
On le sait déjà, le western de Jacques Audiard sera récompensé dans quelques jours à Deauville. Un prix spécial simplement baptisé : "Prix du 44e Festival du cinéma américain de Deauville". En attendant la sortie le 19 septembre, en voici un avant-goût.
Charlie et Elie Sisters évoluent dans un monde sauvage et hostile, ils ont du sang sur les mains : celui de criminels, celui d'innocents. Ils n'éprouvent aucun état d'âme à tuer. C'est leur métier. Charlie, le cadet, est né pour ça. Elie, lui, ne rêve que d'une vie normale. Ils sont engagés par le Commodore pour rechercher et tuer un homme. De l'Oregon à la Californie, une traque implacable commence, un parcours initiatique qui va éprouver ce lien fou qui les unit. Un chemin vers leur humanité ?
►►► Qui mieux que Jacques Audiard, le réalisateur pouvait en parler :
L’idée du projet ne vient pas de moi, mais de John C. Reilly et d’Alison Dickey. Ils m’ont demandé de lire le roman de Patrick De Witt dont ils détenaient les droits. Je l’ai lu et il m’a enthousiasmé. J’ajouterai que si j’étais tombé par hasard sur le roman de Dewitt, s’il ne m’avait pas été proposé, jamais je ne serais parti de mon propre chef sur un western. A moins que ce ne soit justement parce qu’il y avait ces thèmes familiers de filiation et de fraternité que j’ai été d’emblée séduit par le livre. Qui sait ? Ces thèmes sont présents de toute façon, ils font partie des motifs assez communs du western : l’héritage de la violence des ancêtres, comment la contrôler… Toute cette violence originelle, comment va-t-on parvenir à la calmer ?
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Ce qui distingue les Frères Sisters, c’est que cette mythologie se résume aux conversations entre deux frères. C’est un western d’avant Freud, pré-analytique. Deux frères parlent, parlent et finissent par dire des choses qu’ils n’avaient jamais dites. Normalement ça devrait se passer dans un salon, là ça se passe à cheval.

Très vite, on a aimé l’idée d’emmener le récit vers une sorte de conte macabre. Deux enfants perdus dans la forêt ; ils avancent dans une imagerie de chromos, avec des étapes, ils avancent vers quelque chose. Comme il fallait trouver une bonne opposition aux deux frères, un des gros chantiers de l’adaptation a été le développement des personnages de Warm (Riz Ahmed) et Morris (Jake Gyllenhaal), l’idéaliste et le dandy. Ils existaient dans le roman, mais de manière plus simplement drolatique. A l’opposé des deux frères, de leur folie et de leur brutalité, nous en avons fait des personnages du monde moderne, porteurs d’une utopie.
La formulation de l’objectif du film à travers Warm, l’idéaliste dont les convictions vont séduire les personnages les uns après les autres – surtout Eli – a été en fait le grand chantier de l’adaptation. Ça, et couper du dialogue !

Il y avait là une histoire que l’on pouvait raconter, d’autant qu’elle se fondait sur les récits très documentés des Saint-Simoniens qui ont traversé les États-Unis au XIXème siècle, tout ce présocialisme européen qui s’est retrouvé là-bas en quête d’une société nouvelle.
En créant Warm et Morris quasiment de toute pièce, du moins dans leurs caractéristiques utopiques et leur profondeur politique, on s’est rendu compte que la réunion des deux trajectoires autour de la rivière prenait une tout autre dimension, un tout autre poids. Surtout pour le personnage d’Eli. D’un coup, c’est comme si une pensée lui était offerte, avec un horizon de vie, ce qui le fait entrer en contestation avec l’autorité de son frère.

Dans un western, normalement, on va chercher une fille chez les Indiens, on assiste à l’affrontement entre éleveurs et cultivateurs, tout est très simple, linéaire. Là, on assume quelque chose de moins net. On est dans un western où le cow-boy pleure sur la mort de son canasson, où le héros se masturbe en pensant à la fille qu’il a laissée au pays, où une brosse à dent devient un outil de communication, un indice d’évolution...
Extrait de l'entretien avec Jacques Audiard / WHY NOT PRODUCTIONS
►►► Distribution avec John C. Reilly, Joaquin Phoenix, Jake Gyllenhaal, Riz Ahmed



