnaire d'une chaîne de restaurants italiens, Big Mamma, reste extrêmement discret - ses prises de paroles sont rarissimes, et il existe très peu de photos de lui. Ami de longue date de Nicolas Sarkozy et d'Alain Minc, il assure ne jamais s'être intéressé à la politique.

Une discrétion poussée au point de friser avec l'illégalité : en 2017, BFM Business rapportait une enquête du média spécialisé Satellifax selon laquelle pendant des années il n'avait pas déposé les comptes de ses entreprises au tribunal de commerce, comme cela est pourtant obligatoire, pour garder le secret sur les chiffres de ses sociétés - qu'il a fini par révéler, dévoilant un salaire annuel de 4,5 millions d'euros. 

Avec le rachat d'Endemol Shine, Stéphane Courbit s'assure donc la place de leader... et, ironie du sort, il aspire l'entreprise qui l'avait racheté il y a 20 ans