Deux sénatrices présentent un rapport qui pointe d'éventuels manques dans les dispositifs en France et en Europe. France Inter se l'est procuré en exclusivité.
Dans leur rapport, les sénatrices Esther Benbassa (EELV) et Catherine Troendlé (LR) tentent de répondre à la question : L'Etat a-t-il mis en place les bons dispositifs en matière de désendoctrinement, de désembrigadement et réinsertion des djihadistes en France et en Europe ? Sophie Parmentier a pu lire leurs conclusions en avant-première et en exclusivité pour France Inter.
Dix propositions pour plus d'efficacité
Dans ce rapport final de près de cent pages, les sénatrices dressent une liste de dix propositions, pour que la lutte contre la radicalisation soit plus efficace. En trois ans, l'Etat a déboursé près de 100 millions d'euros, sans la "moindre évaluation méthodique" de la "longue liste" des associations subventionnées, regrettent les parlementaires.
Esther Benbassa et Catherine Troendlé précisent bien qu'elles ne veulent pas "rechercher les responsabilités des uns et des autres dans l'échec des dispositifs mis en oeuvre. Il ne fait aucun doute que l'urgence avec laquelle les pouvoirs publics ont dû répondre aux attentats de janvier et de novembre 2015, explique, du moins partiellement, les tâtonnements et les difficultés observés sur le terrain.
Il n'y a pas de recette miracle
concèdent les deux sénatrices avec humilité.
"Un business de la déradicalisation"
Elles dénoncent ce business "sans réelle expertise de certaines associations". Les sénatrices rappellent que plusieurs responsables associatifs ont eu "maille à partir avec la justice". Leur proposition numéro 1 est donc de définir un vrai "cahier de charges", pour choisir les organismes de prévention de la radicalisation. Il faut surtout opter pour la "qualité" et non plus pour la "quantité", écrivent-elles, faisant remarquer au passage le côté disparate des subventions. Certaines associations ont obtenu une enveloppe de 800 euros, quand d'autres engrangeaient 435 000 euros.
Fermer le centre de Pontourny
Les sénatrices conseillent aussi de fermer d'urgence le centre expérimental de Pontourny, qui a coûté 2 millions et demi d'euros, mais n'accueille déjà plus aucun jeune pensionnaire depuis des mois, depuis la condamnation du dernier à quatre mois de prison avec sursis pour apologie du terrorisme. A Pontourny, trois pensionnaires s'étaient autoproclamés "la bande des salafistes rigoristes", "ce qui laisse supposer le phénomène d'emprise, paradoxal dans un lieu censé y remédier", déplorent les deux parlementaires.
Une détention peu efficace
La moitié de leurs propositions sont consacrées aux mineurs radicalisés, pour lesquelles "l'incarcération peut avoir des effets contre-productifs". 17 mineurs sont actuellement en détention provisoire pour des affaires de terrorisme. Les sénatrices défendent plutôt, quand c'est possible, leur prise en charge hors les murs. Dans leur proposition numéro 6, elles suggèrent "d'encourager des dispositifs de placement innovants". Par exemple des "appartements éducatifs", expérimentés depuis décembre 2016 en région parisienne. Trois mineurs radicalisés en bénéficient. Chacun d'eux vit dans un appartement, avec un éducateur qui le surveille constamment, avec un thérapeute.