Contraception masculine : où en sommes-nous ?

Quel(s) moyen(s) de contraception utiliser quand on est un homme ? Qu’en pensent les femmes ? Et les hommes ? Où en est-on de la pilule pour homme ? Pourquoi est-il gênant d'en parler ? Statistiques, moyens existants, gênes des partenaires… Retour sur un sujet pas vraiment neuf mais qui tarde à s'installer.
Dans l’émission Pas son genre, Giulia Foïs a fait le tour des enjeux de la contraception masculine avec Guillame Levil, auteur d’un documentaire sur le sujet et Lydie Porée, membre du bureau national du planning familial.
Giulia Foïs a planté le décor
"Sa mère lui dit 'Tiens, prend ça, ma belle. Tu verras, cela a le goût de la liberté, celui d'un corps maîtrisé, celui d'une sexualité où tu n'as plus à t'inquiéter d'une grossesse non désirée, ni d'une aiguille à tricoter. Ne t'en fais pas, je te jure, tu t'y habitueras.
Tant pis pour les problèmes de peau. Tant pis pour les kilos en trop. On se fout d'une libido qui vrille. C'est toujours mieux que d'être fille-mère, comme le disait ta grand-mère. […]'.
Mais je me pose la question. Ça peut te paraître un peu con, mais ce gamin que je n’aurais pas voulu, ce gosse qui ne serait pas le bienvenu. On est sûr qu'il n'aurait pas de père ? Sûr et certain que je suis la seule à le faire. C'est drôle. J'ai cru qu'il y avait quelqu'un dans mon lit contre mes reins. Je me suis retournée, j'ai regardé : étrange, il n'y avait plus personne. J'ai dû encore halluciner. Maman, file-moi ma dose d'hormones en comprimé : la liberté".
Contraception masculine : on en est où ?
Giulia Foïs : "On part de loin !"
Les chiffres du planning familial sont éloquents : sur les 21 000 consultations autour de la contraception, 200 environ concerne la contraception masculine. C'est très peu : on est sur un rapport de 2 à 1000. Mais c'est trois fois plus qu'en 2018.
Guillame Levil : "Ça avance un peu. S’il y a beaucoup de reportages sur ce sujet, c’est parce que les esprits s’éveillent. Les jeunes gens se posent des questions".
Contraception masculine, les femmes aussi résistent
On pourrait croire qu’avec la contraception masculine, les femmes débarrassées de ce problème se réjouissent. Or ce n’est pas si simple :
Lydie Porée : "Sur la contraception masculine, il peut y avoir des résistances, autant de la part de femmes que d'hommes. Les femmes se disent que le risque d’avoir un enfant ou pas, est plus important pour elles. Donc, qu’elles sont les mieux placées pour éviter les grossesses.
Puis, les femmes d’aujourd’hui sont les héritières des luttes féministes passées, de ce que leur mère leur ont dit. Et souvent le discours était : 'La contraception, c'est à nous les femmes de nous en occuper, c'est notre responsabilité, et notre charge'."
Guillaume Levil : "Si les hommes se sentent dépossédés de leur virilité en se protégeant, les femmes aussi ont du mal. La contraception masculine, ce n’est pas encore normal pour tout le monde. C'est contre-nature. Il y a une méfiance au point qu’une fille dans le documentaire à qui on demande si elle rencontre un garçon en boîte qui prend un moyen de contraception : 'Est-ce que je vais accepter qu’il jouisse en moi ? Surtout pas !!' De l’autre côté, toujours dans le film, il y a ce garçon qui se protège parce qu’il ne veut pas avoir d'enfant dans le dos".
La contraception masculine suscite de la gêne
Pour Guillaume Levil, autant la plaquette de pilules est admise autant les moyens contraceptifs masculins sont difficile à assumer : "Je ne voulais pas apparaître dans le film, mais j'y ai été obligé parce que par deux fois, les hommes que j'ai suivis pendant quatre mois, m'ont abandonné sous la pression de leur entourage. Une fois la famille a dit : 'on ne parle pas de ces choses-là'. Et la deuxième fois, la copine a dit : 'Je te quitte si tu continues ce tournage sur la contraception masculine parce que je vais avoir honte, vu que c'est moi qui suis censée m'occuper de la contraception' !
Moi-même, utilisateur du slip chauffant, j'ai découvert que j'étais gêné : j'avais honte de le mettre dans la corbeille à linge quand j'étais invité chez des amis".
