Crise sanitaire : "Les artistes n'ont pas envie de vivre de subventions"

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Crise sanitaire : "Les artistes n'ont pas envie de vivre de subventions"

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Œuvres (de gauche à droite) : Annick Leroy, Nathan Chantob, Jean-Luc Bourel, Gérard Pestarque, Rong Guo et Gérard Le Cloarec (lauréat du grand prix Léon-Georges Baudry 2021 de la Fondation Taylor)
Œuvres (de gauche à droite) : Annick Leroy, Nathan Chantob, Jean-Luc Bourel, Gérard Pestarque, Rong Guo et Gérard Le Cloarec (lauréat du grand prix Léon-Georges Baudry 2021 de la Fondation Taylor)
- Fondation Taylor

On n'entend peu parler d'eux, mais les artistes visuels, plasticiens, graphistes, sculpteurs, soit près de 65.000 personnes, traversent une crise sans précédent du fait de la crise sanitaire. S'ils ont été soutenus par l'État, ils préféreraient que leur travail soit plus visible et mieux reconnu.

"Quand il y a la FIAC, les gens entendent parler d'oeuvres qui se vendent très cher et ils en concluent que les artistes contemporains vivent très bien", explique le peintre Jean-François Larrieu, actuel président de la Fondation Taylor, regroupant 5000 artistes et finançant une cinquantaine de prix pour soutenir la création. "Évidemment la réalité est tout autre". Pour preuve, plus de la moitié des personnes qui déclarent un revenu artistique dans les arts visuels sont en-dessous du seuil de pauvreté. En 2018, 75% des artistes gagnaient moins de 5 000 euros annuels du fait de leur travail artistique. Et la crise du Covid-19 n'a fait qu'aggraver les choses.

Des aides pour passer le cap de la crise

Les aides apportées depuis mars 2020 ont permis à certains, pour la première fois, d'avoir une continuité de revenus, mais à très bas niveau. Les artistes ont en effet pu bénéficier du fonds d'aide aux entreprises, si leur revenu avait baissé de plus de 50%. Le Centre national des arts plastiques a également distribué un fonds d'urgence en cas d'annulation des expositions. Au total, les aides publiques distribuées aux professionnels des arts plastiques et visuels s'élèvent à 2 millions d'euros, elles étaient de 5 millions pour le spectacle vivant et pour la filière livre, et de 10 millions pour le secteur musical.

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Il y a eu plusieurs initiatives privées, des ventes aux enchères, pour que les artistes puissent passer le cap, malgré l'absence d'expositions ou le retard d'évènements. La Fondation Taylor elle-même, fidèle à sa tradition d'entraide entre artistes, avait, à l'issue d'une vente aux enchères, distribué 1 000 euros à 111 artistes. Mais ces aides privées, "c'était souvent des appels à candidatures, des appels à projets, et des prix remis aux plus méritants", expliquent Emmanuel Simon et Laure Vigna, membres du collectif La Buse. 

Des travailleurs comme les autres ? 

Le collectif La Buse défend l'idée d'un statut de travailleur pour les artistes, et un accès à l'assurance-chômage. "Cela permettrait de sortir de ce système de saupoudrage, qui par ailleurs, remet en lumière les défauts du système économique dans lequel les artistes se trouvent". "En France, il y a des milliers d'artistes, mais les fonds régionaux d'art contemporain n'achètent les œuvres que de quelques centaines", expliquent les membres de La Buse. 

Ils plaident pour un système qui ressemblerait à celui de l'intermittence pour les artistes du spectacle vivant et de l'audiovisuel. Car pour l'heure, après deux ans de crise sanitaire, "il n y' a pas beaucoup de différence par rapport à avant la crise", dit Emmanuel Simon. Laure Vigna renchérit : "c'est même pire car il y a moins d'opportunités de travail". "De toute façon, il faut avoir un job alimentaire ou les minima sociaux", ajoute Emmanuel Simon.

Plus de visibilité et de réseau

"C'est vrai que les artistes n'ont pas envie de vivre de subventions", confirme Jean-François Larrieu. Sa fondation, qui décerne cette année 255 000 euros à travers une cinquantaine de prix à des sculpteurs, dessinateurs, architectes ou peintres ( exposés en ce moment), fonctionne uniquement avec des dons et legs privés.  

"Il faudrait plutôt que l'État se préoccupe de la mise en réseau et de la visibilité des artistes en France et à l'étranger". Il met en avant les prix que sa Fondation décerne, et le fait qu'elle se batte pour leur visibilité, pour financer leurs expositions et favoriser leurs ventes. "Visibilité, communication, point de ventes et de diffusion, voilà ce qu'il faut mettre en œuvre", explique Jean-François Larrieu. 

Tant que l'État continue à saupoudrer des subventions, la machine sera grippée".

Le programme Mondes Nouveaux, et ses 30 millions d’euros pour soutenir la conception et la réalisation de projets artistiques, que le gouvernement vient de mettre en route, ne convainc ni La Buse, ni le représentant de la Fondation Taylor. Des deux cotés, on estime que ce type de crédits et de commandes vont trop fréquemment au même petit nombre d'artistes, déjà reconnus, et qui n'en ont pas toujours besoin. 264 projets ont été retenus sur 3 200 dossiers déposés. "C'était toujours la même logique de mise en concurrence", regrette Emmanuel Simon.