"Des conditions délétères", "un idéal grignoté" : des urgentistes nous racontent leur quotidien

"On avait un rêve de soignant, un idéal et peu à peu avec les années, c’est un rêve qu’on nous a grignoté": des urgentistes nous racontent leurs conditions de travail.
Une manifestation nationale avait lieu aujourd'hui à Paris. Des centaines de soignants urgentistes se sont réunis à Bercy près du ministère de l'Economie et des Finances avant de se rendre au ministère de la Santé. Après les annonces d'Agnès Buzyn et de l'Agence régionale de santé, tous sont insatisfaits et souhaitent une hausse des salaires et plus d'effectifs.
En 2016, la fréquentation dans les urgences est passée à 20 millions contre 10 millions en 1996. Depuis trois mois, le monde hospitalier réclame de meilleures conditions de travail. Infirmières, médecins, aides-soignants, ils déplorent un manque de suivi de leur patient. Des soignants témoignent de leurs conditions de travail.
Stéphanie : " J'avais un rêve de soignant, un idéal qu’on nous a grignoté"
Stéphanie, infirmière aux urgences de Nantes (Loire-Atlantique) : "On sent qu’on est épuisés des conditions de travail. On avait un rêve de soignant, un idéal et peu à peu avec les années, c’est un rêve qu’on nous a grignoté. On en peux plus d’être maltraitant, de ne pas pouvoir faire correctement notre travail, d’être empathique avec les patients. Je n’en peux plus de voir des jeunes ou des personnes âgées attendre des heures sur des brancards, de faire semblant d'ignorer leur souffrance sous prétexte que je n’ai pas le temps".
Linda : "On a des conditions de travail complètement délétères"

Linda, aide-soignante aux urgences de Gonesse (Val-d'Oise) : "On veut montrer qu’on est en colère. On vient dire notre mécontentement et notre manque de moyen pour soigner dignement nos patients. On a des conditions de travail complètement délétères. De nombreux services ferment. On ne peut plus prendre en charge correctement les patients. J’ai vu un jeune homme faire une convulsion et ce qui m’a alerté c’est le cri des autres patients. Ils me criaient dessus en disant que je les avais laissé tomber dans le coin de l’hôpital mais je n’avais pas le temps".
Nicolas : "Les gens sont maltraités aux urgences et on veut que ça s’arrête"

Nicloas, aide-soignant aux urgences de Paris : "Il y a un engorgement dans les urgences, un flux-tendu ou les gens sont maltraités et on veut que ça s’arrête. Le personnel est épuisé, il n'est pas remplacé, on s’auto-remplace. On nous demande de venir sur nos jours de repos, de rester 12 heures dans la journée parce qu’ils ne cherchent personne. La ministre de la Santé parle de renfort estival mais c’est pas ce qu’on demande. On nous supprime du personnel et des services d'urgence, nous on veut du personnel supplémentaire toute l’année, on veut des réponses immédiates et pérennes".
Myriam : “Avec la canicule dans certains de nos locaux il faisait jusqu’à 35°"

Myriam, infirmière aux urgences de Vichy (Allier) : "On manque de moyen, de matériel comme des lits. On se retrouve souvent avec des patients sur des brancards pendant des heures et à qui on ne trouve pas de lit dans l’hôpital, qui ont besoin de soins. Ils viennent parce qu’ils sont malades et on ne peut plus faire le maximum pour qu’ils soient bien. Ce n’est pas possible de les accueillir comme ça. La prime de 100€ nous on s’en fiche, ce qu’on veut c’est accueillir les patients dans de meilleures conditions, avoir plus de moyens, du matériel adéquate. Ce que le gouvernement a proposé pour le moment n’est pas satisfaisant. On est là dans l’intérêt des patients et pour les soignants".
Delphine : "Maintenant c’est terminé, on ne se taira plus"

Delphine, infirmière aux urgences à Contamine-sur-Arve (Haute-Savoie) : "On a gardé le silence trop longtemps sur nos conditions de travail. On ne veut pas que les restrictions budgétaires influent sur la qualité des soins que l’on prodigue aux patients. Ça fait quinze ans que j’exerce cette profession et il y a une dégradation des conditions de travail extrêmement importante. On a un nombre croissant de personnes qui viennent au service des urgences avec un effectif qui est lui resté stable et forcément l’équation n’est plus viable. Dans notre milieu on s’est habitués à travailler dans des conditions pas satisfaisantes et à être dans une forme de dévouement mais maintenant c’est terminé, on ne se taira plus".