Or il n’y a pas si longtemps, c’était l’homme qui assumait la contraception. Et ce n’était pas très efficace…
Lydie Porée : "Historiquement pourtant, la charge de la contraception n'a pas toujours été portée par les femmes. C'était même plutôt le rôle des hommes par la méthode du retrait de maîtriser leur fécondité. Une méthode pas vraiment efficace. À la fin des années 1960 et au début des années 70, la contraception est devenue un instrument important de la libération des femmes. Et c'est aussi devenu leurs prérogatives et leurs charges".
Contraception masculine : ceux qui passent à l’acte
David (qui témoigne dans le film de Guillaume Levil) : "Prendre la contraception est à la fois un mélange d'égoïsme et d'altruisme. Pour avoir eu à accompagner des filles à l'avortement, je sais que c’est compliqué et surtout très douloureux de voir l'autre souffrir ou être stressé par rapport à cette opération. Les deux premières fois, on était jeune et bêtes et on n’avait pas fait très attention. Les deux fois suivantes, c’est un préservatif qui a craqué. On sait que cela peut arriver. La dernière fois : c'était le petit pourcentage quasi improbable que la pilule ne fonctionne pas. C'était de véritables épreuves à vivre. Je me suis dit que je voulais plus subir à nouveau. Je vais tenter les piqûres".
Le "slip chauffant"
Les injections hormonales contraceptives ne sont pas toujours efficaces et pas remboursées. Parmi les possibilités offertes aux hommes, cet objet contraceptif qu’on peut faire soi-même.
Guillaume Levil : "J'ai découvert qu'il fallait le concevoir soi-même ! Cela fait rire les gens, mais j’ai pensé que je pouvais détourner cet amusement pour, d'une part, me valoriser et d'autre part, leur expliquer, et donner des informations. Et je vous rassure, mon slip chauffant que j'ai cousu est très beau.
On dit 'slip chauffant', on devrait dire 'slip contraceptif'. Ce 'sous-vêtement' ne chauffe pas. Il remonte simplement les testicules à l'intérieur du corps. Le vrai mot, c'est 'remonte-couilles toulousain' parce qu’il a été inventé au CHU toulousain.
L’anneau contraceptif masculin, c'est exactement la même chose : un slip avec un trou dans lequel on insère son pénis alors il n'y a pas le tissu autour. Donc c'est plutôt le 'modèle été' du slip chauffant. Il a été inventé par Maxime Labrit récemment, et est déjà employé par plein de garçons.
Pour qu’il soit efficace, on le porte 15 heures par jour pendant trois mois. Ensuite il faut attendre le temps du cycle du spermatozoïde : 74 jours environ pour être certain d'être 'contraceptés'. Je suis en train de faire des tests pour connaître les conséquences si on arrête 3 jours.
Vasectomie, une méthode radicale
1% seulement des hommes optent pour la vasectomie en France. Comment se fait-il que cela soit 20% aux États-Unis et en Grande-Bretagne ? Guillame Levil explique : "Nous en France, nous sommes des latins. Et ce n’est pas compatible avec notre conception de la virilité. L’irréversibilité peut faire peur. Or c'est une opération sans risque qui dure dix minutes, contrairement à la ligature des trompes chez les femmes qui est plus compliquée. On fait d’ailleurs plus de difficultés quand les volontaires féminines n’ont pas encore eu d’enfants. Tandis qu’on demande seulement aux hommes de congeler leur sperme".
Problème : la pilule masculine n’existe pas
À la décharge de la gent masculine, la contraception, faite pour elle, est, pour l’instant, moins développée. Guillaume Levil : "La pilule masculine, ça n'existe pas, c'est tout. On voit de temps en temps passer des informations sur le sujet. Il y a plein d'essais, mais ça n'existe pas en France. Mais si on décide un jour de mettre de l'argent dans la recherche sur ce sujet parce que cela en vaut la peine si on fait le travail en amont de pédagogie pour que tout le monde y croie. Ce sera sans problème, j'en suis persuadé".
ECOUTER | Pas son genre sur le sujet
Avec : Guillame Levil, réalisateur du documentaire Le problème du pantalon, diffusé sur France 3 Centre-Val de Loire, disponible en replay pendant un mois ici, mais aussi de Lydie Porée, militante bénévole, membre du bureau national du planning familial.
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