Commission sur les abus sexuels dans l'Église : "C'est une démarche absolument sans précédent"
Par Olivier Bénis, Julie PietriDemandée et financée par l'Église catholique, la commission débute son travail aujourd'hui, avec une première réunion à Paris. Elle doit dresser une liste chiffrée des abus depuis 70 ans : du jamais vu. Indépendance, objectifs, critiques... Son président, le haut-fonctionnaire Jean-Marc Sauvé répond à nos questions.
FRANCE INTER : Quelles sont les garanties que vous a données l'Église catholique en termes d'indépendance ?
JEAN-MARC SAUVÉ : "La première, c'est que la Conférence des Évêques et la Conférence des Religieuses et Religieux de France m'a demandé de nommer une commission sans aucune interférence extérieure, sans aucune directive, et sans aucun conseil. C'est moi et moi seul qui ai défini les profils pertinents pour siéger dans la commission, et qui ai choisi individuellement chacune des personnes.
Cette commission est extrêmement pluraliste, notamment par les opinions religieuses de ses membres : il y a des croyants de toutes les confessions, des incroyants, des agnostiques, des athées. Elle ne peut en aucun cas être regardée comme une projection de l'Église catholique pour couvrir des abus, c'est tout le contraire. Beaucoup de membres n'auraient pas accepté d'y siéger s'ils n'avaient pas eu l'assurance qu'il s'agit d'une œuvre d'intérêt général."
La commission a deux ans pour travailler : pour vous, que faudra-t-il accomplir pour considérer que c'est un succès ?
"Il faut qu'on fasse un état des lieux aussi exhaustif et complet que possible. Ensuite, il faudra que la commission porte une appréciation sur la manière dont ces abus ont été traités ou n'ont pas été traités par l'Église catholique, dans le contexte de la société française des années 50, 60, 70... En dernier lieu, et c'est un point très important, il est demandé à la commission de faire toute recommandation utile pour éviter la reproduction de ce qui s'est passé, pour faire vraiment de la prévention.
L'objectif, c'est de faire la lumière sur des abus, ça n'est pas d'établir des responsabilités personnelles. En ce qui concerne les responsabilités personnelles, c'est à la justice civile de faire son travail. Et elle le fait."
Que répondez-vous à l'idée que ce serait une instance de plus, une commission de plus ?
"Au sein de l'Église, beaucoup d'initiatives ont été prises depuis le début des années 2000, en particulier depuis 2016, mais il n'y a eu à ce jour rien d'équivalent à la commission qui vient d'être instituée. Elle doit faire la lumière sur ce qui s'est passé en matière d'abus sexuel sur les mineurs et sur les personnes vulnérables depuis plus de 70 ans. C'est une démarche absolument sans précédent.
Je pense que seul un travail de mémoire, de transparence, de recherche de la vérité peut à la fois permettre de sortir par le haut de l'ère du soupçon et d'apporter une réponse adéquate aux victimes et à la souffrance qu'elles portent."