Covid-19 : les enquêtes sur les vols en série de masques se poursuivent
Par Emmanuel Leclère
Malgré des conditions dégradées, plusieurs enquêtes ont été ouvertes ces jours-ci sur les nombreux vols de masques de protection destinés normalement aux professionnels de santé qui luttent contre le coronavirus. Plusieurs dossiers concernent également des trafics de masques vendus sous le manteau.
Ce sont des vols crapuleux, au sein même parfois des hôpitaux, comme à Périgueux au lendemain de l’annonce du confinement général. La porte de la réserve de l’hôpital a été fracturée. Les malfaiteurs n’ont emporté que des masques et du gel hydroalcoolique.
À Dreux le week-end dernier, ce sont deux adolescents qui se sont fait prendre avec 200 masques FFP2. "Ils effectuaient du porte à porte comme on vendrait des calendriers" confie dépité un officier. "On en a comme ça tous les jours depuis une semaine" assure un policier parisien. C’est logique dit-il, "certains osent les vendre jusqu’à 15 euros pièce, ça crée des vocations". Mais l’histoire qui l’a le plus marqué depuis le début du confinement général, à Paris, c’est cette fille d’une pharmacienne, à deux pas de la Maison de la Radio, stationnée avec sa voiture sur une place interdite. Les policiers qui interviennent aperçoivent alors plusieurs boites de masques FFP3 sur le siège arrière du véhicule. La jeune femme a avoué, sur le procès-verbal que nous avons pu consulter, qu’elle les avait volés à sa mère et qu’elle s’apprêtait à les revendre à une amie à 6,90 euros pièce.
Les vols les plus spectaculaires confiés à des services spécialisés malgré la pénurie d’enquêteurs
En l’espace de deux semaines, on relève plusieurs affaires spectaculaires de vols de dizaines de milliers de masques de protection. 40 000 ont été dérobés à Cayenne en Guyane, au sein même du centre spatial de Kourou, comme l’a confirmé ce mercredi le procureur de la République. Les masques chirurgicaux devaient être remis à l’Agence Régionale de Santé. La section de recherche de la gendarmerie de Guyane est chargée de rechercher ces malfaiteurs capables de s’introduire dans un bâtiment du centre spatial. Rappelons aussi les stocks impressionnants saisis dans des épiceries comme à Maubeuge dans le nord, à Belleville à Paris, ou dans une agence de voyage à Paris également . À Maubeuge, un service de la direction départementale de la sécurité publique cherche à retrouver un éventuel grossiste, mais le fait qu’il n’y ait pas eu à ce jour d’autres cas dans la région laisse penser que le commerçant s’est fait livrer suite à une commande sur internet, confie un proche du dossier.
L'arrivée prévue des masques devrait aider à diminuer les trafics
À Paris, c’est le deuxième district de la police judiciaire qui a récupéré l’affaire de l’agence de voyage transformée en superette du masque de protection. Un autre service, la sûreté 75, enquête sur un possible grossiste qui fournirait un réseau de commerçants d’origine chinoise. Pour l’instant les grossistes n’ont pas été identifiés, notamment parce que les commerçants complices appliquent les règles mafieuses de l’omerta. Et puis les moyens d’investigation sont parfois fortement réduits. Dans la capitale, la brigade qui s’occupe de l’histoire de l’épicier bio de Belleville ne peut pas compter sur ses 40 agents habituels. En cette période de pandémie, selon nos informations, ce sont deux équipes de 10 enquêteurs qui vont se relayer une semaine sur deux pour gérer les urgences.
Quand les masques arriveront enfin en grand nombre, dans les jours ou les semaines qui viennent, ces vols et ces petits trafics se tariront, prédisent les services en charge de ces affaires. Ils espèrent identifier, même après la fin du confinement, certains des auteurs, des fournisseurs et des éventuels commanditaires qui privent ces jours-ci les personnels de santé d’une protection rien moins que vitale.