CRITIQUE - Pourquoi "Le Masque & la Plume" a adoré "Billy Wilder et moi" de Jonathan Coe ?
Après "Le cœur de l'Angleterre", l'écrivain britannique nous emporte sur le tournage du film “Fedora”, en 1977, pour y lire son admiration pour le célèbre cinéaste américain Billy Wilder dans une perspective romanesque, à travers sa rencontre avec la narratrice du récit, Calista. Un livre qui a passionné les critiques.
Le livre présente par Jérôme Garcin
Cette fois, Jonathan Coe nous emmène, après un détour par Hollywood, sur le tournage en Grèce, en 1977, de Fedora, l'avant dernier film de Billy Wilder avec Marthe Keller dont le compagnon est alors un certain Al Pacino, et William Holden. Le cinéaste de Sunset Boulevard, dont il faut rappeler qu'il était d'une famille juive autrichienne et qu'il a fui le nazisme pour les Etats-Unis, est alors rejeté par les studios qui lui préfèrent "les jeunes barbus", comme il les appellent, Spielberg et Coppola.
Il a l'impression de vivre son chant du cygne et se confie à la jeune Grecque Calista, qui est inventée et qui lui sert d'interprète et d'assistante. C'est elle qui est devenue à Londres compositrice de musiques de film, racontant sa rencontre avec Billy Wilder.
Jonathan Coe a été critique de cinéma dans la presse britannique et l'excellent biographe d'Humphrey Bogart. Quant à Fedora, un très beau film crépusculaire, est disponible et réédité chez Carlotta.
Franchement, lisez ce livre.
Traduit de l'anglais par Marguerite Capelle, alors que reparaît en Folio le roman libre "Le cœur de l'Angleterre", dont on avait parlé il n'y a pas si longtemps que ça.
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Fredéric Beigbeder a été charmé de bout en bout !
"C'est éblouissant. J'ai été charmé de bout en bout.
Je trouve que c'est un livre merveilleux, crépusculaire comme le film de Billy Wilder.
C'est un roman sur la mort du cinéma. On a parlé récemment du livre d'Aurélien Bellanger, sur la mort de la télévision, c'est un peu similaire, mais Jonathan Coe est beaucoup plus en forme quand il fait un pas de côté.
Ce livre-là est beaucoup moins ambitieux que le précédent. Je préfère celui-là parce que, justement, j'aime les petits livres d'entre-deux. C'est un livre avec une chute géniale, c'est le minimum quand on parle de Billy Wilder, puisque c'était le génie de la chute.
Les dialogues sont géniaux et une idée de mettre un scénario imaginaire qui est brillantissime.
Le personnage de la narratrice est très attachante, Calista. Elle fait penser un peu au personnage de Nick Carraway dans Gatsby le Magnifique, ce témoin un peu extérieur et innocent, un peu nunuche, mais qui, en même temps, voit tout, dit tout, comprend tout.
Elle apprend par cœur un dictionnaire du cinéma et le récite devant tous les grands cinéastes qu'elle croise et qui la regardent comme si c'était une débile.
Il parle aussi des origines tragiques de Billy Wilder avec beaucoup de finesse, c'est ce qu'il y a de plus émouvant, en dehors de la fin du cinéma intelligent et raffiné, remplacé par des films avec des requins et des prouts.
C'est sur la tragédie européenne de la Deuxième Guerre mondiale : la douleur centrale de toute l'œuvre de Billy Wilder".
Olivia de Lamberterie se réjouit d'avoir retrouvé l'ironie et le piquant de Jonathan Coe
"Si nous n'avions pas su que c'était un livre de Jonathan Coe, est-ce qu'on aurait retrouvé l'auteur ? Ce livre est très différent, par sa forme, par son ton. Je suis un peu plus en retrait par rapport au personnage de la jeune Grecque, que j'ai trouvée un peu fade, trop dans l'admiration, de part ses histoires d'amour avec ce garçon sur le tournage qui ne sont pas très intéressantes.
On retrouve l'ironie et le piquant de l'auteur au travers du portrait de Billy Wilder.
Il y a une scène extraordinaire : celle au restaurant avec cette jeune fille qu'il rencontre. On a un homme désespéré, Billy Wilder, qui dit qu'il aimerait continuer à faire des films subtils, beaux et romantiques.
Ce qui m'a fendu le cœur et ce qui fait que je recommande ce livre à tout le monde, c'est cet homme qui n'a pas de nouvelles de sa mère, qui va regarder des documentaires sur les camps de concentration pendant des heures et des heures, et des morts, des corps décharnés pour tenter de retrouver la silhouette de sa mère".
Jean-Louis Ezine a "adoré" et applaudit un "travail incroyable"
"J'ai été surpris d'adorer parce que, à priori, je ne suis pas forcément un client de Jonathan Coe, et puis, en plus, je ne suis pas cinéphile.
Ce qui m'a rassuré tout de suite dans ce livre, c'est que la narratrice est encore plus nulle que moi en matière de cinéma au départ. J'avais une culture de Billy Wilder à peu près similaire à la sienne. Je connaissais juste un truc, un jour qu'il était de passage à Paris, sa femme, depuis les Etats-Unis, lui demande de bien vouloir trouver un bidet et de le faire expédier aux Etats-Unis. Parce que le bidet, à cette époque, c'est un mobilier très français. Il ne trouve pas de bidet et il télégraphie à sa femme : "I_mpossible trouver bidet. Stop. Suggère de faire le poirier sous la douche_".
C'est fantastique, c'est un travail incroyable.
Il est probablement le premier écrivain anglais qui fasse un éloge du brie de Meaux, voire même le premier à savoir distinguer le brie de Meaux du Coulommiers avec, peut-être, Julian Barnes".
Michel Crépu y loue "un récit d'une grande liberté allant de pair avec la volonté d'indifférence de l'auteur"
"Il y a une souveraineté du récit dans ce livre qui est tout à fait incroyable si on compare avec les dizaines de livres que nous avons à lire. C'est ce qui m'a le plus stupéfié, parce que je pensais que Billy Wilder était mort depuis longtemps et j'ai vérifié dans le dictionnaire, il est mort en 2002, c'est-à-dire hier en quelque sorte ! Je n'avais pas cette conscience car, pour moi, Wilder, c'était vraiment le cinéma du siècle d'avant.
J'ai mis un certain temps à me faire à l'idée que c'était encore maintenant. C'est presque quasi contemporain, avec des moments un peu de lassitude car ça ne m'a pas toujours accroché. Mais, en réalité, ça fait partie de la souveraineté du récit aussi, cette espèce de liberté, d'indifférence totale à l'égard d'une prétendue nécessité thématique ou quelque chose de cet ordre qui enferme le roman dans un propos.
On est dans une liberté complète, une espèce d'essence indifférente qui est très excitante.
Le livre
Écoutez l'intégralité des critiques échangées sur le livre :
"Billy Wilder et moi" de Jonathan Coe
9 min
📖 LIRE - "Billy Wilder et moi" de Jonathan Coe (Gallimard)
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🎧 Chaque dimanche à 20h, retrouvez les critiques du Masque et la Plume, réunis autour de Jérôme Garcin, pour parler cinéma, littérature ou théâtre