"Confident royal" : le film de Stephen Frears est-il trop politiquement correct ?
Stephen Frears, le cinéaste de "The Queen" est décidément très attiré par la couronne : il revient avec "Confident royal". Qu'en ont pensé les critiques du Masque et la Plume ?
Dans Confident royal, Stephen Frears fait le récit de l'amitié dite scandaleuse entre la reine Victoria (Judi Dench), veuve depuis un quart de siècle et son serviteur indien musulman, Mohammed Abdul Karim, alias Munshi (Ali Fazal). Il était arrivé d'Inde pour participer en 1887 au jubilé d'or de la reine et évidemment c'est au grand dam de la cour qui était forcément jalouse et raciste. Il est resté à son service jusqu'à la mort de la reine ; son successeur l'a renvoyé en Inde et a ordonné la destruction de sa correspondance avec Victoria.
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Nicolas Schaller : "très gênant"
Ça fait quelques films où Stephen Frears n'est pas très en forme. Philomena a été un film regrettable et là, on n'est malheureusement pas dans The Queen où il y avait derrière, je pense, surtout un scénariste : Peter Morgan.
Il y a quelque chose de très politiquement correct, très gênant dans le film. L'histoire est vraie, elle est sûrement passionnante, mais pas sous cette forme là. Je pensais venir à l'heure du thé et on m'a servi une tisane…
Pierre Murat : "assez insolent"
Ce n'est pas le meilleur Frears, c'est moins insolent que The Queen, mais il y a quand même de sa part un plaisir évident à filmer par exemple dans la première heure, la reine qui baffre et puis tout cette cour qui s’agite autours d'elle et qui est complètement traumatisée par l'arrivée d'un ambitieux.
Sophie Avon : "un film réjouissant"
C'est un film réjouissant, rigolo. C'est une comédie qui mute en fable politique en passant, mais ce n'est pas bien pensant !
J'ai l'impression que le personnage d'Abdul débarque des Lettres persanes c'est vraiment ça, il a une espèce de candeur, il y a une fraîcheur chez cet acteur. Il est réjoui de ce qu'il découvre - et à côté de lui, il y a évidemment Mohamed qui est l'inverse de lui. C'est du plaisir ça !
La façon dont Stephen Frears se moque de la Couronne britannique, se moque du protocole, se moque des préjugés et qui passe par les détails : par exemple, quand ils arrivent, ils sont déguisés, c'est dingue ! Ils arrivent d'Inde, ils ont fait 8000 kilomètres, ils sont Indiens et on les déguise en Indiens : c'est-à-dire qu'on ne leur dit pas "mettez-vous comme on est habillé en Inde", on les habille comme les Anglais voudraient que des Indiens soient habillés. Il y a des détails, sans arrêt comme ça. La reine qui roule dans son lit, qu'on essaie de réveiller parce qu'elle baffre tellement qu'elle dort, la gélatine qui vacille…
Le film baigne dans une espèce de candeur dès le départ qui est évidemment amusée, avec un œil un peu caustique mais tendre à la fois, et encore une fois se termine en une fable politique qui est vraiment réjouissante.
Xavier Leherpeur : "Il n'a pas fait le taf !"
Le problème du film, c'est le choix du genre qui fonctionne très bien pendant la première partie, on va beaucoup rire de ces couloirs qu'il faut traverser avec effectivement ces plats et des gelées qui vacillent, avec un petit gamin qui hurle dans les couloirs des cuisines… Mais quand il faut traiter le sujet politique, la dimension tragique (il y en a quand même un qui ne reverra jamais son pays, qu'on va laisser mourir au dernier étage), il y a quand même tout un jeu géopolitique qui se trame à travers ça, ça ne marche plus l'opérette. Il le montre parce que c'est dans l'histoire vraie, mais il ne le filme pas, la noirceur n'y est pas, la tragédie n'y est pas.
La deuxième partie, ça devient gênant que tout soit effectivement sous forme de feel-good movie rigolo, alors qu'il y a des sujets qui sont là, qui sont vraiment extrêmement forts sur la colonisation, sur la place de l'empire britannique à l'époque, il y a des choses déterminantes et on a l'impression que tout ça, c'est toujours anecdotique, c'est toujours décorum, c'est toujours une jolie petite histoire… Il n'a pas fait le taf !
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"Confident royal" de Stephen Frears : les critiques du Masque & la Plume
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