"L'affaire" de la mosquée de Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, est symptomatique des difficultés et des lenteurs liées à la construction de ces édifices religieux.
Construire une mosquée en France, est un processus lent et qui peut s'avérer périlleux. On l'a constaté une fois encore à Montfermeil, comme l'explique Mathilde Dehimi dans son reportage à Montfermeil :
Le reportage à Montfermeil de Mathilde Dehimi
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Dans leur grande majorité, les maires ne dénient plus aux musulmans le droit de posséder des lieux de cultes. Le constat est assez unanimement partagé, en dehors du Front national, que le nombre de mosquées en France est insuffisant.
En 2012, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, il y avait sur le territoire français 2 449 lieux de cultes musulmans. En moyenne, chaque année 150 mosquées ou lieux de cultes musulmans sont construits, rénovés ou agrandis.
On arrive par conséquent à environ 2 700 lieux de cultes musulmans pour environ 3,5 millions de pratiquants, soit 1 lieu pour 1 300 fidèles. A titre de comparaison, on compte 40 000 églises pour 11 millions de pratiquants chez les catholiques, soit 1 pour 275 fidèles.
Les salles de prières "sauvages" (dans les sous-sols ou garages à vélo) ont quasiment disparu. Il n’en resterait qu’une centaine et ainsi qu’environ 300 salles de prières en foyers (ce dernier chiffre n’a quasiment pas évolué ces vingt dernières années).
Ce que dit la loi
Selon la loi de 1905, l’État ne subventionne plus les cultes. Mais les municipalités peuvent…
- se porter garantes d’emprunts bancaires contractés par les associations religieuses,
- accorder des subventions pour financer la partie culturelles des édifices cultuels,
- mettre à disposition des terrains constructibles.
Et les municipalités ne s'en privent pas, explique Bernard Godard, ex-monsieur culte du ministère de l’Intérieur :
Ces trente dernières années, il y a eu des aides de nombreux maires par le biais de subventions culturelles ou de baux emphytéotiques (de longue durée) aux associations musulmanes pour favoriser la construction de lieux de cultes
Certains ont vu dans ces procédés un moyen de contourner la loi de 1905 et qualifié ces aides de "détournements". Pour Bernard Godard, il s’agissait avant tout pour ces élus, de reconnaître ces populations musulmanes au sein de leurs villes, "de les inclure à la vie de la cité", poursuit-il.
Les financements directs sont en revanche tout à fait légaux en Alsace-Moselle où, à titre d’exemple, pour la mosquée de Strasbourg, l’État a contribué à hauteur de 20% à la construction de l'édifice.
Dans un rapport du Sénat publié en juillet, la sénatrice Nathalie Goulet estime pour sa part que la question du financement des lieux de cultes est accessoire.
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En revanche, à la tête de la Fondation pour l’Islam de France, Jean-Pierre Chevènement, nommé par l’ancien ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, a lancé une nouvelle réflexion au sujet notamment du financement des mosquées.
L'origine des fonds
Le point d'achoppement porte sur la provenance des fonds qui permettent de construire ces lieux de cultes. Le gouvernement s’oppose au financement de ces salles de prière par des pays étrangers, tout en insistant sur la nécessité de conserver intact le principe de non subvention de cultes.
D’après les derniers chiffres donnés par les Renseignements généraux, 1 projet de grand lieu de culte musulman sur 5 est, en France, financé par un pays étranger. Par ailleurs, dans chaque lieu de culte, les fidèles sont invités à faire des dons pour participer à son financement.
Les pistes évoquées par Jean-Pierre Chevènement conduiraient à la création dans les prochaines semaines de deux instances :
- une fondation du patrimoine, sur le modèle de la fondation du patrimoine juif de France crééE par le Consistoire,
- une fondation à vocation cultuelle.
► REVOIR | le 29 août, Jean-Pierre Chevènement était l'invité de Patrick Cohen
Pour Bernard Godard, la question principale dans cette affaire est celle de la rationalisation
Certains régions sont extrêmement mal dotées, principalement la région parisienne, alors que dans certaines villes, les mosquées sont moitiés vides.
Par ailleurs, il note une politisation croissante de cette question : "C’est devenu prégnant à partir de 2005, 2006", observe-t-il. A droite comme à gauche, les partis se sont emparés de cette question des mosquées quand, dans le même temps, les maires acceptaient finalement leurs constructions. "La plupart des erreurs faites, relèvent plus de la méconnaissance de l’Islam et de ses acteurs que d’autre chose, note Godard. "On a parfois laissé des lieux de culte à des associations qui n’avaient pas les compétences pour gérer le suivi de la construction et de son fonctionnement une fois sortie de terre", regrette-t-il.