Critique - "Douleur et Gloire" : la déclaration d'amour au cinéma de Pedro Almodóvar
Pour son nouveau film, Pedro Almodóvar verse dans l'autofiction et c'est Antonio Banderas qui lui prête ses traits. Et ce, avec succès : les critiques du "Masque & la Plume" ne tarissent pas d'éloges : "bouleversant", "grandiose", "magnifique"… Verra-t-on (enfin) le réalisateur récompensé au palmarès de Cannes ?
Le film présenté par Jérôme Garcin
Sous les traits d’Antonio Banderas, alias Salvador Mallo, Almodóvar raconte son enfance pauvre dans la province de Valence, où les livres l'ont sauvé, sa découverte du cinéma (avec "son odeur de pisse et de jasmin"), sa découverte aussi du désir homosexuel, son arrivée à Madrid, son addiction à l’héroïne, ses innombrables maladies, ses dépressions et ses doutes de cinéaste qui a des rapports très compliqués avec ses comédiens. Il y a du vrai, évidemment, et du faux, dans ce film. Après tout, peu importe, ce qui compte c'est l**’autoportrait, que j'ai trouvé bouleversant et très virtuose, d’Almodóvar.**
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Alain Riou : "C'est grandiose"
AR : Pour moi, Pedro Almodóvar est l'un des tout premiers des plus importants metteurs en scène de toute l'histoire du cinéma parce que c'est l'homme qui a le plus élargi les esprits étroits. Vous vous rendez compte que pour le grand public, il y a eu un avant et un après Almodóvar. Il a réussi à imposer à des gens qui étaient contre de l'amour pour des travestis, pour des transsexuels, pour des gens qui étaient absolument haï. Il a travaillé pour la tolérance.
La mentalité mondiale aujourd'hui doit à Almodóvar.
En plus, ce film est d'une poésie absolument intense (le gamin qui est le maître d'école…) Chez Almodóvar, il y a un fond (je viens de le dire) mais en plus il y a une forme, une audace formidable et toujours ça n'éloigne jamais le public, même le plus large.
En plus, c'est une tragédie dynamisante.
Almodóvar est un type qui donne la niaque au désespoir.
Danièle Heymann : "C'est magnifique"
DH : On pose la question à Almodóvar : "Est-ce un film sur votre vie ?" Il répond, magnifiquement : "Non. Et oui. Absolument".
C'est le septième film où Banderas est à ses côtés, le premier était en 1982, il y a plus de trente ans : un compagnonnage, une complicité extraordinaire. Et il ne se fait aucun cadeau. C'est un réalisateur qui a des soucis de santé, d'inspiration, de succès...
C'est plus "douleur" que "gloire" mais en même temps il y a une résilience extraordinaire.
Je voudrais surtout que personne ne raconte la dernière réplique de ce film. Parce que plus beau, plus simple, plus déchirant, consolateur et créatif, y'a pas.
Charlotte Lipinska : "C'est un des plus beaux, grands et bouleversants films que j'ai vus depuis des mois"
CL : Pedro Almodóvar se dénude complètement, émotionnellement, sur ses douleurs physiques, sur sa solitude, sur sa dépression et la mélancolie - qui peut être paralysante, mais au bout d'un chemin un peu introspectif, va être une mélancolie finalement assez apaisante.
Pour tous ceux qui aiment et connaissent le cinéma d'Almodóvar, on peut quand même préciser qu'on ne va pas du tout y trouver le côté festif, exubérant, survolté qu'on connaît et qu'on aime de lui. C'est un film très calme, extrêmement contenu mais dans lequel on retrouve quand même toutes les couleurs vives qui font son cinéma - notamment dans l'appartement dans lequel vit ce cinéaste : assez sublime avec plein d’œuvres d'art partout, mais il y vit reclus comme s'il était prisonnier de son univers, prisonnier de ses films et de son art.
Il va faire ce long chemin introspectif vers la réconciliation : avec son enfance (qu'on comprend assez douloureuse), avec sa mère, évidemment avec lui-même.
À l'arrivée, il fait une déclaration d'amour au cinéma dont on peut véritablement penser que cet art lui a sauvé la vie.
Pierre Murat : "C'est très beau"
PM : C'est beaucoup plus épuré que certains autres films d'Almodóvar mais on retrouve son style, dans les couleurs d'abord, et aussi dans cet art qui est très personnel de nouer les intrigues. Elles sont toujours disparates, presque indépendantes les unes par rapport aux autres et il arrive à les relier de façon splendide. On n'est jamais paumés mais en même temps il y a plusieurs univers, plusieurs histoires...
Ce qui me touche beaucoup, c'est le fait que ce ne sont pas des retrouvailles avec Antonio Banderas puisqu'il l'avait déjà utilisé dans La Piel que Habito il y a trois ans, mais c'est vrai qu'il faut voir le film avec tout ce que ces deux-là ont vécu et joué ensemble. Il en a fait un objet de désir dans plusieurs films dans les années 1980, plus il y a eu une grande pause (Banderas est allé faire une carrière Hollywoodienne) et depuis quelques années ils se retrouvent et c'est très bouleversant.
Aller plus loin
Sortie en salles le 17 Mai 2019
🎧 Écoutez l'ensemble des critiques échangées à propos de ce film sur le plateau du Masque et la Plume...
"Douleur et gloire" de Pedro Almodovar : les critiques du "Masque & la Plume"
6 min
Chaque dimanche à 20h, retrouvez les critiques du Masque et la Plume, réunis autour de Jérôme Garcin pour parler cinéma, théâtre ou littérature.
À noter que d'autres critiques de films du Masque et la Plume sont à retrouver ici