Covid-19 : quelle est vraiment la situation dans les universités d'Île-de-France ?

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Covid-19 : quelle est vraiment la situation dans les universités d'Île-de-France ?

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Amphithéâtre université de Valence - fac - étudiants  - Latour Maubourg - Université Grenoble Alpes
Amphithéâtre université de Valence - fac - étudiants - Latour Maubourg - Université Grenoble Alpes
© Radio France - Claire Leys

Le recteur de la région académique Île-de-France a avancé lundi le chiffre d'environ 800 contaminations au coronavirus depuis début septembre mais, au vu des indicateurs, la situation semble être sous évaluée.

"Dans une ville comme Paris, sur la quarantaine de clusters, l'essentiel sont dans des lieux d'enseignement", affirmait Anne Hidalgo, dimanche sur RTL. "La situation dans les facs est catastrophique, les jeunes sont entassés dans les amphis parce qu'on n'a pas anticipé l'augmentation du nombre d'étudiants", poursuivait la maire de Paris. Quelques heures plus tard, sur franceinfo, Thomas Clay, administrateur provisoire de l'université Paris I-Panthéon Sorbonne s'insurgeait : "La réalité de la situation sanitaire ne correspond pas du tout à ce que décrit Mme Hidalgo." 

Dans les faits, lundi, le recteur de la région académique d'Île-de-France a annoncé une limitation de l'accueil physique dans les universités et grandes écoles à 50 % de la capacité d'accueil (amphis, salles d'enseignement, bibliothèques, espaces communs) en plus des aménagements déjà en place, "pour prendre en compte la situation sanitaire parisienne". Près de 800 cas de Covid-19 ont été décelés chez les étudiants d'Île-de-France depuis début septembre, a également indiqué Christophe Kerrero ; il y en avait 55 au 1er octobre sur 705.000 étudiants, soit 0,01 % de la population étudiante francilienne. Côté personnels, le recteur rapporte 144 cas positifs depuis la rentrée sur 52.000 personnes, dont 5 actuellement. 

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Le taux d'incidence des 20-29 ans explose

S'il est impossible d'obtenir des données précises, ces chiffres semblent entrer en contradictions avec un certain nombre d'indicateurs disponibles. D'abord, les données avancées par le recteur lundi, lors d'une conférence de presse commune avec le préfet de police de Paris, ne sont en réalité que de simples remontées des établissements d'enseignement supérieur franciliens, reconnaît le rectorat. À ce stade, on peut s'interroger sur la fiabilité de ces bilans, simplement fondés sur les déclarations spontanées d'étudiants, préalablement testés. Or tous ne se signalent sans doute pas.  

De plus, selon les chiffres indiqués dans cette même conférence de presse par le directeur général de l'Agence régionale de santé et disponibles sur la plateforme Geodes, le taux d'incidence des 20-29 ans (cette tranche d'âge correspondant globalement à la population des étudiants de l'enseignement supérieur) dépasse, en Île-de-France, les 550 cas pour 100 000 personnes, soit plus de 0,5 % de ce groupe et contre 260 pour la population globale (c'est deux fois plus). De même, le taux de positivité (nombre de cas positifs sur la part totale des tests) de cette même tranche d'âge dépassait largement les 15 % ces derniers jours. 

"Criticité élevée"

Par ailleurs, comme l'indique le dernier bilan hebdomadaire de Santé publique France en date, le 1er octobre, "la circulation du virus se manifeste dans la détection des clusters dont les milieux scolaires et universitaires constituent la première source depuis le mois de septembre" et ce devant le milieu professionnel. Selon l'agence sanitaire, en France, le milieu scolaire et universitaire représente au moins le tiers des clusters en cours d'investigation et plus de la moitié en Île-de-France. Si la distinction précise entre l'enseignement primaire, secondaire et supérieur n'est pas faite précisément, on sait toutefois que, sur l'ensemble de la région, la majorité des clusters détectés en septembre se trouvaient surtout dans les établissement allant jusqu'au lycée

Néanmoins, Santé publique France classe ces foyers par niveau de dangerosité. Les clusters à criticité élevée, c'est-à-dire avec un fort risque de transmission du Covid-19, se concentrent dans l'enseignement supérieur, dit "post-bac". Un phénomène qui s'explique par la taille des regroupements de personnes dans les universités. 

Contaminations en soirées ? Argument "bancal" pour l'Unef

Interrogée la semaine dernière sur le sujet, la ministre Frédérique Vidal estimait qu’il y avait "probablement moins de risques" pour les étudiants d’être contaminés dans une université que "dans un bar le soir à boire un verre", jugeant que les contaminations ne se faisaient pas essentiellement au sein des facs mais dans un cadre privé, dans les soirées étudiantes et regroupements d'amis. 

Si ce constat est sans doute tout à fait pertinent et les universités pas forcément responsables de ces contaminations, il n'en reste pas moins que les établissement restent in fine un point de rencontre de ces étudiants positifs. Pour le syndicat étudiant Unef, l'argument qui consiste à renvoyer la responsabilité aux soirées étudiantes "est un peu bancal". 

Le chiffre avancé par le recteur est "sous évalué", estime Maryam Pougetoux, vice-présidente de l'organisation, jointe par France Inter. Au-delà des images d'amphithéâtres bondés vus ici et là, des contaminations massives à Centrale Lyon ou à l' Ecole de management de Strasbourg, "de nombreux étudiants continuent sans doute d'aller en cours alors qu'ils sont potentiellement contaminés", constate-t-elle. L'Unef pointe d'ailleurs le manque de moyens déployés pour permettre à tous les étudiants de continuer à suivre les cours dans les meilleures conditions.