Coronavirus : le blues des restaurateurs asiatiques à Paris

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Coronavirus : le blues des restaurateurs asiatiques à Paris

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Entre midi et 14 heures, ce restaurant dans le 3e arrondissement de Paris est habituellement très fréquenté.
Entre midi et 14 heures, ce restaurant dans le 3e arrondissement de Paris est habituellement très fréquenté.
- Léa Guedj

Dans la capitale, les restaurants spécialisés dans la cuisine asiatique sont plutôt vides depuis quelques jours. Une désaffection de la clientèle sur fond de paranoïa autour du virus venu de Chine.

Des lanternes accrochées aux façades, quelques drapeaux rouges... Ce sont les rares signes des festivités du Nouvel An chinois dans le XIIIe arrondissement de Paris, d'ordinaire très animé à l'occasion de cette célébration. Le défilé a été reporté au printemps, car "la communauté chinoise n'a pas le cœur à la fête", justifie le maire de l'arrondissement.

Une baisse de fréquentation d'environ 30%

Dans les rues, l'ambiance est plutôt morose depuis les premiers cas de coronavirus détectés en France, comme le font remarquer des habitants sur les réseaux sociaux. 

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"On a constaté une baisse de fréquentation d'au moins 30%. C'est étonnant, surtout en période de fête. Le restaurant est vide alors qu'on imaginait qu'il serait rempli à cette période", déplore Isabelle, qui travaille dans le restaurant familial de cuisine chinoise traditionnelle. Comme elle, ils sont nombreux à accuser le coup.

"Après les grèves, les manifestations, voilà le virus", soupire Lucile, entourée de chaises vides dans son établissement. Après 16 ans dans le quartier, elle peut tout de même compter sur les habitués "qui savent qu'on habite ici et qu'on ne va pas en Chine", dit-elle. Arrivée du Cambodge il y a trente ans, Lucile s'agace : "C'est pas parce qu'on a une tête d'asiatique qu'on est chinois, et même les Chinois n'ont pas à payer pour ça !".

Le virus contamine les esprits

Certains restaurateurs sont fatigués d'en entendre parler. Mais impossible d'éviter le sujet du virus, tant il est sur toutes les lèvres, en particulier dans les quartiers où se concentrent le plus de commerces asiatiques. Dans le IIIe arrondissement de Paris, Tu, originaire du Laos, sert ses clients du midi dans une atmosphère feutrée. Entre les articles de presse et les témoignages de son entourage, il a le sentiment que le virus "sert de prétexte au racisme. C'est les Arabes, les Noirs, et maintenant c'est les Asiatiques...", fulmine ce personnage bien connu du quartier.

Éric* considère aussi que "le fait que les journaux en parlent énormément, contribue à la psychose" qu'il ressent dans son établissement ouvert il y a un an. "En tant que restaurant asiatique, on est stigmatisé. Les gens ont peur de venir par crainte qu'un membre de notre famille soit revenu de Chine récemment et qu'on soit contaminé", suppose-t-il. Il faut dire que les rumeurs sur le lien entre le coronavirus et les habitudes alimentaires dans la région de Wuhan où le premier cas a été confirmé en Chine, vont bon train.... Parfois jusqu'à pointer du doigt indistinctement toute la nourriture asiatique.

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À table, le virus et la méfiance qui en découle sont souvent au cœur des discussions. Au détour d'une commande, on voit défiler sur la télévision les images de personnes masquées, dans les zones placées en quarantaine en Chine. Pourtant, le restaurant devient presque un refuge, tant les regards deviennent insistants et les comportement suspicieux dans les lieux publics.

"Elle m'a dit de ne pas la toucher, sinon j'allais la contaminer"

"Ce matin, j'ai pris le bus, je sens qu'ils ont peur", relate Khenpheng, gérante d'un restaurant spécialisé dans la cuisine laotienne, vietnamienne et thaïlandaise.

"Dans le métro, on était assises à deux seulement sur quatre places. C'est la première fois que je vois ça", rebondit Beusakorn, une de ses clientes d'origine thaïlandaise. Elle, qui habite le XIIIe arrondissement depuis plus de 30 ans, se veut compréhensive : "À leur place on ferait peut-être pareil". Dans son sac, elle a glissé un masque et une solution hydroalcoolique, confiant qu'elle a également peur pour sa propre santé. 

Pour Yen, ça va bien trop loin. Postée derrière son comptoir de plats chinois, elle entend régulièrement "des clients typés asiatiques qui racontent comment on les fuit dans le métro et le bus. Moi-même en sortant devant le restaurant, un monsieur s'est couvert le visage en passant à côté de moi", raconte-t-elle.

Antony, le gérant de l'établissement, confirme. Alors qu'il proposait certaines de ses préparations à la dégustation, au Salon de la gastronomie, dimanche, "une dame a eu un grand mouvement de recul quand je me suis approché d'elle pour lui faire goûter. Elle m'a dit de ne pas la toucher, sinon j'allais la contaminer".

Sur Twitter, certains ont décidé d'en rire...

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*Le prénom a été modifié