D-Day : au cœur de la stratégie militaire, l'arme de l'intox

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D-Day : au cœur de la stratégie militaire, l'arme de l'intox

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Pour faire croire à un débarquement à Calais, les alliés vont déployer des tanks dans le sud de l'Angleterre. Mais ce sont des véhicules gonflables.
Pour faire croire à un débarquement à Calais, les alliés vont déployer des tanks dans le sud de l'Angleterre. Mais ce sont des véhicules gonflables.
© Getty - Galerie Bilderwelt

Fausses nouvelles et autres intox sont vieilles comme la guerre. Mais pour la réussite du Débarquement, le 6 juin 1944 en Normandie, elles ont été déterminantes, en particulier pendant l'année précédant le D-Day. L’imagination des Alliés pour tromper l’ennemi et garder secret leur plan en Normandie a été débordante.

La préparation et la désinformation seront les clés du succès de l’opération Overlord, et l'une n'allait pas sans l'autre. Le contre-espionnage a permis de protéger les plans du Débarquement, à partir du 6 juin 1944. Les informations n'ont été données aux combattants qu'au dernier moment et les soldats ont été maintenus dans des camps entourés de barbelés sous haute surveillance quinze jours avant le jour J, avec interdiction de sortir sous peine d'être fusillés.

La manipulation était simple : faire croire aux nazis que les alliés allaient débarquer dans le Nord de la France, à Calais, là où la distance est la plus courte entre l'Angleterre et l’Hexagone.

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Fausses manœuvres militaires, agents doubles, jusqu'aux fameux messages diffusés sur Radio Londres qui sont erronés, la désinformation a tellement bien fonctionné qu'elle a fini par faire douter les Allemands. À tel point que, même après le débarquement, ils restaient persuadés qu'une autre attaque de plus grande envergure aurait lieu dans le Pas-de-Calais.

La hantise des fuites

Le maréchal allemand Erwin Rommel, chargé du commandement des forces du Mur de l’Atlantique, en fût lui aussi convaincu. Celui qui était surnommé "le Renard du désert" va concentrer ses troupes sur Calais, laissant la Normandie affaiblie.

La crainte de fuites est à son comble également, à quelques semaines du D-Day. Au-delà de conversations imprudentes, plusieurs événements créent la panique. Le premier lorsqu'un courant d’air fait s'envoler par la fenêtre d'un bureau du ministère de la Guerre, à Londres, douze exemplaires de documents confidentiels. Il faudra arrêter la circulation pour aller les chercher sans qu'il manque une page.

Puis, 33 jours avant le Débarquement, une grille de mots croisés va, elle, faire sérieusement tousser les services de renseignements britanniques. Parue dans le Daily Telegraph, elle contient plusieurs mots-clés de l'opération, dont Overlord ("suzerain") et les noms de code des plages d’arrivée : Omaha et Utah. Le professeur qui a imaginé cette grille, arrêté, finira par convaincre le contre-espionnage qu'il ne s'agissait que d'une pure coïncidence. 

L'intox organisée

Yvonnick Denoël, auteur du livre Mémoires d'espions en guerre (éditions du Nouveau monde), raconte : 

Dès le début de la Seconde Guerre mondiale ont été mises en place des opérations de duperies, d'intoxications, à la demande de Churchill lui-même dès 1941.

"Un comité est instauré, le XX Committee, qu'on peut lire « twenty committee » ou « double cross committee », double cross qui signifie la trahison. Pendant près d'un an avant le D-Day, on a organisé de façon systématique et à plusieurs niveaux des opérations d’intoxications."

Premier niveau : on a tenté de faire croire que l'invasion principale aurait lieu dans le Pas-de-Calais. Logique, puisqu'il y avait des ports et une distance réduite. On invente donc le Fusag, pour First United States Army Group. Situé dans le sud-est de l'Angleterre, ce groupe fantôme est censé être dirigé par Patton, considéré par les Allemands comme l'un des meilleurs généraux alliés.

Pour étayer leur légende, les alliés vont installer des milliers de tentes, d’où ils laisseront s’échapper de la fumée pour faire croire que des soldats y sont nourris. Des tanks sont positionnés alentour. Mais ce sont des véhicules gonflables. Et pour donner l’impression qu’ils se déplacent, des véhicules circuleront pour laisser des traces.

Parallèlement, les émissions radio ne tarissent pas. Et pour cause : elles sont conduites par des comédiens de Broadway et de Londres. Rien que dans le mois précédant le débarquement, 18 000 messages radio seront écoutés par les Allemands. Qui ne doutent pas de leur réalité.

L'ennemi infiltré

Chez les alliés, on va encore plus loin dans le détail. Des petites annonces sont publiées dans les journaux locaux du sud-est de l'Angleterre signalent les mariages entre soldats américains et jeunes filles anglaises. La presse relate même des agressions sexuelles. Ce qui laisse à penser que les militaires américains sont bien présents.

L’intox viendra aussi de l’intérieur. Les Britanniques vont retourner les agents allemands qu'ils capturent. L’idée : plutôt que mettre les espions en prison, autant les convaincre de travailler pour les alliés. En transmettant les messages qu'on veut faire passer à l'adversaire. Et ça fonctionne.

Dans la nuit du 5 au 6 juin, un agent vedette des Allemands, le Catalan Juan Pujol Garcia – nom de code Arabel côté nazi et Garbo pour les Britanniques – va ainsi transmettre un message annonçant le débarquement en Normandie mais en précisant que c'est un leurre. Les Allemands le croiront.

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Plus cynique, dans le Nord et le Pas-de-Calais, plusieurs groupes de résistants français sont connus pour avoir été infiltrés par les Allemands. Les Alliés savent qu’ils vont tomber tôt ou tard. Des messages leur sont alors envoyés pour annoncer l'imminence du débarquement dans leur zone. Dénoncés, ils sont arrêtés par les Allemands. Certains parleront, donnant de fausses informations.

A LIRE

  • Stratagèmes : duperies, tromperies, intoxications pendant la Seconde Guerre mondiale, par Jean Deuve (Nouveau Monde poche)
  • Mémoires d'espions en guerre, 1914-1945, par Yvonnick Denoël (éditions Nouveau Monde)