
Il est possible de déguster plus de 1000 fromages en France, et environ 10 000 dans le monde. Mais à quoi pouvait bien ressembler l'odeur des premiers fromages ?
D'après les propos de François Robin, un des meilleurs ouvriers de France en classe fromagerie et Éric Birlouez, ingénieur agronome et sociologue, invités de l'émission Le Temps d'un bivouac.
François Robin explique que,"en France, il existe une vraie tradition en matière de fromages, une variété assez extraordinaire du point de vue des terroirs et des pratiques agricoles qui y sont liées".
On estime qu'il y en a un peu près 10 000 dans le monde.
Mais quelles peuvent bien être ses origines, notamment du point de vue de sa production ? Alors, y a-t-il de quoi en faire tout un fromage ?
Une archéologie du fromage !
Éric Birlouez précise que"le fromage est très récent dans l'histoire de l'humanité, car pour faire du lait, il fallait d'abord savoir domestiquer des espèces de mammifères. Cette histoire commence à l'époque du Néolithique précisément, il y a 10 000 ans, avec la domestication des chèvres et des brebis au Proche-Orient, puis grâce aux bovins, plus tard".
Les premières traces de fromage sont retrouvées en Pologne il y a environ 7000 ans : l'archéologie avait permis de trouver des petits morceaux de poteries cassés avec des petits trous formés qui dataient très vraisemblablement de cette époque : ils contenaient du fromage et les petits trous laissaient alors penser à une sorte de faisselle, de moule ! Des analyses chimiques ont permis de constater qu'il y avait des matières grasses que l'on pouvait attribuer au fromage.
"En France, tout se passe à la même époque : quelques migrants, arrivés sur la plage de Roquebrune près de Menton, transportent avec eux, dans leur pirogue, les produits qu'ils ramenaient de chez eux. Tout porte à croire qu'ils avaient, eux aussi, domestiqué des brebis et des chèvres".
Quand le fromage n'était qu'une méthode de conservation…
Eh oui, le lait trait de ces animaux domestiqués ne pouvait alors être transformé qu'en fromage car pour être naturellement conservé, le lait ne peut qu'être transformé sous forme de fromage ! Une autre explication : les premiers éleveurs ne digéraient pas aussi bien qu’aujourd’hui le lait liquide et la transformation en fromage était le seul moyen de digérer le lactose du lait.
François Robin explique que cette floraison gustative et fromagère n'était qu'une simple conserve à l'époque ! Un moyen très concret de conserver le lait plusieurs jours.
Le fromage n'est rien d'autre qu'un moyen de survie nutritionnel d'une époque.
Le plus vieux fromage au monde a 3000 ans et... il sentait déjà fort
François Robin nous apprend que "l'homme produisait déjà une forme primitive du fromage il y a des milliers d'années ! Il aurait récemment été retrouvé en Egypte".
C'est un fromage qui date de plus de 3000 ans mais que personne n'a pris le risque de goûter !
Les deux spécialistes citent aussi un exemple de fromage qui est resté stable et n'a sans doute pas évolué jusqu'à aujourd'hui : c'est un fromage sarde, le "callu de cabrettu". Un fromage très particulier car sa production nécessite de sacrifier un chevreau pour y extraire la caillette (cette quatrième poche de l'estomac de l'animal), de sorte à la nouer par les deux bouts avec le lait à l'intérieur) puis à laisser la fermentation se faire. À l'intérieur de la présure animale, le lait se transforme et devient fromage. Au bout de deux à quatre mois, on ouvre cette poche pour enfin déguster un fromage au goût particulièrement prononcé et dont le goût n'a pas sans doute pas changé depuis la Préhistoire - un goût très prononcé !
C'est plus un fromage témoignage qu'un fromage plaisir !
François Robin explique que "c'est une variété qui permet de retracer la création du fromage des peuples nomades qui avaient découvert ce système de caillette. C'est celui-ci qui témoigne des origines du fromage".
La production et le goût, hier comme aujourd'hui ?
À l'époque, ils utilisaient à peu de choses près, les mêmes recettes que les nôtres aujourd'hui :
- Une matière première (le lait qui prend naturellement le goût de la flore du pâturage)...
- ... que l'on solidifie en "se caillant"...
- ... qu'on égoutte (pour en retirer l'eau) pour une meilleure préservation...
- ... avant de rajouter le sel pour favoriser la fermentation...
- ... et d'affiner, une méthode certes plus récente.
Les moyens de solidifier et fermenter ce produit alimentaire résident la plupart du temps dans "la caillette" d'un animal ruminant non sevré (veau, chevreau, agneau) ou bien éventuellement des végétaux (sève de figuier, d’artichaut) qui permettent de cailler et créer un fromage. Tous les fromages d'hier et aujourd'hui ont pour point commun l'idée de faire cailler le lait, autrement dit d'égoutter le fromage et de le rendre plus "transportable".
L'évolution et la transformation du fromage ressemble à une comparaison qui va du yaourt au produit "fini" tel que nous le connaissons aujourd'hui.
Mais beaucoup de choses changent : hier, le roquefort aurait été moins persillé et très peu bleu ; le comté ressemblait fortement à un emmental et était un fromage très gonflé. En réalité, les fromages évoluent en même temps que nous, avec des moyens qui permettent de mieux les produire et de mieux les transporter".
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