Demain, il arrête de prendre l'avion : l'engagement du champion d'ultra-trail Xavier Thévenard
Par Jérôme ValLes compétitions d'ultra-trail, ces courses à pieds de l'extrême, sont annulées cette année. Quel avenir pour ces rendez-vous en prise directe avec la nature ? Le champion Xavier Thèvenard a profité de ces derniers mois de crise sanitaire pour initier un changement radical dans sa vie : cesser de prendre l'avion.
L’exemple emblématique de ces ultra-trails annulées en raison de la pandémie de coronavirus est celui de l’UTMB, l’ultra-trail du Mont-Blanc qui n’aura pas lieu à la fin du mois d’août à Chamonix. Mais cette période compliquée a aussi permis à certains de réfléchir à l’avenir de ce genre de compétitions. C’est le cas du Jurassien Xavier Thévenard qui veut maintenant mettre en pratique son engagement écologique : il ne veut plus prendre l’avion pour aller courir à l’autre bout de la planète.
Son horizon, c’est le Mont-Blanc et ses neiges éternelles. Xavier Thévenard boucle une semaine d’entraînement intensif : 31 heures à courir en six jours dans les montagnes au-dessus de Chamonix. C’est sa première grosse séance de l’année.
Cette année, le Jurassien, adepte du ski de fond l’hiver, avait décidé de se consacrer uniquement au trail, d’en faire son métier. La pandémie a retardé son projet. "J’ai décidé cette année de me consacrer uniquement à ma pratique du trail et manque de bol, il n’y a pas de compétitions", explique Xavier Thévenard avec philosophie_. "Ça sera pour l’année prochaine. Tout ce qui est pris n’est plus à prendre. Je vais continuer à m’entraîner, à aller dehors. Ce ne sont pas des séances pour rien. Ce sont des expériences qui font grandir. Je prends soin de moi, je vois mes proches, c’est ça qui est le plus important"._
"Pourquoi aller courir à l'autre bout de la planète ? "
Courir dans la montagne au contact de la nature : Xavier Thévenard, 32 ans, a depuis longtemps un engagement en faveur de l’écologie. Ce confinement, passé chez lui à Jougne dans le Doubs, a poussé encore plus loin sa réflexion. Au point de se demander si prendre le départ d’une course à l’autre bout du monde a encore du sens. "Ce n’est pas concevable de se dire que je vais faire 15 000 kilomètres en avion pour aller courir à l’autre bout de la planète et faire un trail de 170 kilomètres et revenir", argumente Xavier Thévenard, assis à la table d’une épicerie bio à Chamonix. "A l’heure actuelle, ce n’est plus trop logique. Du coup, je n’irai plus aux Etats-Unis puisque je dis que je prendrai plus de long-courriers". En prenant cette décision, le coureur se prive donc de prendre le départ d’épreuves prestigieuses sur le continent américain. "_Mes besoins ne sont pas superficiels : j’ai besoin d’une paire de baskets, de me nourrir, j’ai besoin d’être dans la nature. Et si j’ai tout ça, c’est royal "_ajoute-t-il.
Xavier Thévenard ne veut pas passer pour un donneur de leçon, affirmant lui-même ne pas être irréprochable. "Mais il faut savoir faire des choix forts", estime le triple vainqueur de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, le fameux UTMB. "La course phare en Europe, c’est Chamonix, c’est l’UTMB. Et en plus, on a plein de belles courses dans les Alpes ou à proximité que je n’ai encore jamais faites. Donc d’abord faire celles-ci. Je n’ai pas besoin d’aller à l’autre bout du monde pour courir. Je m’éclate très bien ici."
"C'est aux sportifs d'afficher leurs convictions"
Il faut aussi selon lui que les sportifs donnent l’exemple sur ce sujet de l’écologie. "C’est aussi aux sportifs et aux athlètes de donner leur point de vue et d’afficher leurs convictions", martèle le Jurassien_. Il faut se regrouper, ce qu’on essaye de faire dans le trail pour justement arriver à limiter ces déplacements. Il faut faire en sorte qu’il n’y ait qu’une seule course au même moment et qu’on ne soit pas éparpillés sur l’ensemble du globe."_ Un premier pas même si Xavier Thévenard sait que ce n’est pas aux seuls athlètes de prendre les choses en main et qu’il faut des choix politiques forts des gouvernements.
Si c’est possible, Xavier Thévenard pourrait faire sa rentrée en compétition en octobre avec les Templiers, une course qui a lieu à Millau, dans l’Aveyron où il se rendra avec son camion qui lui sert aussi de véhicule et de logement.