Dans la bibliothèque de Juliette Gréco

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Dans la bibliothèque de Juliette Gréco

Par
Juliette Gréco
Juliette Gréco
© Getty

C’était dans sa maison de Senlis. Juliette Gréco travaillait une chanson avec son mari au piano, Gérard Jouannest. La chanteuse avait pris le temps d’emmener Vincent Josse devant sa bibliothèque ou plutôt, ses bibliothèques, au rez de chaussée et à l’étage.

Rencontrer Juliette Gréco chez elle, à la campagne devant ses livres, c'est entendre d'une certaine manière. "Je me souviens de tout". Souvenir de la douleur adolescente : une mère et une sœur déportées pour avoir été résistantes. Elle qui échappe aux camps, mais connaît la prison à 15 ans à Fresnes. 

Souvenirs heureux ensuite d'un parcours d'actrice, de chanteuse, de muse des poètes et d'égérie de Saint-Germain. Bien sûr, donc, que sa bibliothèque témoigne de la traversée d'un siècle. 

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Je lis. Et puis, je me relis à haute voix quelquefois. Et quelquefois, je comprends mieux quand je lis à haute voix. Je lis à haute voix et j'entends. J'aime bien ça. 

Des livres d’art lui rappelant Picasso, Céline l’amenant à évoquer son séjour en prison avec des prostitués, Cocteau, Genet et Sartre, qui est à l'origine de sa carrière de chanteuse en s'improvisant "impresario". C'est lui qui lui soumet ses premiers textes. Lui encore qui la présente à Joseph Kosma. Et lui encore qui dira ceci à son propos :

Gréco a des millions dans la gorge : des millions de poèmes qui ne sont pas encore écrits, dont on écrira quelques-uns. On fait des pièces pour certains acteurs, pourquoi ne ferait-on pas des poèmes pour une voix ? Elle donne des regrets aux prosateurs, des remords. Le travailleur de la plume qui trace sur le papier des signes ternes et noirs finit par oublier que les mots ont une beauté sensuelle. La voix de Gréco le leur rappelle. Douce lumière chaude, elle les frôle en allumant leurs feux. C’est grâce à elle, et pour voir mes mots devenir pierres précieuses, que j’ai écrit des chansons. Il est vrai qu’elle ne les chante pas, mais il suffit, pour avoir droit à ma gratitude et à celle de tous, qu’elle chante les chansons des autres.

Jamais de regrets, ni de nostalgie : ça ne lui ressemblait pas.

Je ne sais pas ce que c'est la nostalgie. C'est un très joli mot, très musical, "nostalgie". C'est joli comme tout, mais ça ne veut rien dire pour moi.

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